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14.02.2024 - 11h37   
Interview de Bernard Werber par Yoga journal


source: web.archive.org

Par Lionel Piovesan



« Quand on rentre dans la spiritualité, ça agace les imbéciles »


L'auteur des livres à succès Les Fourmis, Les Thanatonautes ou L'Empire des Anges, a été initié au yoga à l'âge de 13 ans. Lors d'une colonie de vacances, il rencontre Jacques qui lui ouvre les portes de la spiritualité orientale. Cet éveil précoce continue à l'influencer dans sa vie et dans son écriture.



Yoga Journal : Comment s'est faite votre rencontre avec le yoga ?

Bernard Werber : J'avais 13 ans, j'étais en colonie de vacances à Hyères. Mon attention a été attirée par ce garçon qui était extrêmement calme, détendu et souriant. Il avait un truc que les autres n'avaient pas. Il m'a expliqué qu'il faisait du yoga deux fois par jour avec André Van Lysebeth (professeur de hatha-yoga, ndlr). J'ai tout de suite était happé par ce qu'il me racontait et quand il m'a proposé de m'initier, j'ai aussitôt accepté.



Racontez-nous comment s'est déroulée cette initiation.

Réveillés tôt le matin avant le lever du soleil, nous nous retrouvions en haut d'un bunker.

Il se mettait en position du lotus et moi en tailleur. Et il m'expliquait qu'il arrivait à sortir de son corps. ça me paraissait extraordinaire. Pour l'anecdote, j'ai vu un moustique se poser sur sa paupière et y planter son dard. Et il n'a même pas bougé… Pour lui, la partie « asanas » était vraiment secondaire par rapport à la partie « vivre le yoga ». Il faisait des choses impressionnantes. Par exemple, vider ses poumons et s'asseoir en lotus au fond de la piscine. Progressivement, il m'a délivré son savoir comme un maître à son disciple, me donnant tous les jours des exercices. Il m'a appris à respirer, rentrer le ventre, ralentir mon cœur, manger, être vraiment là, regarder et fixer un point… le tout en conscience. Au fur et à mesure on a formé un binôme surprenant dans la colonie de vacances. Il me parlait de voyage astral, de réincarnation, de relaxation… Un ensemble de choses que j'ignorais. Il avait aussi des rituels au quotidien que je trouvais spectaculaires comme se laver le nez avec de l'eau salée et faire passer un fil dedans. J'étais surpris que ça puisse aller aussi loin. Il incarnait la voie de la sagesse. Tout à coup, j'ai eu l'impression qu'il détenait les réponses à toutes les questions que je pourrais me poser le restant de ma vie. Il s'appelait Jacques Padovani et j'aimerais beaucoup le retrouver.
Comment cette amitié avec ce jeune maître était perçue par les autres ?

Notre binôme a commencé à déranger car les autres ne comprenaient pas ce que nous faisions. Un jour, un garçon qui faisait du karaté est venu me demander ce que je faisais avec Jacques. Je lui ai répondu que ça ne le regardait pas. Il m'a expliqué que ça ne lui plaisait pas et que nous devions arrêter. Et comme je refusais, il m'a jeté par terre et il m'a mis un coup de poing. Je suis allé voir Jacques et je lui ai demandé : « Qu'aurais-tu fait à ma place ? » Il m'a répondu : « Je ne peux pas être à ta place. Et s'il s'en est pris à toi, c'est peut-être parce que tu es à la moitié du chemin. » Et là, j'ai compris que quand on rentre dans la spiritualité, ça agace les imbéciles. ça peut rendre agressif et générer de la brutalité.

Et que s'est-il passé ensuite ?

De retour à Toulouse, j'ai cherché un studio de yoga pour poursuivre mon initiation. J'ai trouvé des groupes qui pratiquaient les asanas, mais malheureusement pas du tout ce que m'avait enseigné Jacques. J'ai fait plusieurs ateliers et écoles différents. ça ressemblait à de la gymnastique, mais pas à de la spiritualité ou à de l'éveil. Et là, j'ai compris que l'enseignement du yoga de mon ami était un trésor. Du coup, je suis allé chercher dans la méditation transcendantale, dans le zen, dans d'autres formes de spiritualité orientale telles que le taoïsme, le bouddhisme… En vain car je ne retrouvais ni la qualité ni la force de l'enseignement de Jacques. J'ai pu vérifier à quel point je pouvais aller loin avec un capteur, que j'arrivais à ralentir les battements de mon cœur. J'avais donc la possibilité, si je souffrais trop, de décider quand il devait s'arrêter de battre et ainsi de pouvoir même mettre fin à mes jours. Il faut dire que j'avais très mal vécu, peu de temps avant, l'acharnement thérapeutique qu'a subi mon grand-père qui était alors en fin de vie.
Est-ce de là que vient la genèse de votre livre Les Thanatonautes sur l'expérience de mort imminente (EMI) ?
Justement, j'y arrive. Quand j'étais en colonie, Jacques m'a appris à faire sortir mon esprit de mon corps, à faire ce qu'on appelle un voyage astral. Y suis-je vraiment arrivé ? Je ne sais pas. En tout cas, il me disait de ralentir ma respiration, les battements de mon cœur, et de visualiser mon esprit qui quittait mon crâne et qui commençait à voyager au-dessus de nous. étonnamment, avec cette expérience, c'est comme si on m'avait montré le point d'arrivée alors que la route ne fait que démarrer… et que normalement tout ce travail est long et progressif. Quoi qu'il en soit, quand j'étais là-haut, durant cette colonie de vacances, j'ai réussi à sortir de mon corps.



Cette expérience vous a beaucoup influencé dans votre écriture ?
Oui, ça m'a inspiré Les Thanatonautes et toute la partie spirituelle de mes romans. Ce garçon était un éveilleur pour moi. Ce qui est amusant, c'est que quelques années après la sortie du livre [il a été publié en 1994 aux éditions Albin Michel, ndlr], j'étais à une conférence sur la spiritualité à Versailles. Au moment de la séance de dédicaces, une personne se présente devant moi : « Je suis André Van Lysebeth, j'ai adoré Les Thanatonautes. C'est un livre important pour moi. » Je lui réponds que je lui dois indirectement l'écriture de ce livre : « C'est grâce à vous car c'est un de vos élèves qui m'a éveillé à la spiritualité : Jacques Padovani. » Et je le regarde l'air de dire : « Vous connaissez Jacques Padovani ? » Et il me répond : « Vous savez, j'ai tellement d'élèves que je ne me les rappelle pas tous. » Il ne cessait de me dire à quel point il avait adoré mon livre et moi de lui répéter que c'était grâce à lui que je l'avais écrit.

Découvrez la suite de cet article dans votre magazine Yoga Journal n°15 disponible en version papier et digitale.


 
14.02.2024 - 11h33   
Bernard Werber: "Ma place, je l'ai trouvée en racontant des histoires"

source: notretemps.com


Bernard Werber: "Ma place, je l'ai trouvée en racontant des histoires"

Notre Temps: Nous sommes dans un bistrot très important pour vous, pourquoi? Bernard Werber: Je m'assieds à cette même table tous les matins de 8h30 à 12h30. Je mets d'abord 5 à 10 minutes à lire le journal pour voir comment va le monde, puis, je sors mon ordinateur portable et je mets de la musique pour m'isoler. J'écris en moyenne 10 pages par jour. Ensuite, le midi, je déjeune avec quelqu'un qui a un domaine de connaissance très différent du mien - historien, philosophe, scientifique mais aussi humoriste ou magicien - parce que de la conversation vont naître des informations, des idées. Un écrivain doit vivre dans le monde pour se renouveler. L'après-midi, je vais voir mon éditeur ou je pars marcher en forêt. En fin de journée, je fais du sport car j'ai eu, il y a quelques années, une très lourde alerte cardiaque.

NT: Que vous est-il arrivé?

B.W.: C'était il y a cinq ans. J'ai eu une coronaire bouchée. Soit j'étais opéré, soit je devais m'astreindre à une heure de cardio-training quotidienne. Depuis, je considère que je suis en sursis. Chaque jour est une journée de gagnée. NT: Cet accident a-t-il changé votre vision de la vie? B.W.: Bien sûr, car je sais que tout peut s'arrêter d'un coup. Depuis, je suis plus pressé. J'écris plus de livres. J'aimerais pouvoir tous les publier mais le système littéraire ne l'autorise pas. Si vous faites plus d'un livre par an, vous avez l'air de bâcler. NT: Êtes-vous sujet aux regrets?

B.W.: Non, parce que je ne suis pas un fou de la prise de risque! Ce qui m'intéresse, c'est de construire une œuvre de qualité. Mais ne pas aller en Antarctique ou me rendre dans des endroits dangereux ne me dérange pas. D'autant que mon métier me permet de côtoyer beaucoup de gens différents. À chaque rencontre, je découvre une nouvelle planète.

NT: Dans votre dernier ouvrage, "Depuis l'au-delà" , le personnage principal, Gabriel Wells, enquête sur son propre assassinat... La vie après la mort, est-ce un sujet qui vous travaille?B.W.: Sans doute. Mais ce n'est pas une réflexion angoissante, juste un questionnement philosophique sur le sens de la vie. Il y a une phrase de Woody Allen qui dit: "Tant que l'homme sera mortel, il ne sera pas vraiment décontracté." En tout cas, tant que l'homme sera mortel, il se demandera: comment tout cela va-t-il finir? Et tout ça pour quoi? NT: Croyez-vous à la possibilité d'une vie après la mort? B.W.: Ma formation de journaliste scientifique m'incite à être sceptique, mais ce qui m'intéresse dans ce concept de réincarnation, c'est l'idée que, vie après vie, nous ne faisons qu'apprendre à nous améliorer. Je ne saurais jamais si c'est vrai ou pas, mais je trouve cette idée rassurante. La naissance n'est pas le début, et la mort n'est pas la fin. C'est juste un passage, une étape, un bout du voyage.NT: En quoi aimeriez-vous être réincarné? B.W.: En écrivain! J'aime beaucoup cette vie-là. Je souhaite à tout le monde une existence dans laquelle on ne dépend pas d'une hiérarchie mais du public. Je trouve cela honnête. C'est aussi une vie où je n'arrête pas d'apprendre, de lire, de m'instruire pour transmettre à mes lecteurs. Une vie dans laquelle j'ai beaucoup voyagé aussi. Assurément, si la réincarnation existe, cette vie est celle dans laquelle j'aurais accompli le plus de choses intéressantes.NT: En tant qu'écrivain de science-fiction, êtes-vous plutôt optimiste ou pessimiste pour l'avenir de notre planète?B.W.: Je suis pessimiste sur le court terme et optimiste sur le long terme. Je pense que toutes les erreurs politiques, scientifique, économiques et financières possibles vont être commises. Mais les débats qu'elles susciteront vont nous amener à rectifier le tir. Pour commencer, il faudrait penser à une régulation démographique et envisager une meilleure répartition des richesses.

