Archives des articles de presse sur Bernard Werber
 
 

10.02.2024 - 17h22

Bernard Werber avant les fourmis - les archives du nouvel obs


source: bernardwerber.com

Toute les archives sont disponibles sur le site officiel de Bernard Werber...

14.02.2024 - 10h44

Riche et célèbre, Bernard Werber au sixième ciel

source: liberation.fr

Riche et célèbre. Werber au sixième ciel. Bernard Werber. L'Empire des anges. Albin Michel, 410 pp., 135 F.


On n'imagine pas le nombre d'esprits qui papillonnent ces temps-ci

dans la liste des meilleures ventes. Larguer son corps, se téléporter à volonté, jouer les hommes et les femmes invisibles, est devenu courant. Parfois, un fil d'argent relie le touriste ectoplasme à son enveloppe originelle. Cela s'est vu dans le dernier Coelho. Dans l'Empire des anges, le cordon est bientôt rompu. C'est que le voyage est démesuré. Pensez, le ciel.

Les morts, aspirés par un tourbillon qui troue la Voie lactée ­ la ressemblance avec une bonde de lavabo est revendiquée ­, traversent plusieurs couleurs. Ainsi, le purgatoire est orange. Une fois arrivées sur le plateau du Jugement dernier, les âmes sont aiguillées vers un couloir bleu si elles accèdent au pays des anges, vers un couloir ocre, direction la Terre, si elles sont astreintes à une nouvelle réincarnation. Auparavant, elles auront été pesées.

A moins de 600 points, pas question de devenir un ange. Dieu merci (dieu, niveau 7, on n'y arrive jamais), l'ange gardien qui a veillé sur vous la vie durant a un joker. Michael Pinson, le narrateur mort, est défendu si brillamment par Emile Zola qu'il parvient in extremis au niveau 6. Il va s'occuper à son tour de trois Terriens, dotés d'un capital de 333 points (une Américaine future reine de beauté, un Russe mal parti, Igor Tchékov, un Français imaginatif) de manière à ce qu'au moins l'un d'entre eux fasse honneur à l'humanité. Aider un Terrien à devenir niveau 6 permet à l'ange gardien de franchir à son tour une étape.

Je vois bien comment les anges disposent de sphères en forme d'oeufs équipés de caméras, grâce à quoi ils surveillent leurs clients. Je n'ai pas bien compris, en revanche, comment ils peuvent exaucer leurs voeux alors qu'ils ne sont pas autorisés à pénétrer dans leur cerveau. Il faudra que je relise la notice. Bernard Werber a sûrement prévu quelque chose. Il a même pensé aux âmes errantes: les anges peuvent les envoyer ad patres en les faisant passer le long de leur colonne vertébrale, et elles leur ressortent par le crâne. Je crois que les vrais amateurs de science-fiction détestent Bernard Werber pour cette raison précisément: au lieu de raconter une histoire, il expose le mode d'emploi.

Est-ce un jeu de l'oie? Un jeu vidéo? Un peu de tout et de n'importe quoi. Les anges traversent l'univers à la vitesse de la lumière, ou devisent en flottant dans des décors qui brillent: «J'ai l'impression que le Paradis est un oeil turquoise qui me regarde avec un coeur noir au centre.» Là, Michael Pinson retrouve apparemment des gens d'autres livres de Bernard Werber, par exemple les héros des Thanatonautes, ce mal-aimé de la saga werbérienne, après quoi l'auteur fut contraint de renouer une troisième fois avec les petites bêtes (la Révolution des fourmis après le Jour des fourmis et les Fourmis). Les Thanatonautes sont ici vengés: «La sortie de notre ouvrage est passée inaperçue, noyée sous la marée des nouvelles parutions. Car ainsi s'exerce dorénavant la nouvelle censure. Elle opère non par l'occultation, mais par l'excès. Les livres dérangeants sont étouffés sous la masse des livres insipides.» A quoi fait écho Werber en son site Internet: «Il me semblait pourtant avoir innové.»

Ce site, «bricolé et entretenu du mieux possible par l'auteur lui-même», avait été visité par 49 317 personnes vendredi. Mardi, nous étions 50 451. Aucune allusion à l'argent, aux millions d'exemplaires, c'est à noter car les pontes du best-seller font habituellement état de leurs exploits. La biographie de Bernard Werber est instructive, tant elle correspond à celle de Jacques Nemrod, un des Terriens veillés dans l'Empire des anges, un peu schizo, déterminé à construire une somme sur les Rats en s'inspirant de l'architecture des cathédrales, enfant obsédé de lecture devenu scribe de ses rêves.

Il est difficile de déterminer à quel moment Bernard Werber cesse de plaisanter. Des slogans angéliques tels que «l'amour pour épée, l'humour pour bouclier» sont à mettre au crédit d'une gentillesse combattue sans succès. Le credo des «quatre A» (autonome, anarchiste, autodidacte, agnostique), que l'auteur partage avec ses créatures, la théorie du karma, du libre arbitre, des vies antérieures et le fatras psychologisant extrait de l'Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, fictive et attribuée à Edmond Wells, l'ange instructeur, tout cela indique une inquiétante propension à se croire l'inventeur d'un système en kit, facile à gérer soi-même.

Mais un roman qui donne la recette de l'île flottante n'est donc pas nul. Et qui propose des casse-tête géométriques. Et raconte des blagues. C'est l'histoire d'un type qui va chez le médecin. Sous son chapeau, collée au crâne, il y a une grenouille. «­ Et vous avez ça depuis longtemps? s'étonne le praticien. C'est alors la grenouille qui répond: ­ Oh vous savez, docteur, au début, ce n'était qu'une petite verrue sous le pied.» Mère Teresa au paradis est très bien aussi. Elle s'y prend tellement mal avec ses clients qu'ils n'acquièrent aucun sens moral.

Lu aussi cette semaine, Enchantements, de Linda Ferri (traduit de l'italien par Marilène Raiola, avec Joël Gayraud. Mille et une Nuits, 128 pp., 45 F). Jouer voluptueusement à être morte, craindre son père au-delà des punitions qu'il peut distribuer, refuser les consolations fallacieuses en cas de tortue ou d'amie perdues, évaluer jour après jour la distance des frères aînés et la proximité de la petite soeur, traverser l'Atlantique: «Ce bateau est une ville sans dangers où nous vivons seules.» Une gamme de sensations enfantines, déchirantes de finesse, jusqu'au malheur final dont il est soudain évident que le roman tout entier en était imprégné.

14.02.2024 - 10h46

Le cas Werber

source: web.archive.org


Si L'Ultime Secret ne brille pas par son style, il s'impose par ses visions, dignes de la meilleure science-fiction...

Décidément, Bernard Werber n'a pas fini d'agacer. Voilà un romancier qui, depuis dix ans, fait l'objet d'une controverse virulente: alors que son public ne cesse de s'élargir (1), la critique le boude ostensiblement - quand elle ne lui oppose pas un mépris sardonique.

Il faut dire que Bernard Werber ne fait rien pour arrondir les angles: son point faible, c'est l'écriture. Une écriture rapide, brutale, qui vise l'efficacité au détriment du style mais qui trop souvent bascule dans le simplisme et les clichés. «J'applique au roman les techniques de montage du cinéma, explique l'intéressé, qui reconnaît volontiers ses carences, mais je pense que dans mon cas il faut privilégier l'idée sur le style.»

Tout est là: il y a bel et bien un «cas» Werber! Soyons clair: on ne lit pas Werber pour s'offrir un voyage au pays du style. Pour cela, il y a d'autres écrivains. Werber, c'est la prime à l'imagination débridée, à l'insolence narrative, aux constructions à vous couper le souffle et, accessoirement, une exhortation à construire sa vie en dehors des sentiers battus.

«Je préfère fortifier mes points forts plutôt que combler mes points faibles», s'excuse timidement Werber. Soit. On ne le lui reprochera pas, puisque le résultat est étonnant: Werber publie aujourd'hui son meilleur roman. Un livre qui deviendra rapidement un classique du genre. Mais, au fait, de quel genre? La SF, bien sûr. La science-fiction. Un genre maudit, qui s'est longtemps replié sur lui-même - au point de se discréditer avec ses sempiternelles histoires de fusées intergalactiques, d'épées laser et de petits hommes verts - mais a produit quelques-uns des plus grands chefs-d'?uvre de la littérature: Voyage au centre de la Terre, de Jules Verne, Fondation, d'Isaac Asimov, ou Invasion divine, de Philip K. Dick.

C'est très exactement dans la lignée de ce dernier que s'inscrit Bernard Werber. On raconte que Philip K. Dick a longtemps travaillé avec un «arbre des possibles» à portée de main: sur une feuille large comme un mur, il avait tracé une arborescence simulant tous les futurs possibles pour l'humanité; sur chaque branche était inscrit un «si»: «si» on choisit de privilégier le libéralisme; «si» on choisit le socialisme; «si» on préfère la génétique; «si» on expérimente le robotisme, la conquête spatiale, l'eugénisme, la trépanation... Sur cet arbre des possibles, racines, tronc et branches représentaient le passé, le présent et le futur. Bernard Werber pousse jusqu'au bout la logique de l'arbre des possibles: l'état actuel des découvertes scientifiques sur le cerveau humain lui fournit le point de départ d'un thriller haletant.