NT: Votre personnage, Gabriel Wells, est écrivain comme vous. En quoi d'autre vous ressemble-t-il?B.W.: Comme moi, c'est un auteur qui privilégie la qualité de l'histoire et du suspense au culte de la jolie phrase. Il se pose tout le temps la question de savoir comment intéresser les gens à son récit. Le but d'un livre est de provoquer des émotions au lecteur, de les faire rire ou de les faire réfléchir. C'est ça le livre idéal pour moi. Sinon, la grande différence avec Gabriel Wells, c'est que je n'ai pas de frère jumeau et que je ne suis pas mort! NT: Quelle est votre méthode pour élaborer une intrigue qui donne envie de tourner les pages? B.W.: Je parlerais plutôt de recette de cuisine. Quand vous voulez préparer un plat, il faut choisir les ingrédients, déterminer un temps de cuisson et réfléchir à une manière de le présenter. Il faut ensuite faire des tests pour trouver le bon dosage. Pour faire un bon roman, il faut aussi du savoir-faire. Avec le temps, je repère mieux ce qui fonctionne ou non, comment aller plus vite à l'essentiel et comment augmenter les effets d'émotions. L'une de mes recettes consiste à entrer dans l'intrigue dès la première ligne. Je suis toujours surpris de voir des romans qui commencent à la page 120. Quand il ne se passe rien au bout des 100 premières pages, je considère que l'écrivain n'a pas fait son travail.NT: Y a-t-il un livre qui a changé votre vie?B.W.: Oui, j'ai été chamboulé par "Des fleurs pour Algernon", le roman de Dany Keyes. Ce qu'il explique dans le livre, c'est que si tu es bête, tu es rejeté et si tu es intelligent, tu es rejeté aussi! Notre système tend vers l'uniformisation et nous incite à être tous pareils. Ceux qui cherchent à se démarquer se lancent dans un parcours semé d'embûches. C'est ce qui arrive au héros du roman. Je me suis beaucoup retrouvé dans ce personnage qui, tant qu'il n'est pas comme les autres, ne peut avoir une vie facile.

NT: En quoi son parcours fait-il écho au vôtre?

B.W.: Petit, j'étais solitaire, introverti, rêveur, pas adapté au système. Je portais des lunettes et je boitais à cause d'une maladie. À l'école, l'intégration pour un garçon se fait par le football, mais moi je n'étais pas bon en sport. Je n'étais pas non plus un très bon élève. Mais à l'école, si tu n'es ni intello ni sportif, tu es quoi? Vu que le monde des hommes ne m'intégrait pas, j'observais dans les jardins les animaux et les insectes comme les fourmis qui me fascinaient... NT: D'où l'idée de votre premier roman, "Les Fourmis"? B.W.: Oui, au fond, mon aspiration vient de cette revanche sur un système qui me rejetait. Ma place, je l'ai trouvée en racontant des histoires. Je lisais Jules Verne et Edgar Poe et je relatais aux autres les romans que j'avais lus. Vers 8 ans, j'ai commencé à inventer mes propres histoires. À 14 ans, j'ai créé un journal, "Euphorie" , dans lequel j'écrivais des scénarios qu'un ami illustrait. À 16 ans, j'ai rédigé "Les Fourmis". J'en ai fait une centaine de versions jusqu'à ce que je rencontre un éditeur motivé. Finalement, grâce à l'écriture, j'ai imaginé ma propre tribu. Ce sont mes lecteurs!


 
14.02.2024 - 11h30   
Confidence d’artiste L’écritothérapie Bernard Werber

source: revue-reflets.org

Bernard Werber est vraiment un écrivain étonnant. Il écrit des livres géniaux qui sont le fruit de son intuition. Chose surprenante, il ne croit pas à ce qu'il transcrit. Ainsi, il parle avec brio des anges, des morts, de l'au-delà sans se sentir impliqué. Il souhaite garder son libre-arbitre. Auteur à succès de 23 romans traduits dans plus d'une trentaine de langues, Bernard Werber fait de l'écriture un mode de vie, et même une psychothérapie. Heureux par l'écriture quotidienne. Ainsi depuis peu, il propose des ateliers d'« écritothérapie ». « Plutôt que de faire une psychanalyse, si quelqu'un ne va pas bien, s'il raconte sa vie par écrit, même si ce n'est pas publié, ça lui fera du bien. » Fort de son expérience, il dévoile ses secrets d'écriture, l'art de la construction romanesque et explique comment passer du libre cours à la créativité. www.bernardwerber.com

A quoi attribuez-vous votre imagination débordante ?

Quand je suis arrivé sur cette planète, j'avais déjà un premier souci : le système scolaire ne me convenait pas. Tout ce que l'on propose à un enfant comme mécanisme d'*ion m'égratignait. Je n'étais pas bon, comme élève et comme camarade. À partir de là, pour m'enfuir avec mon esprit, j'ai développé un imaginaire à travers le dessin et la musique.
À 5-6 ans, mon professeur de dessin disait que, comme j'allais être peintre ou dessinateur, ce n'était pas la peine de m'apprendre d'autres matières. J'avais trouvé une échappatoire par le dessin. Vers l'âge de 8 ans, j'ai fait une rédaction qui s'appelait « Souvenir d'une puce ». Le professeur m'avait mis une mauvaise note, car il y avait cinq fautes d'orthographe, mais il a reconnu qu'il s'était régalé en la lisant. Dès lors, j'ai pris cela pour un signe : quand je raconte des histoires, on m'apprécie. C'est comme si la société me disait : « Là, enfin, tu nous intéresses. » Je me suis aperçu ensuite que, quand je n'allais pas bien, il suffisait que j'invente une histoire comme un rêve éveillé pour aller mieux. À partir de là, j'ai renforcé mes points forts plutôt que combler mes points faibles. Vers l'âge de 9 ans, on a détecté chez moi une maladie, la spondylarthrite ankylosante. Déjà j'avais des lunettes, je n'étais pas bon en sport, et avec cette maladie, je commençais à arriver en cours avec une canne. Et à 9 ans, un type qui arrive comme un petit vieux, cela ne participait pas vraiment à mon *ion. Du coup j'écrivais et je lisais de plus en plus pour fuir dans des mondes imaginaires.

Quand cela ne va pas, j'écris une histoire

À 13 ans, alors que j'étais passionné de sciences, j'ai échoué au passage en section scientifique (parce que j'avais oublié de tourner la page de l'énoncé). Je suis rentré en section économique et, comme je m'ennuyais beaucoup, j'ai créé un journal dans lequel je racontais des histoires. Les fourmis a été l'un des premiers scénarios que j'ai écrits pour ce journal. Je devais avoir 14 ans. J'ai passé un cap, c'est-à-dire qu'avant on me tolérait comme raconteur d'histoires, mais là je commençais à intéresser en tant que créateur de journal. Depuis, quand cela ne va pas, j'écris une histoire. L'autre apport de l'écriture, c'est que j'ai l'estime de l'entourage. Plus tard, je suis allé à la fac de droit et j'ai raté mon examen. À partir de là, je n'avais pas le choix. Il fallait continuer dans ce système de compensation de mes échecs de la vie courante, par une fuite par l'art et notamment par l'écriture imaginaire. Parallèlement, pour m'améliorer je lisais de plus en plus. Certains auteurs sont entrés en résonance avec moi et m'ont enseigné l'art de bâtir des univers complexes qui peuvent tenir sur plusieurs centaines de pages. Notamment Isaac Asimov avec fondation, Frank Herbert avec Dune, J.R.R Tolkien avec Le Seigneur des anneaux, et évidemment Jules Verne avec la série sur l'Île Mystérieuse. Je comprenais que plus le récit est long, plus il faut une structure cachée solide, une armature, un squelette, pour que cela tienne jusqu'au bout. Si on n'est pas assez rigoureux dans son plan et sa structure, les fondations s'enfoncent et le récit s'effondre. J'utilisais aussi le jeu d'échec comme moyen de déplacer et faire combattre mes personnages. Ensuite, il fallait mettre le maximum d'énergie pour réussir la fin. Pour moi, l'histoire, c'est un jeu dans lequel il y a une solution inattendue à laquelle on ne pense pas tout de suite.

Je fais ma psychanalyse en écrivant

Quand vous écrivez, cela vous fait-il du bien encore maintenant ?

En fait, je suis étonné que tout le monde ne fasse pas cela. Quand les gens me racontent leurs problèmes, se sentent coincés, j'ai envie de leur dire : « Libérez-vous en racontant une histoire dans laquelle vous transférez votre problème dans l'intrigue, pour faire chercher une solution par votre personnage ». Je fais ma psychanalyse en écrivant. Dans les master class que je donne actuellement, je demande aux participants d'oublier leur prof de français, de ne pas faire une jolie rédaction, mais une jolie histoire dont ils sont le héros et d'utiliser leur personnage pour résoudre leur problème personnel principal.

D'où vient votre attirance pour les expériences extraordinaires, inhabituelles ?

Ce que je ne comprends pas, c'est le manque de curiosité de certains de mes contemporains. S'il y a un truc nouveau, je veux voir. À l'âge de 13 ans, il m'est arrivé une chose assez extraordinaire alors que j'étais en colonie de vacances. Je rencontre un autre enfant de 13 ans, Jacques Padovani, qui était tout le temps souriant, détendu, de bonne humeur. Je lui ai demandé d'où venait son calme. Il m'a répondu qu'il pratiquait du r?ja yoga. Je lui ai demandé de m'apprendre. Il m'enseigna à me lever tôt le matin pour voir le lever du soleil. Il m'a aussi montré comment respirer en conscience, fixer mon regard, manger en sentant les aliments entrer dans mon corps. En fait, il m'a appris à vivre. Par la suite, j'ai essayé de trouver dans des clubs de yoga, y compris de r?ja yoga ce qu'il m'a appris, mais il n'y avait que la partie « gymnastique » et pas la partie « prise de conscience » et je n'ai plus jamais retrouvé un enseignement aussi fort. Mais je suis content du fait que depuis peu les magazines féminins, les revues commencent à parler de la méditation, du yoga, autrement qu'en le laissant sous l'image ancienne de la religion ou de la gymnastique pour retraités. Jacques allait très loin, il me disait qu'il arrivait avec son esprit à sortir de son corps pour pratiquer quelque chose comme le voyage astral. J'ai utilisé ce thème pour certains de mes romans plus tournés vers la spiritualité, comme le prochain : Depuis l'au-delà.

Chaque journée où je suis vivant est un cadeau

Est-ce que vous avez une pratique spirituelle ?
Il y a 7 ans, on a découvert que j'avais un bouchon dans le cœur et que je n'en avais que pour quelques mois à vivre. Depuis, je fais 50 minutes de vélo d'appartement tous les jours. Tous les matins en me levant, je me dis : « Chouette une journée de plus ! » J'ai vraiment conscience que chaque journée où je suis vivant est un cadeau. Progressivement, je deviens aussi végétarien, simplement parce que je n'aime pas manger de la souffrance animale. Enfin au niveau du mental, l'écriture est mon mode de vie, mon mode de soins. J'écris tous les matins de 8 h à 12h30. Et quand je regarde derrière moi, il me semble qu'il y a un chemin d'accompli : 23 romans, 2 pièces de théâtre, 1 long-métrage cinéma. Cela me donne l'impression de ne pas être né pour rien.

Quand vous êtes contrarié, avez-vous une méthode pour transformer cette contrariété ?
Je ne me mets jamais en colère. Pour moi, ce serait m'abaisser au niveau de ceux qui m'agressent. Mon unique solution, c'est la fuite, la fuite par l'écriture, sinon la fuite géographique. Quand quelqu'un me contredit ou m'énerve, je n'ai pas à lui expliquer qu'il a tort, je me dis qu'il vit avec son système, que je vis avec le mien. Je préfère la place de romancier à celle de philosophe parce que, comme romancier, je raconte des histoires qui n'ont pas besoin d'être vraies. Je ne demande pas aux gens d'avoir la foi, je leur propose juste de se poser de nouvelles questions, de ne pas juger, d'être curieux de tout ce qui est nouveau. Beaucoup de gens m'ont dit que Les Thanatonautes et L'Empire des anges leur avaient ouvert de nouvelles perspectives. J'écris pour ça.


 
14.02.2024 - 11h28   
Bernard Werber: «Mon show est un objet scénique non identifié»


source: ladepeche.fr

Quelles seront ces «histoires extraordinaires», ces «expériences amusantes» que vous annoncez pour votre spectacle?

Ce sont des expériences réellement vécues dans plusieurs pays comme la Chine, le Japon, la France. l'une se passe même à Saint-Gaudens! Tout est parti d'une expérience vécue avec des fourmis magnantes, en Afrique...

Sont-elles de l'ordre du surnaturel?

Non, il n'y a rien de surnaturel. Simplement il s'agit souvent de concours de circonstances étranges. parfois très étonnants.

Comment se déroule votre spectacle?

C'est une expérience interactive. j'invite le public à un voyage guidé. On explore de nouvelles contrées avec toujours une surprise à l'arrivée. Mais je ne peux en dire plus! Juste que l'expérience se fait en direct ,dans la salle. On visite plein de choses...

Vous vous présentez aussi comme hypnotiseur. Allez-vous endormir tout le monde?

Pas du tout. Je demande juste à ce que l'on ferme les yeux. Je prends ensuite le contrôle pour conduire le public vers quelque chose. Tout cela est très doux.

Est-ce de la sophrologie?

ça peut y ressembler. J'essaie d'amener à une relaxation. On vit un moment auquel on n'est pas habitué. Du coup, le spectacle est un peu hors du commun. Il a été classé «objet scénique non identifié». Il mêle conférence, expérience, narration...

Voilà donc votre nouvelle vie, en quelque sorte?

Oui, on peut le dire. Je suis naturellement timide. Ces shows m'obligent à me surpasser. Je dois me faire violence, c'est un challenge...

La scène est donc un défi pour l'écrivain, non?

C'est vrai. On est en prise directe avec le public dont on voit les réactions. Si je me sens bien, je rajoute des scènes. L'écrivain est souvent un solitaire vivant sur île déserte. Là, c'est totalement le contraire.

Votre carrière d'écrivain va-t-elle s'arrêter?

Non! C'est vraiment complémentaire. Je continue d'écrire mais j'accorde plus de temps à raconter des histoires. Cela me fait penser aux griots d'Afrique, à ces conteurs qui existent depuis si longtemps...

Les Fourmis ont-elles toujours un impact sur votre vie?

C'est sûr. Je leur dois tout. J'ai compris beaucoup de choses du futur en les observant. On leur ressemble déjà énormément, on est tous connecté!

Votre dernier livre «Demain les chats» rappelle celui de Simak «Demain les chiens». Pourquoi, cette analogie?

C'est un hommage à cet auteur de science-fiction que j'adore. Tout comme Pierre Boule et sa «Planète des singes» . Je trouve intéressant de réfléchir à travers un regard animal ce que peut devenir l'humanité. Prenez le sujet du terrorisme. Tout le monde dit qu'il faut arrêter cela... et ça continue. Faites parler un chat et vous verrez que le message sera différemment perçu!

Combien de chats avez-vous?

J'en ai eu trois mais je n'en ai plus. J'ai compris pour le dernier qu'il serait plus heureux à pister les oiseaux et courir dans l'herbe. Je l'ai confié à un ami. Il coule des jours heureux.

Bernard Werber le Toulousain a-t-il abandonné la Ville Rose?

Jamais! Mes parents et ma sœur vivent à Toulouse et je viens régulièrement les voir. Comme je passe du temps avec des amis écrivains tels que Jean-Claude Dunyach, auteur de romans de science-fiction. Et le reste du temps, je voyage. Cette année ce sera la Russie. Chaque fois, c'est 5000 à 6000 spectateurs dans la salle.

Publié le 26/02/2017 à 10:26
Recueilli par Emmanuel Haillot


 
14.02.2024 - 11h25   
Bernard Werber: «Je me suis mis dans la peau du chat»

source: ladepeche.fr

Quand le Toulousain Bernard Werber a l'idée folle de se glisser dans la peau d'un félin, il en sort «Demain les chats» (ed. Albin Michel). Après le succès mondial des «fourmis», il se sert de cet animal pour poser un regard distancié et humoristique sur nous, les humains...

Toujours très actif et demandé dans le monde entier, quand il n'écrit pas dans son café parisien préféré, Bernard Werber va à la rencontre de ses lecteurs ou donne des conférences. Interview.

Après «Les fourmis», pourquoi les chats ?

Que ce soit les fourmis ou les chats, mon idée est de comprendre qui est l'humain. Le mieux pour cela, c'est de sortir de son humanité. Pour comprendre ce qu'est l'homme, il faut utiliser un regard extérieur et pourquoi pas un regard de chat ? La fourmi a l'avantage de permettre de comprendre la vie collective en cité mais par contre elle ne peut pas comprendre la vie individuelle à l'intérieur d'un appartement. Le chat connaît l'homme dans son appartement.

Le chat vous fascine-t-il ?

J'ai trois chats. Ce qui est intéressant, c'est que le chat s'intéresse à l'homme. Par exemple, quand je tapais sur l'ordinateur, il me regardait, j'en déduisais qu'il s'intéressait à moi et à la manière dont j'interagissais avec lui. Partant de là, le travail du romancier consiste à se mettre dans la peau de l'homme en général. Moi, ce qui m'amuse, c'est de me mettre dans la peau des autres. Donc se mettre dans la peau d'un chat, c'était un regard extérieur exotique.

Cela aurait pu marcher avec un chien ?

Justement, mon étude du chat m'a amené à me comparer à lui. Pour moi, le chien est un pur animal d'amour et d'abnégation pour l'homme, donc il est plus prévisible et moins romanesque. Le chat est mystérieux, il peut avoir des moments de pure folie, du coup il nous oblige à imaginer ce que peut être sa pensée complexe. Le chien est un compagnon pour ceux qui sont seuls ou qui ont besoin d'être aimés. Le chat est compagnon pour ceux qui se posent des questions.

En tout cas, on sent que vous vous êtes bien amusé à entrer dans la peau de ce chat.

Oui. Pour que le lecteur ait du plaisir, il faut que l'écrivain en ait déjà. Je me suis énormément amusé dans ce personnage qui n'est pas que positif. C'est un personnage manichéen, il est complexe et peut faire du mal.

Le plus frustrant dans la vie d'un chat ?

La présence de portes qui ne leur permet pas d'aller d'un point A à un point B parce que quelqu'un l'a fermée par inadvertance ou volontairement. Ce doit être très désagréable. C'est pareil pour les enfants sauf que pour eux ça va s'arranger. Mais il existe des chats qui savent ouvrir les poignées !

Vous allez jusqu'à leur attribuer des sentiments humains ?

Parce qu'ils en ont. J'ai essayé d'être le plus honnête possible par rapport à ce que je voyais, c'est-à-dire que je ne lui faisais pas dire : «Bonjour Monsieur, comment ça va ?», «où est ma nourriture ? »... J'ai juste dit la pensée de mon chat.

A des moments, ils ont envie de câlins, à d'autres ils deviennent agressifs quand la tête de certaines personnes ne leur revient pas. A des moments, une chatte peut être amoureuse... Si c'est ça les sentiments humains, on voit bien que ça existe chez les animaux.

A la fin de votre livre, vous rendez hommage à un vétérinaire toulousain, Jean-Yves Gaychet, l'inventeur de la ronronthérapie. L'avez-vous rencontré ?

Oui, c'est un ami. Il m'a vraiment apporté une information précieuse.

Vous avez fait des études de droit, puis êtes devenu journaliste, puis vous avez écrit par hasard «Les fourmis»...

Non, ce n'était pas un hasard. J'ai mis douze ans à l'écrire. Je voulais faire un livre sur une civilisation parallèle.

Ce livre a complètement changé votre vie…

Il m'a permis de faire ce métier. En tant que journaliste, je me sentais limité dans le choix des reportages et la place pour les rédiger. Avec le roman, j'ai autant de pages que je veux. Je n'ai plus cette frustration.

Le succès vous a-t-il mis la pression ?

A chaque fois, ma problématique est de savoir si je vais encore y arriver, est-ce que je vais trouver le sujet qui va intéresser ? En ce moment, j'écris deux romans en même temps, je ne sais pas lequel des deux va rester. J'écris tous les matins de 8 heures à 12 h 30.

Vous êtes très actif sur facebook...

J'ai 150 000 personnes qui me suivent sur facebook, c'est la possibilité de communiquer avec beaucoup de gens très vite, ça fait partie des outils de mon époque. Quand j'étais jeune, tous mes sous passaient dans des achats d'ordinateurs. Je voulais toujours avoir la machine la plus performante. Je n'aime pas être dépassé par la technologie. C'est le seul domaine où ça bouge.

Sur facebook, les gens adorent poster des photos de leur chat, pourquoi ?

Parce qu'ils en sont fiers. On a l'impression qu'un chat choisit son maître alors que ce n'est pas le cas du chien.

Quelle place occupe Toulouse dans votre cœur ?

Mes parents vivent toujours à Toulouse, j'y reviens souvent. C'est une ville qui s'est bien modernisée, surtout le centre-ville piétonnier. J'ai eu mon premier salaire à La Dépêche du Midi, en travaillant aux archives, en 1983.

Publié le 27/11/2016 à 07:44
Recueilli par Sophie Vigroux


 
14.02.2024 - 11h22   
Bernard Werber, écrivain et rêveur lucide


source: web.archive.org

Ecrivain à succès, Bernard Werber était l'invité d'honneur du dernier Printemps du livre de Montaigu. L'occasion de parler littérature et ... sommeil!

"Des applications qui analysent le cycle du sommeil ? Il y en a beaucoup. Je te conseille Sleep Cycle , c'est la seule qui vaille le coup à mon avis!"

Bernard Werber a beau être l'un des auteurs français les plus lu au monde, il n'en demeure pas moins amical, prêt à donner des conseils sur le thème de son dernier roman : le bien dormir, mais surtout le bien rêver.

Paru aux éditions Albin Michel, "Le Sixième Sommeil" est le 21ème ouvrage de l'auteur, un roman audacieux qui mêle science, ésotérisme, temps, psychanalyse et médecine. Tout un programme!


Prinptemps du livre de Montaigu

Du 22 au 24 avril, le printemps du livre de Montaigu a fêté la littérature au Théâtre de Thalie . Trois jours intenses de rencontres, dédicaces, animations, sous la présidence de Bernard Werber. « C'est la première fois que je suis président d'un salon… c'est formidable », s'enthousiasme l'auteur. « Je considère mes lecteurs comme une grande famille à qui j'ai des comptes à rendre. Pouvoir les rencontrer, échanger avec eux est essentiel. Rien n'est pire que la solitude de l'écrivain, seul face à sa pile de bouquins lors d'une séance de dédicace… Le fait que l'événement se passe dans un théâtre est aussi très intéressant. L'occasion de présenter plusieurs facettes de mon travail, celle d'écrivain et celle d'auteur de théâtre puisqu'il y sera rejoué ma pièce Nos amis les humains , dix ans après !