Son passé de journaliste scientifique lui permet de ne pas se fourvoyer dans des thèses farfelues: «J'ai lu presque tous ses livres et je n'ai jamais relevé d'erreur ou de contresens scientifiques, constate l'un de ses fans, l'éthologue et pédopsychiatre Boris Cyrulnik. Pour moi, Werber joue aujourd'hui le rôle de Zola au siècle dernier: avant Zola, les ouvriers pensaient que la cause de leur malheur résidait dans le fait qu'ils n'étaient que les rouages d'une énorme machine les dépassant. Après Zola, ils ont compris qu'ils étaient malheureux parce que la société était mal organisée et qu'il ne tenait qu'à eux de la changer. Il en va exactement de même pour les recherches sur le cerveau.»

Le cerveau, ou le dernier continent inexploré. Alors que Spielberg en est encore à l'Intelligence Artificielle, Werber dénonce la Conscience Artificielle. Tout commence lorsqu'un neurologue parvient à battre au jeu d'échecs le superordinateur Deep Blue IV. Du jamais-vu! Mais le neurologue est retrouvé mort le soir même, foudroyé par un orgasme trop intense. Epectase! Pour enquêter sur cette mort curieuse, un gros détective et une jolie journaliste scientifique suivent la piste d'un certain Jean-Louis Martin, un brave type renversé un jour par un chauffard et qui s'est réveillé cloué sur un lit d'hôpital, victime de ce que l'on appelle le «locked-in syndrom»: votre cerveau fonctionne toujours, mais le reste du système nerveux périphérique ne répond plus; vous êtes un emmuré vivant. Le chirurgien qui l'a soigné a eu l'idée d'enrichir son esprit d'un programme informatique qui lui permet non seulement de réfléchir plus vite, mais aussi d'élaborer une nouvelle morale. «Une hypothèse très plausible», confirme Boris Cyrulnik.

Reportons-nous à l'arbre des possibles et posons-nous cette question: que se passerait-il si l'on pouvait installer dans l'esprit humain un tel logiciel, c'est-à-dire l'équivalent d'une «morale assistée par ordinateur»? Et si l'on implantait des électrodes dans le cerveau, sur la zone du centre du plaisir, avant de les déclencher à distance afin de provoquer une décharge électrique qui permettrait de connaître l'extase absolue? «Scénario parfaitement authentique, précise Cyrulnik. Cette expérience a été menée en 1954 sur des rats par le neurophysiologiste James Olds: les rats étaient prêts à tout pour obtenir leur décharge et, au final, se faisaient mourir de plaisir.» Olds était en effet parvenu à dresser la carte des réactions du cerveau aux stimuli électriques, zone par zone. Il a ainsi identifié le centre de la satiété, puis celui de l'appétit, et enfin - Graal des neurologues - la zone censée déclencher la sensation de plaisir.

Hier les souris, demain l'homme? «Seule la morale empêche de tenter - et de réussir - cette expérience sur l'homme, mais chacun sait que des individus dénués de tout sentiment moral n'hésiteraient pas une seconde», soupire Cyrulnik. Or voilà très précisément ce qu'imagine Werber: un humain, aidé d'un ordinateur, répand une technique de stimulation du cerveau si agréable que l'humanité finirait par disparaître en sombrant dans le plaisir!

Il est de plus en plus utile que les romanciers envisagent, par le biais de l'imagination, ce que la morale interdit à la science. Umberto Eco, autre maître du thriller scientifique, le formulait ainsi: «La science ne consiste pas seulement à savoir ce que l'on peut faire, mais aussi à savoir ce qu'on pourrait faire quand bien même on ne doit pas le faire.» Les grincheux demanderont-ils encore longtemps: «Mais pourquoi lire Werber?» La réponse est simple: parce qu'il s'agit de comprendre que la capacité de rêver le futur est vitale pour l'espèce humaine, qu'elle ouvre de nouvelles voies. Cette capacité prospective n'est nullement prédictive ou prophétique, mais elle contribue à donner forme, dans l'imaginaire collectif, à ce futur par définition imprévisible.