Voir le Futur

Dans "Le Sixième Sommeil", le héros imaginé par Bernard Werber, Jacques Klein, réalise le rêve de sa mère : atteindre, au-delà de la phase paradoxale, le sixième stade du sommeil, celui où tout devient possible… Il crée aussi le cinéma du futur, un cinéma oniroramique où l'on peut projeter ses rêves sur écran et les partager avec d'autres. Une vision dans la droite lignée des technologies de réalité virtuelle développées aujourd'hui… « L'auteur de science-fiction essaye ni plus ni moins de « voir » le futur, de l'anticiper. Plusieurs idées de mes romans ont eu des résonnances dans la réalité. En 2006 j'évoquais dans le Papillon des Etoiles un voilier solaire qui quitterait notre système solaire … il y a quelques jours, Stephen Hawking a annoncé qu'il œuvrait, avec son équipe, à la construction d'un prototype de minuscule vaisseau spatial propulsé grâce à la lumière envoyée depuis la Terre qui pourrait se rendre vers l'étoile Alpha Centauri (le système d'étoiles le plus proche du Soleil)…

Dans mon livre Le Père de nos Pères , j'avais postulé notre filiation avec le porc, des recherches ont depuis confirmé que les cochons partageaient beaucoup de points communs avec les humains ! Je reste persuadé que pour comprendre l'humanité, il faut en sortir et adopter des points de vues exotiques ! »

En France, l'imaginaire, le fantastique est peu visible dans les médias regrette l'écrivain. « C'est dommage… Jules Verne ou Edgar Poe ont mieux traversé le temps que ceux qui parlaient des salons Parisiens ! »

Une singularité que Bernard Werber, adopte jusque dans sa technique d'écriture. « Pour éviter de me plagier moi-même d'un roman à l‘autre, j'ai pris l'habitude d'écrire plusieurs versions d'une même histoire. Quand j'obtiens un premier jet, au lieu de l'améliorer, je recommence tout depuis le début. Avant de publier les fourmis, j'ai réalisé jusqu'à cent versions ! Pour mon prochain roman qui parlera des chats, j'ai recommencé huit fois. C'est comme un jeu de « Mastermind », il y a plusieurs combinaisons possibles, mais une seule est la bonne ! »

Croyances et vision de l'humanité

Quand on l'interroge sur sa vision de l'humanité, Bernard Werber se dit pessimiste à court terme, optimiste à long terme. L'histoire de l'homme est faite de cycles qui se répètent avec précision. Pour chaque période de progrès, s'ensuit une période de régression. L'art et l'éducation sont pour lui les deux énergies qui élèvent l'humanité. Le fait que tous les mouvements destructeurs s'attaquent en priorité à ces deux piliers semble confirmer sa théorie. Selon l'écrivain, l'artiste aurait une fonction d'alerte.

Jamais avare de bonnes citations, Bernard Werber cite Churchill : "Lorsque la Seconde Guerre mondiale faisait rage", rapporte-t-il ,"le parlement britannique aurait exigé que les subventions aux arts et à la culture soient plutôt versées à l'effort de guerre, ce à quoi le premier ministre britannique aurait répondu : Pourquoi combattre le IIIe Reich si ce n'est pour préserver notre culture ?"

" Ce sont les croyances qui nous bloquent. Elles ne nous apprennent pas à penser par nous-même, à encourager la création, l'indépendance d'esprit. Nous sommes le fruit d'une influence terrible, la publicité, nos familles, l'école… Nous sommes le fruit d'une influence terrible, sauf quand on rêve… "

A la fin du Sixième Sommeil, Caroline Klein, l'un des personnages imaginé par Werber conclut : « Un jour à l‘école on enseignera aux enfants à bien dormir. Un jour à l'université on apprendra aux étudiants à rêver. Dès lors, ce tiers de vie qu'on considérait à tort comme inutile sera enfin rentabilisé pour décupler toutes nos possibilités physiques et psychiques."

A vos rêves!



Suggestions pour aller plus loin dans la thématique :

Lecture : Le 6ème Sommeil de Bernard Werber , chez Albin-Michel.

Ciméma : Inception de Christopher Nolan, La Science des Rêves de Michel Gondry, Narco de Gilles Lellouche et Tristan Aurouet

Techno : L'application Sleep Cycle , disponible sur Itunes. Un réveil intelligent qui analyse votre sommeil et vous réveiller dans la phase la moins profonde pour vous assurer un réveil détendu et un repos optimal…


 
14.02.2024 - 11h19   
L’écrivain Bernard Werber a testé l’orgasme cérébral


source: web.archive.org

Récit d'une heure dans un caisson d'isolation sensorielle

À mi-chemin entre le bain romain et la mer Morte, le spa Meïso propose un voyage inédit dans une eau ultra salée à 37 degrés propose un voyage inédit dans une eau ultra salée à 37 degrés dans une piscine en forme de foetus. La promesse ? Un orgasme cérébral provoqué par un état de relaxation intense. Tenté par l'expérience, l'écrivain Bernard Werber s'est jeté à l'eau, salée, et a testé le caisson d'isolation sensorielle pour nous. Qu'en a-t-il pensé ?

Rompre les limites du temps, accéder à la connaissance parfaite de soi-même… Autant de buts que cherche à atteindre Jacques Klein dans Le Sixième Sommeil (Ed. Albin Michel), le dernier roman de Bernard Werber. Cet état, proche du nirvana, rompt toutes les règles de la physique. Le temps n'y existe plus, la linéarité du passé, présent et futur est cassée. Dans cette phase de sommeil avancée, l'écrivain rêve d'un dialogue intérieur entre son soi enfant, adulte et vieillard. Pour atteindre cet état de bien-être et de détente, nécessaire à ce fameux stade de sixième sommeil, Jacques Klein s'essaye au caisson d'isolation sensoriel.

Comme son personnage, Bernard Werber a voulu se laisser flotter. Il s'est donc rendu dans le 2ème arrondissement de Paris, au sous-sol d'un biohackerspace, où se niche Meïso. Ce spa un peu étrange propose, pendant une heure et moyennant 80 €, de se laisser bercer dans un cocon rempli d'eau chaude salée. Pour cet auteur prolifique et ancien journaliste scientifique à l'Obs, c'est un deuxième essai. Il avait gardé un mauvais souvenir d'une première tentative à Toulouse, dont il est originaire :

« C'était en 1979. Je me retrouve dans un caisson qui ressemblait à un cercueil. Comme l'eau est assez chaude, la vapeur se condense au plafond. Pendant une heure, la condensation a fait ruisseler l'eau, goutte à goutte, sur mon front. J'ai subi un supplice chinois ! »


Amplificateur d'émotions

Téméraire, Bernard Werber, l'auteur mondialement connu de la trilogie des Fourmis, a finalement renouvelé l'expérience. Et il a bien fait. Pas de supplice chinois mais » une sensation formidable « .

« Le caisson est plus grand. Je ne touchais pas les bords, ni avec les bras ni avec les jambes, ce qui donne de meilleures sensations de flottaison. Avant chaque passage, l'eau qui a pu se condenser est essuyée avec un chiffon. Je me suis donc retrouvé tout nu là-dedans. C'est un peu visqueux quand on rentre. L'eau y est très salée pour supporter le poids du corps. L'intérêt, c'est qu'on ne subit plus la gravité. Il y a un équilibre à trouver, une manière de se tenir pour se sentir bien. Mais au bout de quelques minutes, je me suis dit : « Ça y est, je flotte.” »

Attention cependant, si vous êtes claustro, « vous risquez d'avoir des réminiscences du thriller Buried ». Dans ce film, Ryan Reynolds se débat pendant 90 minutes dans une caisse en bois à 10 mètres sous terre, avant de [attention spoiler] mourir enterré vivant.

« Vous êtes seul pendant une heure avec vous-même. Si vous n'êtes pas ami avec vous, si vous avez des démons, attendez-vous à une aventure cauchemardesque. C'est un amplificateur d'émotions.»

Mais pour l'écrivain, bien dans ses pompes, tout s'est bien passé.meiso-meditation-eau-flottante

Un monde Alpha

« L'espace est plein de bonnes ondes dès que l'on arrive. » Avant même de plonger l'orteil dans le bain salé, le rituel commence dès l'entrée du spa où l'on enlève ses chaussures. La cave est isolée acoustiquement de la rue, l'ambiance est cotonneuse, légèrement humide et surtout, l'accueil doux et chaleureux. « La gentillesse du couple qui tient l'endroit est au moins pour moitié dans la réussite de la relaxation », explique l'écrivain.

On accède au bassin par un chemin en teck. À gauche, on arrive au sas de douche où l'on se déshabille entièrement. Enfin, on se laisse glisser dans le caisson par un hublot. L'utilisateur a le choix de laisser la lumière allumée ou non et de choisir une méditation.

« Les vingt premières minutes ont été rythmées par une voix pour entrer dans un état proche de la sieste. Le seul fait de fermer les yeux et de souffler, ça fonctionne. On se retrouve dans un monde alpha. Il fait noir, il n'y a plus de son, donc plus de stress, plus d'équilibre non plus. On est complètement coupé de la société, c'est un lieu pour se retrouver. C'est même mieux que la méditation »

Méditation que B.W. garantit avoir testée au moins trois ou quatre fois.

Le cocon, pièce maîtresse

Le spa a été pensé par Alexandre Kournwsky et Maïté Breger comme un chemin initiatique dont le caisson est la pièce maîtresse. Chaque brique qui compose le moule a été imprimée en 3D dans un FabLab. Elles ont ensuite été assemblées une à une à la main, puis polies avec amour jusqu'à obtenir la forme foetale. Le tout a ensuite été moulé en fibre de verre. Mille litres d'eau pour 700 kilos de sel ont été ajoutés pour fabriquer une mer Morte artificielle.

L'eau salée soulage le corps de son poids, mais aussi le cerveau. En bref, vos hémisphères s'occupent de leurs affaires pendant que le reste (votre corps) flotte sans résistance. Le tout est censé permettre une redécouverte du corps par l'intérieur.

« C'est un temps où l'on se retrouve et où l'on est bien, une espèce de renaissance, d'hypnose » tente d'expliquer Bernard Werber. A-t-il atteint le sixième sommeil ? L'écrivain n'a pas réussi à dialoguer avec son « moi » enfant ou vieux, mais reprendrait rendez-vous prochainement avec plaisir. « Ca serait bien qu'il y ait plus d'endroits ainsi ». Ce qui tombe parfaitement bien puisque, fort de son succès, Meïso ouvre un nouveau centre à Barbès, dans le Xe arrondissement de Paris.


Par Redac Détours
23 septembre 2016


 
14.02.2024 - 11h16   
Bernard Werber : «Je voudrais que Tim Burton adapte Le sixième sommeil»


source: web.archive.org

Benard Werber a publié Le Sixième sommeil aux éditions Albin Michel le 1 er octobre 2015.

INTERVIEW - Pour l'auteur des Fourmis, dont le 21e roman est paru le 1er octobre, le cinéma français s'intéresse trop peu à la science-fiction. Selon lui, le réalisateur d'Edward aux mains d'argent serait le plus à même de retranscrire son livre sur grand écran.