Il ne s'agit donc pas de choisir Werber contre telle ou telle littérature de style, il s'agit de lire aussi la littérature populaire telle que la pratique Werber, cet infatigable explorateur du genre humain. Si vous voulez expérimenter toutes les sensations que procure le plaisir de la lecture et comprendre le monde qui nous entoure, ne choisissez pas entre Proust et Philip K. Dick, lisez l'un et l'autre. Bernard Werber, dans ce roman au suspense haletant, montre admirablement que tout ce qui est scientifiquement faisable n'est ni socialement inéluctable ni humainement souhaitable. Par les temps qui courent, voilà une indispensable leçon de choses.

(1) En dix ans, Werber a vendu 5 millions d'exemplaires de ses huit romans. Il est traduit en 33 langues et étudié par les élèves de troisième et de première littéraire, qui le considèrent désormais comme un auteur culte.

14.02.2024 - 10h52

Bernard Werber : « La science-fiction me permet de partager mes intuitions du futur »

source: iris-ic.com

Avec 20 millions de livres vendus, Bernard Werber est l'un des auteurs français les plus lus au monde. A l'occasion de la sortie de son dernier roman Les Micros Humains, deuxième tome de Troisième Humanité, le célèbre écrivain se prête à une interview et nous confie sa vision de l'intuition.
Qu'est-ce que l'intuition pour vous ?

Je décrirais l'intuition comme cette partie de nous, généralement inconsciente, qui détient des informations sur notre être authentique, au-delà de toute influence et de tout conditionnement. Depuis notre naissance, nous sommes conditionnés et façonnés par notre monde conscient : l'école, nos parents, notre entourage, les médias, nos patrons, nos collègues, l'autorité. Nous sommes programmés pour y répondre en jouant les règles du jeu et faire ce que les gens attendent de nous. Cette programmation correspond à notre mode «conscient» ou notre mode «social». Mais il existe en nous une autre programmation, qui nous est personnelle et secrète. Celle-ci ne tient pas compte de notre âge, de notre sexe, ni des rapports sociaux. Elle détient des informations essentielles pour notre bonheur, notre épanouissement et l'expression de ce que nous sommes vraiment. Seulement, personne ne nous a jamais présenté l'intérêt de nous connecter à ce mode « intuitif » ou « inconscient ». Lorsque je dois gérer une problématique, je fais appel à mon intuition en me connectant sur ce mode et en demandant à cette partie de moi ce qu'elle en pense.
Comment vous connectez-vous à cette partie de vous ?

En sachant qu'elle existe ! Le simple fait de le savoir la rend présente en permanence. Dans L'Empire des Anges, je la représente sous forme d'ange gardien. Il est plus facile de visualiser cette partie de nous comme une sorte de super ami qui nous regarde de là-haut, qui nous veut du bien. De temps en temps, il nous envoie des messages et des signes qui ne sont pas forcément appréhendables par notre logique rationnelle. Il s'exprime principalement par le rêve.
Quel lien faites-vous entre les rêves et l'intuition ?

Je les regroupe dans l'image de l'ange gardien, qui est le Moi intérieur non conscient. Le rêve correspond au seul moment où je ne suis pas influencé par les autres : le moment où mon être authentique peut s'exprimer librement. Pour moi, l'un des meilleurs exercices pour développer l'intuition consiste à noter ses rêves.
Quel rôle joue l'intuition dans votre écriture ?

Quand j'écris, je fais en sorte que cette partie de moi s'exprime à travers les mots. J'autorise mon intuition à se laisser aller. Je me transforme en antenne satellite. J'accueille des idées dont j'ignore la provenance et je transcris ce que je reçois. Je ne pense pas à la finalité. J'écris pour écrire, et non pour que ce soit bien, beau, intelligent. Parfois, mes personnages sont confrontés à des problématiques dont j'ignore la résolution. Quand je me mets à écrire sur l'ordinateur, les réponses viennent automatiquement. Je vais puiser l'inspiration dans mon intuition. Mon intellect intervient dans un second temps, à la relecture. Il me permet de rédiger mon plan et faire le point sur ce que je souhaite conserver ou retirer. Je n'accorde pas plus d'importance à l'intuition qu'à l'intellect, ces deux systèmes font partie de nous et sont indispensables. Malheureusement, la plupart des gens ne s'appuient que sur un seul de ces systèmes et se servent rarement de l'autre.
Quels seraient vos conseils pour développer l'intuition ?

Pour écouter notre intuition, il faut faire taire le bruit. Nous baignons en permanence dans une agitation intellectuelle et une masse d'informations qui nous parasitent. Avoir le courage de s'écouter, et se défaire des peurs du jugement ou de l'échec, me paraît également essentiel. Plus nous écoutons notre intuition, plus elle se développe. Nous avons des capacités que nous n'exploitons pas ; dès que nous les sollicitons, elles se mettent en marche.
Avez-vous un exercice à proposer ?