LE FIGARO - Votre dernier livre, Le Sixième Sommeil, explore la thématique du rêve. Comment est venue l'envie d'écrire sur ce sujet?

Bernard WERBER. - Lorsque j'étais journaliste scientifique, j'avais fait un reportage sur les Eunironotes, ces gens qui font des rêves lucides et j'avais découvert qu'ils s'inspiraient d'une tribu qui s'appelait Senoï en Malaisie. Cette tribu, que j'ai rencontrée, a une approche intéressante du sommeil: elle considère que ce qui se passe durant la nuit est plus important que ce qui se passe durant le jour. Ainsi, pour eux, il est très important de bien dormir et de bien rêver.

Le sommeil n'est pas, comme on a tendance à le penser, une simple façon de recharger ses batteries. C'est bien plus que ça. Nous passons un tiers de notre vie à dormir et un douzième à rêver, et ce qui se passe dans ces moments-là me semble déterminant.

Que se passe-t-il exactement?

Disons que le sommeil nous rebranche avec notre inconscient et nous rappelle notre identité. Par exemple, pendant les purges staliniennes, on privait les prisonniers de sommeil pour les manipuler plus facilement. Tant que les gens peuvent dormir et rêver, ils ne sont pas manipulables. En clair, si on ne dort pas, on devient fou. La souffrance des insomniaques le prouve.

Aussi, le rêve permet une communication entre l'identité du passé, du présent et du futur. Vu que cela est impossible dans le monde qui nous entoure, à cause des lois physiques qui empêchent le voyage dans le temps, le rêve est l'endroit où ce genre de choses est possible. Le sixième sommeil (le sujet de son livre, ndlr) correspond en quelque sorte au niveau de nirvana de la culture indienne, au moment où l'on ne respecte plus les lois du temps et le temps n'a plus de linéarité. Il n'y a plus de passé, ni de présent, ni de futur.

Ce que vous nommez «le sixième sommeil» est donc un moyen d'accéder à son identité?

Le vrai thème du livre, c'est ça: que se passerait-il si vous pouviez discuter avec l'enfant que vous étiez, et le vieillard que vous allez devenir? Cette idée m'est venue lors de l'émission de Fréderic Lopez, Une Parenthèse inattendue, à laquelle j'ai participé il y a deux ans. Il m'avait demandé de prendre un téléphone et d'appeler symboliquement le petit enfant que j'avais été et de lui parler. J'ai trouvé cette idée passionnante et c'est là que m'est venue l'idée que mon héros pourrait être connecté à l'homme qu'il a été et qu'il va devenir. C'est pour cette raison que j'ai remercié l'animateur à la fin de mon livre.

«J'ai aussi essayé aussi le rêve lucide. C'est mieux que la drogue ! En dominant son cerveau on peut se faire des «trips» sans effets secondaires»
Bernard Werber

Votre héros écrit ses rêves quotidiennement sur un carnet. Vous aussi vous notez vos histoires oniriques? Quel a été votre dernier rêve?

Bien sûr que je note mes rêves! (Rires). La nuit dernière, j'ai rêvé que je sortais de mon appartement où il y avait une inondation et je m'apercevais qu'il y avait dans la rue un tsunami. Je me disais: «Bon ben de toute façon, vu que je suis sortie pour aller me baigner, tant qu'à faire autant mettre un maillot de bain.» C'était une sorte de rêve catastrophe, où je me disais que finalement, il fallait s'adapter. Je note mes rêves comme des histoires, comme des nouvelles fantastiques. Mais je fais très attention de ne pas les rationnaliser et de les rendre cohérents. J'essaye de les garder intacts.

J'ai aussi essayé le rêve lucide, ce qui a été une expérience très spéciale. C'est mieux que la drogue! En dominant son cerveau on peut se faire des «trips» sans effets secondaires, par contre cela peut devenir addictif. C'est plutôt une bonne chose parce que ça influence aussi la création artistique!

«La réalité psychique est plus importante que la réalité matérielle», disait Sigmund Freud, sous-entendant que ce que nous vivons est d'abord construit par nos interprétations. Partagez-vous cette idée?

La réalité psychique est au moins aussi importante que la réalité matérielle, parce que la réalité est déjà une illusion. Chaque acte, chaque sensation n'est qu'une interprétation qui s'inscrit à chaque fois dans un système subjectif. Nos sens nous trompent. Au fond, le rêve n'est pas aussi irréel qu'on le croit et le réel n'est pas aussi réel. Par exemple, il peut y avoir des informations qu'on a raté dans le réel et qui réapparaissent en rêve, d'où l'intérêt du rêve comme moyen de récupérer nos erreurs.

Si vous aviez la possibilité d'adapter Le Sixième Sommeil au cinéma, quel réalisateur choisiriez-vous?

Il n'y a pas de tradition du cinéma fantastique en France et c'est assez dur de convaincre les producteurs de se lancer. Mon unique film, Nos amis les terriens, a été l'occasion de me heurter à ce genre de difficultés. Mais si je devais choisir un réalisateur, ce serait sans hésiter Tim Burton. Il sait maîtriser un cinéma qui porte un imaginaire fort, et je crois fondamentalement que ceux qui résistent au temps sont ceux qui ont une imagination particulièrement développée. Je pense à Tim Burton aussi parce que ce serait forcément un film réalisé avec de gros moyens pour les effets spéciaux. J'avais beaucoup aimé Big Fish, c'était un film solaire et très créatif.

Vous citez Claude Lelouche dans les remerciements de votre livre…

Je le connais bien parce que nous avons travaillé un an ensemble, lorsqu'il a produit mon film. C'est un homme courageux dans un monde où tout le monde abandonne vite et courbe l'échine devant le système, lui se tient droit. Par exemple, il continue de faire des films sans qu'il y est forcément des personnalités connues. C'est un outsider, un peu comme moi.

Par Noémie Halioua Mis à jour le 22/10/2015 à 18:55 Publié le 22/10/2015 à 17:01


 
14.02.2024 - 11h13   
La chronique de...Bernard Werber


source: leparisien.fr

Recueilli par Chloé Poignant de l'Agence Créative CulturElle
Le 6 novembre 2015 à 16h41

« Sur les questions environnementales, la bonne volonté est très limitée. Seules les catastrophes permettent de prendre des décisions courageuses et nécessaires. Le reste du temps, la stratégie des partis politiques consiste à noyer le poisson. Paris, par exemple, a un réel problème de courage. On pourrait commencer par rendre tous les véhicules parisiens électriques, de la voiture du particulier aux utilitaires : bus, véhicules de service, et même les deux roues. C'est déjà un bon premier pas, non ?

Pourtant, les écologistes parisiens ont coupé un programme de camions-bennes électriques sous prétexte que l'électricité fournie provenait d'une centrale nucléaire ! Donc à la place ils ont pris des véhicules diesels… Je ne comprends pas cette frilosité sur les véhicules diesels. On a peur de les tarifer au prix normal, de leur enlever leurs privilèges alors que c'est un empoisonnement pour tout le monde. Des quartiers entiers de Paris toussotent et ont leurs poumons encrassés par la pollution alors que l'on pourrait ne plus avoir cette chape de plomb au dessus de la ville. Le fait que ce ne soit pas la seule source de pollution n'est pas une excuse. Là, il s'agit de s'attaquer à la partie la plus visible et la plus nauséabonde de la pollution et après on pourra s'occuper des pets de vaches ! Les conducteurs savent qu'ils polluent et font preuve d'un certain égoïsme digne d'être dénoncé.

C'est une confrontation entre deux visions : une à court terme et une à long terme. Ce que j'ai appris de mes voyages, c'est que le cœur de ce problème planétaire c'est la Chine, « l'usine du monde » : c'est un très grand territoire avec une main d'œuvre pas chère, mais en Chine il n'y a pas d'écologistes. Ils sont dans un système de croissance rapide, qui cherche à évoluer sans penser aux conséquences sur le long terme. Or, nous sommes sur une petite planète où tout est connecté : la détérioration de leur milieu finira tôt ou tard par arriver en Europe. Et pour autant tout n'est pas de leur faute, dans la région de Shenzhen par exemple, ce sont nos gadgets et nos jouets qui sont fabriqués par une population en condition de quasi-esclavage...

Mais les prises de conscience sont par le passé toujours arrivées après une catastrophe : Tchernobyl, Fukushima…

Nous avons besoin de modifier notre rapport au temps et les politiques, eux, voient sur le court terme pour leurs élections. D'ailleurs, le parti écologique est un non-sens, c'est comme de dire que l'on veut un parti pour être propre. Avoir une planète propre c'est du bon sens, comme l'hygiène : y-a-t-il un parti pour se laver sous les bras ? Ces partis agissent d'abord par intérêt politique comme les partis « classiques ». Et beaucoup sont prompts à oublier leurs engagements une fois au pouvoir. Regardez Peter Garrett (ancien ministre australien et ex-chanteur du groupe « Midnight Oil », ndlr)… l'époque où il chantait «Beds are burning» est bien loin derrière lui, il a fait tout ce qu'il y dénonçait depuis.

Pour moi, il faut qu'il y ait une sorte d'harmonisation planétaire de toutes les économies et les démographies, sans tenir compte des pays au cas par cas. La croissance économique et démographique sont deux divinités sacrées, mais l'une est une illusion et l'autre est une catastrophe. Il y a un vrai tabou autour de la maîtrise de la démographie mais ce n'est qu'en l'harmonisant qu'on retrouvera un équilibre.

Mais je crois aussi aux petits gestes du quotidien. Je roule avec une voiture électrique, je fais très attention à économiser l'eau, à trier les ordures… de manière générale à ne pas gaspiller. Ce sont des tas de petites choses et au final personne ne s'en aperçoit mais c'est aussi ce qui me permet de ne pas alourdir la dette de la terre et le poids de la pollution que doit subir la planète. »

«Le sixième sommeil»


 
14.02.2024 - 11h11   
«Enfant, je voulais quitter la Terre»


source: web.archive.org

Il est l'un des plus gros vendeurs de romans en France, avec des livres traduits dans 35 langues: Bernard Werber, 53?ans, est l'invité du Livre sur les quais à Morges. Lui qui aime rester discret sur sa vie privée, a répondu à nos questions avec franchise et bonne humeur.

Bernard Werber, qui êtes-vous?

Un être humain, je suis vivant, écrivain, j'habite la planète Terre.

Votre premier souvenir?

J'ai moins d'un an, je suis sur une chaise haute. Je me sentais coincé. On me sert un chocolat chaud que j'ai renversé. Tout le monde s'est mis à crier. Au même âge, je me souviens aussi de ma frustration de ne pas pouvoir atteindre les poignées de porte.

Etiez-vous un enfant sage?

Je m'intéressais à tout, donc je démontais tout, le téléviseur, la radio… Ils appelaient ça: «tout casser». Pour moi c'était: «chercher à voir comment c'est à l'intérieur».

De quoi aviez-vous peur?

Des escaliers avec des espaces vides entre les marches. J'avais peur de tomber dedans, surtout sur ceux sur des plongeoirs de piscine. J'avais aussi peur des balançoires.

Dans l'enfance, quel fut votre plus grand choc?