Pour développer votre intuition, reconnectez-vous à la Nature, celle qui vous entoure mais aussi à votre nature profonde. Voici un exercice très simple à expérimenter :
Fermez les yeux et tournez-vous vers les étoiles. Ouvrez ensuite les yeux en laissant entrer un maximum de leur lumière. Ne vous contentez pas de voir les étoiles. Demandez-vous ce que ça provoque ou ce que ça réveille en vous. Ce n'est pas une expérience intellectuelle, mais personnelle. Les ressentis sont incomparables d'une personne à l'autre.
Quelle est la place de l'intuition dans la science-fiction ?

La science-fiction me parait similaire à un travail de prospective. Elle me permet de partager mes intuitions sur le futur. Selon moi, la fonction d'un auteur de science-fiction remplace la fonction d'astrologue, de chamane, de directeur de plan quinquennal. Dans toutes les cultures et à travers les siècles, il a toujours existé des gens qui étaient chargés de voir le futur. Ces fonctions, souvent ridiculisées, sont aujourd'hui délaissées. Cette tâche revient désormais aux auteurs de science-fiction. Leur avantage est qu'ils n'ont aucune obligation de véracité. Dans mon dernier roman Troisième Humanité, je vous soumets une hypothèse, une potentialité : la Terre va se rebeller et nous allons inventer une nouvelle humanité. Les lecteurs sont libres d'en penser ce qu'ils veulent. Pour certains, ce roman ne sera qu'une distraction et ils le liront sans se rendre compte de la préoccupation très forte que je nourris pour notre planète.
Cela veut dire que, dans chacun de vos romans, vous souhaitez faire passer un message fort ?

Oui ! N'étant pas habilité à le faire en tant que politicien ou scientifique, je le fais sous forme de métaphores. Je reprends le principe du conte. Je vous raconte une jolie histoire. A vous de comprendre ce que vous voulez ! Cette forme de communication, plus large et plus douce, me convient parfaitement.
Avez-vous des exemples d'intuitions décrites dans vos romans qui se sont produites ?

Dans Le Père de nos Pères, sorti en 1993, mon protagoniste obtenait des informations rapidement en accédant à internet sur son téléphone portable. Dix ans avant que ce ne soit rendu possible, cette technologie paraissait surprenante. Maintenant, c'est d'une totale banalité ! Dans L'Empire des Anges, sorti trois ans avant le drame du World Trade Center, figure la scène d'un avion qui atterrit dans un building. Un tel événement ne s'était pas encore produit en 1998. D'une manière plus gênante encore, j'avais décrit l'explosion d'une centrale nucléaire et d'un tsunami dans la scène d'ouverture de Troisième Humanité. Une fois le livre terminé, alors que j'étais en train de le relire, l'accident de Fukushima se produit réellement. Ce qui était de la prospective est devenu du passé réel en une seconde. J'ai dû supprimer cette scène, qui ne relevait plus de la science-fiction mais de l'actualité, et réécrire tout le roman.
Quelle est l'intuition que vous souhaitez principalement partager aujourd'hui ?

Celle que je partage dans Troisième Humanité. L'intuition que la Terre est non seulement vivante, intelligente, mais aussi consciente. Je le ressens depuis l'enfance et ce ressenti ne fait que grandir.

14.02.2024 - 10h54

Comment l'hypnose a influencé mon travail d'écrivain

source: huffingtonpost.fr

CULTURE - Dans mon nouveau livre, La voie de la terre, il y a un personnage qui va initier David, le héros, à l'hypnose et à la méditation. J'ai envie de rendre les gens curieux, de leur dire: "il y a un truc qui peut peut-être vous intéresser".

Un salon du livre, près de Bordeaux en 1991. Peu de temps après la sortie des Fourmis, peu de monde se presse devant moi, ni devant mon voisin de table, hypnotiseur. C'est ainsi que j'ai pour la première fois été sensibilisé à l'hypnose. J'ai demandé à mon voisin de m'apprendre ce qu'il faisait, et à la fin de la dédicace, j'ai proposé à mes lecteurs s'ils souhaitaient participer à une expérience. L'hypnotiseur a mis une jeune femme entre deux chaises et a commencé sa session, sur le principe de « proposition-acceptation » : une idée est suggérée à l'hypnotisé qui va l'expérimenter. J'ai trouvé cela spectaculaire.

J'ai à mon tour voulu essayer l'expérience et ai demandé à un ami hypnotiseur de faire une session avec lui. Une troisième personne m'a ensuite fait découvrir l'hypnose: Alexandro Jodorowsky. J'ai alors découvert le rêve accompagné, qui a ensuite donné lieu à un livre, Le livre du voyage. Un tout petit livre qui fonctionne comme une séance de relaxation pour le lecteur.

À partir de là, quand j'ai fait la promotion du livre, j'ai proposé aux gens qui étaient à la conférence, cette séance d'hypnose légère. Toujours sur le principe de proposition-acceptation, que j'applique maintenant à beaucoup de choses dans ma vie. Je propose aux gens d'imaginer qu'ils sont sur une île paradisiaque. Soit ils le font, ou soit ils ne le font pas. Si vous le faites, l'ile paradisiaque va apparaître, et pour chacun elle va être différente.

Et c'est aussi ça le principe du roman. C'est pour ça que ça m'intéresse.

Quand l'on écrit « il avait devant lui la plus belle des femmes », il y aura plein de femmes différentes en fonction des lecteurs, forcés d'être imaginatif dans leur lecture. Mais comme dans l'hypnose, chacun a son libre arbitre et peut refuser de se projeter. Quand l'ont dit à un enfant « tiens toi droit à table », on peut choisir de le voir comme un ordre, ou comme une façon de ménager son dos. C'est quelque chose qui ne nécessite pas de gros effort. On choisit de se tenir droit, on choisit de voir une belle femme, on choisit d'imaginer une île...

Mon ami hypnotiseur m'avait proposé, lors de la séance, de « voir » un film comique. Je me suis alors mis à rire. Puis, il m'a dit « il y a un moustique qui te gratte ». Mais je ne me suis pas gratté, car m'a mère m'avait dit étant petit : « ne te gratte pas quand un moustique te pique ». Ce qui montre qu'on peut toujours choisir de refuser. Cela s'applique à beaucoup de choses dans la vie. Si l'on dit à quelqu'un « je te lance comme sollicitation de ne faire que très bien dormir cette semaine », pour ceux qui sont réceptifs et on envie de bien dormir, cela aura plus de chance de marcher que pour les autres.

L'hypnose pour défaire la chronicité d'une douleur ou d'une addictionHypnose, méditation: pourquoi ces thérapies fonctionnentMédecine chinoise, hypnose et acupuncture entrent à l'hôpital

Tout ceci m'intéresse particulièrement en tant que romancier, de trouver des points communs entre un récit oral ou écrit, qui aboutit à l'imaginaire. En ce sens, l'hypnose m'a aidé à améliorer mon art de raconter, dans la mesure ou je joue depuis plus avec la capacité de création du lecteur.

Si j'écris « il avait devant lui un spectacle étonnant », chacun va voir quelque chose d'étonnant, mais de différent. Il y a une phrase que j'aime beaucoup, pour commencer un roman: « Il ouvrit la porte et recula de surprise ». On ne sait pas encore qui il est ni ce qu'il voit, mais tout le monde, en huit mots, a déjà imaginé quelque chose.

Bien sûr, il y a l'hypnose en tant que thérapie, que ce soit pour arrêter de fumer ou autre, mais je pense qu'elle fonctionne sur le même principe de proposition-acceptation. Si on veut que cela marche, cela pourra marcher. Si on est certain que l'on va résister, cela ne va pas marcher. Je n'aime cependant pas le mot « hypnose », car il y autour tout le côté « prise de pouvoir », « manipulation ». Je lui préfère cette idée de « proposition-acceptation », moins jolie, mais qui veut dire qu'il n'y a pas d'obligation que cela marche.

J'ai encore plus découvert l'hypnose en lisant Freud. Il explique qu'il ne s'agit pas d'une science car cela ne marche pas sur tout le monde. Pour moi, cela marche sur 20% des gens, qui y sont naturellement réceptifs. Ceux qui ne sont pas dans la peur. L'élément qui fait que cela ne marche pas, ceux qui se disent « on va me forcer à être tout nu, à faire le chien », ceux qui ont peur d'être ridicule, sont ceux qui sont dans la crainte. Dès qu'il y a de la peur, l'hypnose devient inutile. Il y a des gens, de ce que je comprends, sur qui bien entendu il ne faut pas le faire. Ceux qui ont des problèmes psychologiques de type paranoïa ou schizophrénie. C'est une technique qui n'est pas universelle, mais qui peut avoir des répercussions spectaculaires.