A 13?ans, le décès de mon grand-père. Il voulait qu'on le laisse mourir, mais il y a eu acharnement thérapeutique. J'en ai voulu à ma grand-mère. Ça m'a inspiré «Les Thanatonautes», sur la mort et le droit de mourir comme chez vous, en Suisse. Beaucoup de mon travail est inspiré de ce traumatisme.

Votre mère vous disait-elle «Je t'aime»?

Oui.

Que vouliez-vous devenir?

Inventeur. Je fabriquais une sorte de vaisseau spatial avec des planches, que je n'arrêtais pas d'améliorer. Mon ambition était de quitter la Terre, avec tous mes amis à bord. Je n'avais pas encore le goût de l'écriture. J'avais celui de raconter mes inventions. J'ignorais qu'écrivain était un métier.

Comment avez-vous gagné votre premier argent?

A 17?ans, aux archives de la Dépêche du Midi à Toulouse. Je triais les journaux au sous-sol. Il y avait des journalistes très prétentieux qui nous parlaient comme à des esclaves. C'est là que j'ai compris que la bonne position, c'est journaliste, pas archiviste (Rires.) C'est marrant parce que quand je suis devenu journaliste, je suis revenu à la Dépêche, et ils leur parlaient toujours aussi mal.

L'amour pour la première fois. C'était quand et avec qui?

C'est arrivé très tard, vers 21?ans. A Paris, avec une amie qui faisait des études pour être juge.

Votre plus belle qualité?

L'imagination. Ma grande chance c'est de gagner ma vie en utilisant cette qualité.

Avez-vous déjà volé?

Oui, à 11?ans, une petite ampoule pour savoir si j'en étais capable. Je suis sorti, j'ai fait le tour du magasin et je suis rentré la reposer.

Avez-vous déjà tué?

Non. Même cette nuit, il y avait un moustique que j'aurais bien écrasé! Je n'y suis pas arrivé. J'ai dit: «OK, t'as été le plus fort, tu mérites de vivre.» Ce matin, j'ai ouvert la fenêtre pour qu'il aille vivre sa vie avec mon sang. C'est le maximum d'hostilité que je peux ressentir pour une autre entité.

Déjà payé pour l'amour?

Non. Je ne me suis pas fait payer non plus! (Rires) J'ai la chance d'avoir suffisamment de personnes qui me l'ont proposé gratuitement pour ne pas avoir à payer.

Êtes-vous en couple?

Oui, je suis avec ma compagne depuis 2?ans. Je ne dirai pas son nom, elle n'est pas célèbre. Je lui ai dédié mon prochain roman, «Le sixième sommeil», qui sort dans 15?jours.

Lui avez-vous déjà menti?

Non, pour une raison simple: je n'ai aucune mémoire. Donc je risque de tomber en porte-à-faux.

Avec qui auriez-vous aimé passer une agréable soirée?

Einstein. Et sinon avec mon fantasme féminin, Diana Rigg, à l'époque de «Chapeau melon et bottes de cuir». De Vinci qui devait être très rigolo et Hedy Lamar qui alliait beauté et intelligence.

Qui trouvez-vous sexy?

Julie Benz de la série «Dexter», Jennifer Connelly. J'aime les femmes avec lesquelles il y a du dialogue, une autre dimension. Alors je dirais encore Jodie Foster .

Vos dernières larmes?

Au cinéma pour «Vice-versa». La fois d'avant, c'était pour «Big Fish» de Burton. Mais là, c'étaient des grandes larmes car c'est entré en résonance avec ma vie.

De quoi souffrez-vous?

D'une réelle inquiétude sur l'avenir de la planète. Je crains que ça devienne invivable pour les générations suivantes. Je pense à ma famille bien sûr, mais aussi à l'être humain et la planète, deux entités que je trouve dignes d'avoir une évolution positive. Je suis surpris du mal que se donnent tant de personnes pour tout foutre en l'air.

Déjà frôlé la mort?

Quatre fois! À 7?ans, un garçon de 14?ans a tenté de m'étrangler. On a su après qu'il avait déjà étranglé un enfant. À 14?ans, en Corse, on m'a pris pour un autre et menacé d'un revolver. Quand j'étais journaliste scientifique, j'ai glissé sur un volcan en Indonésie et suis resté suspendu au-dessus de la lave bouillante. À 50?ans, on m'a annoncé que j'avais une artère coronarienne bouchée et que j'allais bientôt crever. Je me suis alors mis intensément au sport et je prends de l'aspirine pour fluidifier le sang.

Croyez-vous en Dieu?

J'espère surtout que lui croit en moi! (Rires.) La notion à l'ancienne, d'un grand barbu, non. Par contre je crois qu'il y a un système plus complexe au-dessus de nous, un peu comme si nous étions dans un aquarium à poissons et qu'il y ait un monde au-delà de ça. Avec des gens qui nous contrôlent, nous ont créés? Je n'en suis pas sûr. Ce sont peut-être juste des enfants qui jouent à côté de l'aquarium quoi, sans intention spéciale.

Votre péché mignon?

Lire des romans aux toilettes, en me disant «Ici on me fout la paix.»

Un CD, un DVD et un livre à emmener sur une île déserte?

Le CD du jeu «Civilisations». Le film, «2001, l'Odyssée de l'espace» et le livre, «Dune».

Combien gagnez-vous par an?

(Rires.) Suffisamment pour avoir 3?années de tranquillité. Au bout de 3?ans, si je veux maintenir ma vie telle quelle il faut que je refasse un livre. Qui marche.

Vous en publiez un par an!

Les impôts en France sont si importants, que j'en fasse 1 ou 3, c'est pareil. J'en écris 2 pour rien.

Pensez-vous gagner assez par rapport au travail fourni?

Oui. J'ai la vie qui me convient. On m'a proposé 10?fois plus pour changer d'éditeur. J'ai dit non.

Qui sont vos amis?

J'ai 3 grands amis, un scénariste, un réalisateur et un informaticien, rencontré il y a moins de 10?ans, que je peux appeler n'importe quand. J'ai aussi 2 amis qui sont des références, mon éditeur et Claude Lelouch, qui ont cru en moi et que je trouve admirable de courage dans leur manière de travailler.

Qui aimeriez-vous voir répondre à ce questionnaire?

J'ai bien aimé l'exercice. Je fais ma psychanalyse en même temps. Claude Lelouch, mais vous l'avez déjà fait. Et Woodkid, avec qui je déjeune la semaine prochaine. Le seul type original dans la musique actuelle.

(Le Matin)


 
14.02.2024 - 11h09   
Bernard Werber, cocon et papillon


source: web.archive.org

Interview - A l'occasion de la sortie de son nouveau roman «Le sixième sommeil», l'auteur des «Fourmis» conte ses multiples vies, et comment l'ado introverti s'est mué en auteur à succès.

Ce qui frappe, quand on rencontre Bernard Werber, c'est sa voix. A la fois douce, enfantine, passionnée et enthousiaste, elle peut également se montrer directive: «Deux thés verts gourmands», commande l'auteur des Fourmis et des Thanatonautes à l'attention du serveur sans nous demander notre avis: «Vu le monde qu'il y a, c'est plus simple de commander la même chose.» Nous le suivons jusqu'à un «espace un peu plus feng shui», et nous nous installons dans le coin du bar qui a trouvé grâce à ses yeux. A chaque question qu'on lui pose, il demande invariablement «et vous?» détestant, dit-il, «jouer le rôle de l'émetteur tandis que l'interviewer est confiné à son rôle de récepteur». C'est donc sous forme de discussion que l'auteur nous conte l'intérêt nouveau qu'il porte aux rêves, le sujet de son dernier livre Le sixième sommeil, et son parcours, semé d'embûches autant que de merveilles.

Votre prochain livre concerne le sommeil. Dormez-vous bien?
J'ai connu un an de mauvais sommeil, où je me réveillais entre 2, 4 et 6?heures. C'est dû en partie aux nuits agitées de mon dernier fils, alors bébé. Je me suis intéressé au sujet, et me suis procuré une application smartphone qui analyse votre nuit en traçant des courbes selon les étapes du sommeil. Maintenant, je note mes rêves dans un carnet au réveil, en essayant d'être honnête. S'il y a des changements de personnages ou des incohérences, je les garde.

La relation mère-fils dans «Le sixième sommeil» est idyllique: le personnage central fait tout ce que dit sa mère, qu'il soit enfant ou adulte, sans rechigner. Etes-vous parti de votre expérience?
Pas tout à fait, je ne suis pas aussi fusionnel avec ma mère que mon héros (rires)… Mais c'est vrai que la crise d'adolescence n'a pas lieu d'être si les parents posent leurs enfants sur un rail. C'est ce que fait la mère du héros en lui apprenant à contrôler les phases de son sommeil. Cet apprentissage va le guider toute sa vie.

J'ai hésité à rajouter une anecdote dans le livre, et j'ai finalement renoncé, car c'est assez intime. A 4?ans, j'ai eu peur que ma mère meure. Je marchais avec elle en vacances en été, quand tout à coup elle s'est écroulée par terre. Les passants, pensant qu'elle était saoule ou clocharde, nous contournaient, certains l'enjambaient carrément. J'ai couru chercher ma sœur en criant: «Maman est morte!» Quand on est revenu, elle n'était plus là. Elle était sur la terrasse du restaurant d'en face, où elle se remettait tranquillement. Des gens avaient eu la présence d'esprit de la mettre à l'ombre, car elle avait en fait eu une insolation. Cet épisode m'a marqué, et je l'ai eu en tête pendant la rédaction du livre.

Vous avez été journaliste scientifique sept ans avant de publier des romans. Qu'est-ce qui a motivé ce revirement?
J'avais commencé à écrire le brouillon des Fourmis à 16?ans. A 23?ans, alors que je débutais dans le journalisme, j'ai cherché à soumettre le roman à des éditeurs, qui l'ont tous refusé. J'ai donc passé plusieurs années au Nouvel Obs sans plus m'en préoccuper jusqu'à ce que je sois viré. J'avais un contrat à durée déterminée, donc un statut précaire, pendant sept ans. Je venais de gagner un prix de journalisme (ndlr: le Prix de la Fondation News du meilleur jeune reporter), ce qui a agacé certains collègues qui n'avaient pas été sélectionnés. Il s'est créé un complot de bureau, soit un regroupement de tous les aigris, et j'ai été licencié. Mais dans la case «cause de licenciement», il n'y avait rien… Mon expérience de journaliste m'a permis de savoir que la vie en entreprise ne me convenait pas du tout. A l'époque, la rédaction comptait 120?personnes, dont 100 chefs. Devinez combien travaillaient véritablement… J'ai profité d'une année de chômage pour sortir les Fourmis du tiroir. Par chance, un éditeur s'y est intéressé, et j'ai encore retravaillé le texte en vue de la publication.

Dans «L'ultime secret», la Thénardier, rédactrice en chef, terrorise ses journalistes. Faut-il y voir une pique à l'encontre d'une ancienne cheffe?
Tout à fait. Mais j'ai dû édulcorer pour rendre son personnage crédible. En réalité, il s'agissait d'une femme quasi-analphabète qui sabotait tous les articles. Or si j'avais vraiment présenté la Thénardier comme ça, on aurait dit que j'exagérais…

J'ai rencontré dans ma vie quatre personnes vraiment perverses. Ce sont des gens qui tirent leur unique plaisir du malheur des autres. Et c'est souvent à ces gens-là que l'on donne des postes à responsabilités, parce qu'ils servent à calmer le troupeau par la terreur. Il y en a qui sont mêmes chefs d'Etat. Le type qui dirige la Corée du Nord, par exemple.

Dans vos romans, vos héros ont souvent connu une enfance difficile. Ils sont adoptés, ont perdu un parent, ou ont été torturés. Pourquoi?
Hum, je suis déjà en train d'écrire mon prochain roman et je m'aperçois que j'attribue à mon héros les mêmes caractéristiques… Je crois que les gens qui ont envie de se battre sont ceux qui ont quelque chose à prouver. Et ceux qui ont trouvé enfant le moyen de se sortir d'une situation difficile sont plus intéressants que ceux qui n'ont jamais connu de problèmes. Et le moteur de tout cela, c'est souvent la question: «Pourquoi on ne m'a pas aimé plus quand j'étais petit?» J'ai eu moi-même ce problème. Mes parents étaient très bien, mais je n'étais pas adapté au système scolaire. J'étais introverti, timide, je ne jouais pas au foot, je n'aimais pas me bagarrer. J'étais bien parti pour être écrivain, mais pas le mec cool à la cour de récré. J'ai commencé à exister aux yeux de la gent féminine quand j'ai écrit dans le journal du lycée. Enfin, je n'étais plus uniquement le binoclard qui lit des bouquins. Une fille qui travaillait avec moi avait dit énormément de bien sûr mon compte à sa meilleure amie. Du coup, je suis sorti avec sa meilleure amie, grâce à toute la pub que l'autre lui avait faite… Après mon premier baiser, je me suis dit qu'il fallait que je persévère dans cette voie, à savoir raconter des histoires plutôt que de devenir footballeur.

Pratiquez-vous, à l'instar de vos personnages, des exercices spirituels de type méditation ou hypnose?
Oui. Etant donné que je m'intéresse beaucoup à toutes les pratiques spirituelles, dès que je croise quelqu'un qui en maîtrise une, je lui demande de me former. Pour l'hypnose, c'était mon voisin de table dans un Salon du livre où personne ne venait nous demander de signature, qui m'a appris. Mais ma première formation, c'était à 13?ans, en colonie de vacances. Je me suis lié d'amitié avec un garçon de mon âge qui m'a enseigné la méditation, le voyage astral et une sorte de yoga très avancé, que je n'ai jamais retrouvé dans aucun des cours auxquels j'ai assisté plus tard. A 6?h du matin, nous contemplions le lever du soleil en posture du lotus. Il était d'une telle douceur et d'une si grande sagesse que Bouddha ou Jésus devaient lui ressembler.

«Le sixième sommeil» Bernard Werber, Ed. Albin Michel, 416 pages.

Le rituel de l'ardoise: lors du dernier Livre sur les quais à Morges, Bernard Werber y a inscrit «Harmonie». O. MEYLAN (TDG)

Créé: 25.09.2015, 17h53



 
14.02.2024 - 11h05   
Bernard Werber : «L'enjeu c'est juste d'être heureux»

«On se demande toujours où il va chercher tout ça!» confient de concert la maman, le papa et la sœur quand on les croise à la faveur d'une dédicace du fils prodige à la Fnac comme ce jeudi. Le fiston c'est Bernard Werber, la petite cinquantaine, l'esprit alerte et l'humour chevillé au corps. Et le public en redemande ! «Quand je viens à Toulouse, il y a toujours des salles combles depuis très longtemps, depuis la parution des «Fourmis». C'est le même phénomène à Lille avec la même population jeune qui me donne l'impression de vouloir réfléchir à des problématiques que soulèvent mes livres et de vouloir trouver de nouvelles voies…» Cette philosophie-fiction qui fait sa marque, cette «science-fiction réaliste» comme il la définit, passionne des millions de lecteurs depuis la parution de sa trilogie consacrée aux fourmis. Aujourd'hui, ce «Sixième sommeil» qui vient de paraître marque cependant une étape particulière sur cette déjà longue carrière : «Ce nouveau livre constitue une rupture avec les autres livres. D'abord parce qu'il est plus court, les personnages sont nouveaux, et il est tourné vers la spiritualité et le voyage. Les gens qui pratiquent le rêve lucide et mes propres expériences sur l'interprétation des rêves m'ont poussé à choisir le thème du sommeil. C'est un livre dont j'attends l'accueil du public, c'est pour moi un enjeu important.» Impossible de ne pas croire l'auteur lorsque l'on assiste aux échanges avec les aficionados de ses mondes et réflexions, lorsqu'on l'entend défendre cette couverture sur fond blanc qui tranche avec le noir habituel. Ça n'a l'air de rien mais il a fallu convaincre l'éditeur et faire comprendre «qu'à partir de ce livre je vais tester d'autres formes de narration.» Il faut dire que, depuis le temps, Bernard en a écrit des histoires ! «J'ai eu la chance d'être un jeune introverti, comme je ne jouais pas au football je lisais des livres. Et vu que je ne jouais pas au football pour m'intégrer dans les groupes il fallait que je raconte des histoires. J'ai donc pris la place du barde, du raconteur d'histoires, du griot.»
«L'écriture se rapproche du marathon»

Une fois devenu le journaliste scientifique puis l'écrivain que l'on connaît, c'est la discipline qui s'est imposée : «L'écriture se rapproche beaucoup du marathon, on trouve un rythme, puis ça devient plus facile, mais il ne faut pas s'arrêter et ça s'entretient comme un muscle ! Plus on sollicite l'imaginaire, plus il vous fournit d'informations, d'histoires et plus il va loin. D'ailleurs, depuis l'âge de 16 ans, je n'ai jamais arrêté d'écrire.» Il faut dire que l'époque se prête à l'exercice : «J'ai vu apparaître les premiers téléviseurs, ordinateurs, téléphones portables et en tant que journaliste scientifique j'étais au cœur de toutes ces révolutions. J'ai suivi le feuilleton du Sida, des grandes catastrophes comme Tchernobyl et Fukushima, j'ai vu les premiers pas de l'Homme sur la Lune. Ce serait à refaire je renaîtrai à la même époque !» Mais l'enthousiasme, l'optimisme sur le long terme ne dissimulent pas pour autant la conscience de temps proches de nous, dangereux pour l'environnement et l'espèce humaine. «Nous vivons une période entre-deux-guerres, une période où il y a encore des forêts, des océans préservés, on peut respirer de l'air et je ne suis pas sûr que dans les années à venir ce soit aussi facile. Je pense que toutes les bêtises qui doivent être faites seront faites. Mais, fort heureusement, il y a toujours des gens de bonne conscience qui finissent par comprendre qu'il faut arrêter de reproduire sans cesse des schémas qui aboutissent à l'échec. L'enjeu c'est juste d'être heureux et c'est déjà très compliqué.» Le voilà le credo continuel, défendu bec et ongles dans ses ouvrages ! «La vraie révolution se fera dans les mentalités pas à travers les évolutions technologiques. Nous vivrons une révolution au niveau de la morale, de la définition de l'être humain.» Mais d'ici là, il reste de la place pour l'imaginer, le rêver non ? «C'est le grand inconnu et c'est ce qui fait tout son charme. C'est aussi ce qui fait la matière de mes livres parce que, précisément, quoi que l'on prévoie ce sera différent et c'est ce qui est drôle !»

Publié le 18/10/2015 à 06:31

Pascal Alquier


 
14.02.2024 - 11h01   
Bernard Werber : l'interview

source: monbestseller.com

L'écrivain et éditeur Stephan Ghreener interviewe un auteur de best-sellers pour monBestSeller.com. Et pas n'importe qui : Bernard Werber en personne. L'occasion de lui demander de nous raconter sa journée de travail, son rapport à l'écriture et sa vision de l'édition de demain. Sans oublier de donner un (précieux) conseil aux auteurs débutants.
Bernard Werber , interviewé par monBestSeller.Interview de Bernard Werber par Stephan Ghreener

L'écriture pour toi : cela représente quoi après toutes ces années de succès ? Un travail, une nécessité, un plaisir ?

J'écris tous les jours depuis l'âge de 16 ans. J'en ai 53. De 8h30 à 12h, j'écris mes dix pages. C'est une nécessité physiologique. J'ai besoin de ce rendez-vous quotidien. Il y a une montée d'énergie tout au long de ma matinée d'écriture. Ensuite, dans l'après-midi, il y a comme une rechute. Je consacre alors le reste de la journée à faire des recherches et des repérages. En fin de journée, je vais faire du sport ou me promener en forêt. Ces rituels font aussi partie de l'activité d'écrivain, cela permet de continuer à réfléchir au roman en cours. Je vis de mon écriture depuis 1991. Cela reste avant tout un plaisir. C'est une joie de se retrouver tous les matins avec son intrigue, ses personnages, son suspense.



Tu es un auteur lu dans le monde entier. As-tu une pression particulière de ta part à chaque nouveau roman ?

Cela ne change rien. Si je me retrouvais sur une île déserte, sans lecteur, sans éditeur, sans imprimeur et que je trouvais ce qui pourrait ressembler à un parchemin, avec un peu d'encre de pieuvre, j'écrirais. Ecrire est un besoin, ce n'est pas qu'un travail. C'est un moyen de relacher la pression de toutes ces idées que j'ai en permanence dans la tête.



Si tu avais un seul conseil à donner à un auteur débutant ?

La régularité. C'est la seule façon de s'améliorer et de progresser dans son art. Je considère mon métier comme un artisanat au même titre que l'horlogerie. Il faut de la constance dans l'écriture et dans la relecture. Plus on pratique plus on est simple et efficace. J'essaie de m'amuser en écrivant et aussi en me relisant. Si je n'ai pas de plaisir en me relisant, comment le lecteur peut-il en avoir ? Même l'inspiration est un muscle qu'on peut entretenir grace à la régularité. C'est comme pour un boulanger. Je ne crois pas qu'il puisse faire du mauvais pain tous les jours. Au bout d'un moment, il peaufine son modus operandi et au final s'améliore.



Donc si tu te relis et que tu n'es pas satisfait tu recommences ?

Pour chaque roman publié, j'ai une vingtaine de versions., avec des personnages différents, une intrigue et des rebondissements différents. Le cas extrême, c'est "Les Fourmis". J'en ai écrit une bonne centaine de versions. Le manuscrit que j'ai présenté à mon éditeur faisait 1500 pages. Il m'a demandé de reduire cet opus. J'ai donc réécrit une version de plus, puisque que le texte publié fait 350 pages.



Ton actualité ?

Comme chaque année, je sors un nouveau roman, début Octobre. Cette année, c'est un peu particulier car le roman que je sors le 1er Octobre, "La Voix de la Terre" clôture une aventure qui a duré plusieurs années. " C'est en effet le troisième volume de ma trilogie "Troisième Humanité"

En tant qu'auteur à succès, la promotion doit être importante. Tu le vis comment ?

La communication passe de plus en plus par les blogs de lecteurs. C'est une bonne chose, c'est une redistribution des cartes en quelque sorte. De toute façon, la seule critique à laquelle je crois vraiment, c'est le temps. Aujourd'hui encore, on lit Jules Vernes. Son œuvre a survécu aux modes et aux années. On a oublié bon nombre de ses contemporains pourtant stars à l'époque. Un écrivain professionnel doit se libérer de la pression des médias à chaud pour ne penser qu'avec la perspective de faire une œuvre qui resiste au temps et à l'espace.