J'ai moi-même bien entendu beaucoup testé l'hypnose, pour comprendre « de l'intérieur ». J'ai vu apparaître, lors d'une séance d'auto-hypnose l'une de mes vies antérieure. J'étais comme au cinéma. Je ne suis ni scientifique ni mystique, je suis romancier. Ainsi, ce système m'a fait apparaître un rêve extraordinaire et inspiré des récits.

Je ne suis pas dans le questionnement « vrai ou faux ». Je suis dans le questionnement « est-ce que cela me fait du bien ou pas ». J'applique ce raisonnement à beaucoup de choses. Il n'y a jamais rien de sur. Y compris en sciences. Il n'y a aucune donnée scientifique où l'on peut dire « jamais personne ne contredira cette théorie ». L'hypnose fait partie de ces éléments qui ont des détracteurs et d'autres pour lesquels cela fait beaucoup de bien. Chacun doit trouver ce qui lui correspond. Là encore, c'est proposé, à chacun de disposer. Le drame ce serait que l'hypnose soit obligatoire. Mais c'est une forme de relaxation. Je fais également de la méditation. L'hypnose c'est pour faire un rêve accompagné. La méditation c'est pour nettoyer l'écran ou il y aura le rêve.

Dans mon nouveau livre, La voie de la terre, il y a un personnage qui va initier David, le héros, à l'hypnose et à la méditation. J'ai envie de rendre les gens curieux, de leur dire: "il y a un truc qui peut peut-être vous intéresser", comme le ski nautique pourrait vous intéresser. Pour certains ça va marcher et pour d'autres non.

Bernard Werber est l'invité du 2e colloque sur l'hypnose samedi 27 septembre au théâtre Adyar, Paris.


26/09/2014 09:45

14.02.2024 - 10h56

Interview – Bernard Werber raconte sa love story avec une fan

source: voici.fr

Une maison au pied des vignes de Montmartre. C'est le repaire de Bernard Werber, star de la littérature grand public depuis le succès planétaire des Fourmis. Si son nouveau roman, les Micro Humains, nous plonge une fois de plus dans le futur, l'homme, lui, est bien ancré dans le présent. La preuve ? Il dévore les meilleures séries du moment.



Voici : Pas trop déçu de ne jamais figurer dans la liste du Goncourt ?

Bernard Werber : Quand j'ai publié les Fourmis, il y a vingt ans, Robert Sabatier, membre du jury, m'a dit que j'avais toutes mes chances. En fait, ce qui a été rédhibitoire, c'est le dessin sur la couverture. Après ça, mon éditeur m'a dit : « Soit tu plais au système littéraire parisien, soit tu plais au public. » Le public a tranché…

Dans votre nouveau roman, vous imaginez des êtres de 17 cm, plus petits, plus féminins et plus solidaires, qui pourraient constituer une troisième humanité. Ça paraît dingue…

Et pourtant… Sur Terre, depuis 4,5 milliards d'années, l'évolution est allée dans ce sens. On est passé des dinosaures aux lézards, des mammouths aux éléphants. L'avantage d'être petits, c'est qu'on résiste mieux à toutes les formes d'agressions : maladies ou tremblements de terre.

Finalement, les Micro Humains, c'est un retour aux sources ?…

Exactement. D'ailleurs, le héros de cette aventure, David Wells, est le descendant d'Edmond Wells, le héros des Fourmis.

C'est vrai que vous avez pensé à Emma Peel, l'héroïne de Chapeau melon et bottes de cuir, pour créer votre héroïne, Emma 109, micro humaine qui va entrer en résistance ?

En effet, Emma Peel a longtemps été mon actrice préférée. C'est à la fois une femme de tête et d'action et, en plus, elle a de l'humour, comme mon Emma 109…

Existe-t-il une compétition avec Marc Lévy et Guillaume Musso, les autres stars de la littérature grand public ?

Quand nous nous rencontrons, nous parlons davantage de nos projets que des chiffres de vente. Moi, j'ai un public d'adolescents et d'étudiants. Comme nous n'avons pas les mêmes lecteurs, nous ne sommes pas en compétition.

C'est quoi, votre secret pour résister à la « pipolisation » ?

Je refuse systématiquement les interviews dans Voici ! (rires) En fait, je veux surtout qu'on s'intéresse à mes personnages, à ce qui leur arrive, et pas au type qui les fait vivre derrière.

Vous gardez un bon souvenir de votre participation à la Parenthèse inattendue, sur France 2, avec Liane Foly et Francis Perrin ?

J'ai eu un peu froid et je n'ai pas très bien dormi, mais c'est une expérience que j'ai adorée. Pouvoir parler à la télé de spiritualité, de tai chi chuan, de méditation, ou d'ouverture des sens, c'était fabuleux.