L'avenir de l'édition tu l'imagines comment ? Quid du papier vs numérique ? Internet, est-ce un atout ou une menace ?

Le « livre papier à l'ancienne » va probablement vivre encore une dizaine d'années mais à long terme il est peu probable qu'il survive à la deferlante numérique. Faut-il se réfugier dans ce que j'appelle la nostalgie du parchemin pour autant, je ne crois pas. On n'achète plus de Cds mais on continue à écouter de la musique. Beaucoup d'éditeurs ne voient pas le web d'un très bon œil mais on a tort. En Russie, "L'Empire des Anges " a été le texte le plus téléchargé gratuitement sur des sites de pear to pear. Un éditeur local s'en est aperçu. Il n'avait jamais entendu parler de moi ou lu un de mes livres. Il a décidé de publier "L'Empire des Anges". Il s'en est vendu plus de deux millions d'exemplaires. Cela veut dire que le système fonctionne aussi dans ce sens. Le web fait découvrir le livre papier. Le seul combat est celui d'interesser les gens au livre que ce soit papier ou numérique.


 
14.02.2024 - 10h59   
Bernard Werber : "Un écrivain ne peut pas rester dans sa tour d'ivoire"

source: tf1info.fr

PASSIONNE - Rédacteur en chef invité de metronews, l'écrivain Bernard Werber livre sa vision de l'actualité, à l'occasion de la sortie de "La Voix de la Terre", le dernier tome de sa trilogie "Troisième Humanité" (Albin Michel).

Sur la menace de l'Etat islamique
"Nous vivons actuellement un choc de civilisations et de valeurs. A mon sens, il y a trois camps. D'abord les capitalistes sauvages, en quête de toujours plus d'argent, de rentabilité. Il a pour leader la Chine, la première puissance financière, suivie des Etats-Unis et de l'ensemble du monde arabe et pétrolier. Le deuxième camp, ce sont les barbares. Pour eux, le système capitaliste est affreux, et à la place ils nous proposent un système ancien dans lequel on arrête la technologie, la musique, etc. Et puis il y a les démocrates laïques. Leur souci, c'est de créer un mieux vivre ensemble planétaire. Hélas c'est un groupe actuellement minoritaire, faible... et divisé, qui passe l'essentiel de son énergie à trouver la bonne ligne à défendre."

Sur les manifestations à Hong Kong...
"Ce qu'on voit en ce moment, ce n'est pas Tian An Men, mais une envie des Hong-Kongais de ne pas être assimilés à la Chine, de garder un statut différent. Hong Kong a été la première ville chinoise moderne, tournée vers le monde capitaliste, et je comprends qu'elle n'ait pas envie d'être diluée dans le reste. Je pense que ça va se terminer par un compromis à la chinoise. Le temps joue en la faveur de Pékin. La Chine est une telle puissance financière, économique, démographique... c'est là-bas que va se passer l'avenir du monde."

Sur les voyages dans les pays dits "à risques"...
"Ça ne me dérange pas de voyager dans les pays un peu "chauds". Nous écrivains devons promouvoir le livre comme moyen de donner aux gens envie de s'émanciper. Lorsque les gens lisent, ils réfléchissent et ils deviennent autonomes. Sinon ils sont juste influencés par la télé et les gens qui parlent fort... Ils sont plus facilement manipulables. L'écrivain ne peut pas rester dans sa tour d'ivoire, il doit parler de ce qu'il a vu."

Sur la politique française...
"Nous faisons partie de l'Europe et nous ne pouvons aller à contresens. Les épiphénomènes comme l'élection du président du Sénat, ça ne change pas grand chose du moment qu'on garde le cap. Le grand bateau France doit avancer vers quelque chose qui s'appelle la social-démocratie. Après qu'elle soit plus sociale, ou plus démocrate, c'est au capitaine d'en décider."

Sur le télétravail pour tous...
"Je rêve d'un éclatement des villes. Si on ne le fait pas, on va avoir des transports de plus en plus saturés, une pollution encore plus importante... Et on va perdre du bien vivre. Il faut qu'on dise aux gens : installez-vous à la campagne, on va vous mettre la fibre optique, vous serez en vidéo-conférence avec l'équivalent d'un open space. Qu'on soit tous ensemble dans une pièce, c'est bien. Mais je serais peut-être plus détendu avec une forêt derrière moi !"

Sur les transports écolos...
"Les rues piétonnières et le Vélib, tout le monde disait que c'était impossible il y a 20 ans... et on l'a fait. A Pékin, les scooters et les motos sont interdits s'ils ne sont pas électriques. Ça fait donc moins de bruit, c'est moins polluant. Je pense que ce serait une belle proposition pour la mairie de Paris."

Sur Netflix...
"Je ne suis pas encore abonné mais je suis un client potentiel. Je regarde beaucoup de séries, à vrai dire un épisode par jour, de 18h à 19h. En ce moment je suis sur Masters of Sex, saison 2. C'est d'une intelligence et d'une audace... Aux Etats-Unis, les séries sont désormais plus importantes que le cinéma au niveau économique. A Los Angeles, plus on voit de séries, plus on est branché. Ça tombe bien, j'en regarde plein ! (rires)."

Sur le télécrochet Rising Star...
"J'aime l'interactivité, le fait que le téléspectateur se retrouve sur l'écran au cours de l'émission. Je suis passionné par les communautés virtuelles et ça me rappelle les débuts d'un jeu comme World of Warcraft. Bien plus qu'un divertissement, c'est un véritable art de vivre. De la même manière je rêve qu'on nous propose des séries dans lesquelles on puisse se retrouver en immersion totale."

Sur le foot...
"J'ai assisté une seule fois à un match du PSG, au Parc des Princes. C'était très... intéressant. Le football répond à une attente du peuple. Je me souviens de ce film, Rollerball, où le stade vibrait avec les gladiateurs. Pour cela, il faut qu'on connaisse leur vie privée, qu'il y ait des trahisons, des "personnages". Même si je trouve ça bizarre qu'on dépense autant d'argent pour payer les gladiateurs."

Jérôme VERMELIN


 
14.02.2024 - 10h56   
Interview – Bernard Werber raconte sa love story avec une fan

source: voici.fr

Une maison au pied des vignes de Montmartre. C'est le repaire de Bernard Werber, star de la littérature grand public depuis le succès planétaire des Fourmis. Si son nouveau roman, les Micro Humains, nous plonge une fois de plus dans le futur, l'homme, lui, est bien ancré dans le présent. La preuve ? Il dévore les meilleures séries du moment.



Voici : Pas trop déçu de ne jamais figurer dans la liste du Goncourt ?

Bernard Werber : Quand j'ai publié les Fourmis, il y a vingt ans, Robert Sabatier, membre du jury, m'a dit que j'avais toutes mes chances. En fait, ce qui a été rédhibitoire, c'est le dessin sur la couverture. Après ça, mon éditeur m'a dit : « Soit tu plais au système littéraire parisien, soit tu plais au public. » Le public a tranché…

Dans votre nouveau roman, vous imaginez des êtres de 17 cm, plus petits, plus féminins et plus solidaires, qui pourraient constituer une troisième humanité. Ça paraît dingue…

Et pourtant… Sur Terre, depuis 4,5 milliards d'années, l'évolution est allée dans ce sens. On est passé des dinosaures aux lézards, des mammouths aux éléphants. L'avantage d'être petits, c'est qu'on résiste mieux à toutes les formes d'agressions : maladies ou tremblements de terre.

Finalement, les Micro Humains, c'est un retour aux sources ?…

Exactement. D'ailleurs, le héros de cette aventure, David Wells, est le descendant d'Edmond Wells, le héros des Fourmis.

C'est vrai que vous avez pensé à Emma Peel, l'héroïne de Chapeau melon et bottes de cuir, pour créer votre héroïne, Emma 109, micro humaine qui va entrer en résistance ?

En effet, Emma Peel a longtemps été mon actrice préférée. C'est à la fois une femme de tête et d'action et, en plus, elle a de l'humour, comme mon Emma 109…

Existe-t-il une compétition avec Marc Lévy et Guillaume Musso, les autres stars de la littérature grand public ?

Quand nous nous rencontrons, nous parlons davantage de nos projets que des chiffres de vente. Moi, j'ai un public d'adolescents et d'étudiants. Comme nous n'avons pas les mêmes lecteurs, nous ne sommes pas en compétition.

C'est quoi, votre secret pour résister à la « pipolisation » ?

Je refuse systématiquement les interviews dans Voici ! (rires) En fait, je veux surtout qu'on s'intéresse à mes personnages, à ce qui leur arrive, et pas au type qui les fait vivre derrière.

Vous gardez un bon souvenir de votre participation à la Parenthèse inattendue, sur France 2, avec Liane Foly et Francis Perrin ?

J'ai eu un peu froid et je n'ai pas très bien dormi, mais c'est une expérience que j'ai adorée. Pouvoir parler à la télé de spiritualité, de tai chi chuan, de méditation, ou d'ouverture des sens, c'était fabuleux.

Avez-vous refusé certaines émissions ?

On m'a proposé une émission de télé-réalité que j'ai refusée, mais je ne vous dirai pas laquelle…

Dans Nos amis les humains, vous aviez mis en scène deux humains observés par des extra-terrestres. Prémonitoire de la téléréalité d'enfermement ?

C'était deux ans avant le Loft, oui. Aujourd'hui, à la télé ou sur les réseaux sociaux, les gens veulent qu'on s'intéresse à leur nombril. Ce sont souvent des êtres fragiles qui sont montrés en exemples à suivre. C'est dommage pour le public et c'est dangereux pour eux.

C'est vrai que vous avez radicalement changé de vie il y a quatre ans ?

Pour mes 48 ans, Frédéric Saldmann, un ami cardiologue, m'a offert un check up complet. Là, on a découvert que j'avais une coronaire bouchée et que je risquais de mourir d'une seconde à l'autre comme Michel Berger. Il y avait deux solutions : soit on m'opérait à cœur ouvert pour me faire un pontage, soit j'adoptais une nouvelle hygiène de vie en faisant 50 min de vélo d'appartement tous les jours…

Et vous avez choisi…

Le vélo d'appartement. C'est là que je me suis mis à regarder les séries télévisées de façon addictive. Breaking Bad, Game of Thrones, mais aussi Dexter. J'adore décrypter, derrière la complexité des intrigues, la trame ultra simple qui se joue. Par exemple, Dexter, au fond, c'est une histoire d'amour entre un frère et une sœur.

L'amour, pour vous, c'est la plus complexe des énigmes ?

Je vois l'amour comme un jeu de Mastermind : on teste différentes possibilités, on regarde si ça fonctionne et on essaie de trouver la bonne formule.

C'est vrai que vous avez eu une histoire avec une fan ?

Oui, j'ai eu une histoire d'amour avec une lectrice. A Nice, lors d'un salon du livre, il y a quelques années, une jeune femme m'a dit : « Aujourd'hui, c'est mon anniversaire, et je voudrais que vous soyez mon cadeau. » Comme elle était ravissante, j'ai arrêté les dédicaces… Et on est restés ensemble trois ans.

Et aujourd'hui, avez-vous trouvé l'âme sœur ?

Je suis encore en recherche/expérimentation. Former un couple qui marche, c'est le jeu de vie le plus passionnant.


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