Avez-vous refusé certaines émissions ?

On m'a proposé une émission de télé-réalité que j'ai refusée, mais je ne vous dirai pas laquelle…

Dans Nos amis les humains, vous aviez mis en scène deux humains observés par des extra-terrestres. Prémonitoire de la téléréalité d'enfermement ?

C'était deux ans avant le Loft, oui. Aujourd'hui, à la télé ou sur les réseaux sociaux, les gens veulent qu'on s'intéresse à leur nombril. Ce sont souvent des êtres fragiles qui sont montrés en exemples à suivre. C'est dommage pour le public et c'est dangereux pour eux.

C'est vrai que vous avez radicalement changé de vie il y a quatre ans ?

Pour mes 48 ans, Frédéric Saldmann, un ami cardiologue, m'a offert un check up complet. Là, on a découvert que j'avais une coronaire bouchée et que je risquais de mourir d'une seconde à l'autre comme Michel Berger. Il y avait deux solutions : soit on m'opérait à cœur ouvert pour me faire un pontage, soit j'adoptais une nouvelle hygiène de vie en faisant 50 min de vélo d'appartement tous les jours…

Et vous avez choisi…

Le vélo d'appartement. C'est là que je me suis mis à regarder les séries télévisées de façon addictive. Breaking Bad, Game of Thrones, mais aussi Dexter. J'adore décrypter, derrière la complexité des intrigues, la trame ultra simple qui se joue. Par exemple, Dexter, au fond, c'est une histoire d'amour entre un frère et une sœur.

L'amour, pour vous, c'est la plus complexe des énigmes ?

Je vois l'amour comme un jeu de Mastermind : on teste différentes possibilités, on regarde si ça fonctionne et on essaie de trouver la bonne formule.

C'est vrai que vous avez eu une histoire avec une fan ?

Oui, j'ai eu une histoire d'amour avec une lectrice. A Nice, lors d'un salon du livre, il y a quelques années, une jeune femme m'a dit : « Aujourd'hui, c'est mon anniversaire, et je voudrais que vous soyez mon cadeau. » Comme elle était ravissante, j'ai arrêté les dédicaces… Et on est restés ensemble trois ans.

Et aujourd'hui, avez-vous trouvé l'âme sœur ?

Je suis encore en recherche/expérimentation. Former un couple qui marche, c'est le jeu de vie le plus passionnant.


14.02.2024 - 10h59

Bernard Werber : "Un écrivain ne peut pas rester dans sa tour d'ivoire"

source: tf1info.fr

PASSIONNE - Rédacteur en chef invité de metronews, l'écrivain Bernard Werber livre sa vision de l'actualité, à l'occasion de la sortie de "La Voix de la Terre", le dernier tome de sa trilogie "Troisième Humanité" (Albin Michel).

Sur la menace de l'Etat islamique
"Nous vivons actuellement un choc de civilisations et de valeurs. A mon sens, il y a trois camps. D'abord les capitalistes sauvages, en quête de toujours plus d'argent, de rentabilité. Il a pour leader la Chine, la première puissance financière, suivie des Etats-Unis et de l'ensemble du monde arabe et pétrolier. Le deuxième camp, ce sont les barbares. Pour eux, le système capitaliste est affreux, et à la place ils nous proposent un système ancien dans lequel on arrête la technologie, la musique, etc. Et puis il y a les démocrates laïques. Leur souci, c'est de créer un mieux vivre ensemble planétaire. Hélas c'est un groupe actuellement minoritaire, faible... et divisé, qui passe l'essentiel de son énergie à trouver la bonne ligne à défendre."

Sur les manifestations à Hong Kong...
"Ce qu'on voit en ce moment, ce n'est pas Tian An Men, mais une envie des Hong-Kongais de ne pas être assimilés à la Chine, de garder un statut différent. Hong Kong a été la première ville chinoise moderne, tournée vers le monde capitaliste, et je comprends qu'elle n'ait pas envie d'être diluée dans le reste. Je pense que ça va se terminer par un compromis à la chinoise. Le temps joue en la faveur de Pékin. La Chine est une telle puissance financière, économique, démographique... c'est là-bas que va se passer l'avenir du monde."

Sur les voyages dans les pays dits "à risques"...
"Ça ne me dérange pas de voyager dans les pays un peu "chauds". Nous écrivains devons promouvoir le livre comme moyen de donner aux gens envie de s'émanciper. Lorsque les gens lisent, ils réfléchissent et ils deviennent autonomes. Sinon ils sont juste influencés par la télé et les gens qui parlent fort... Ils sont plus facilement manipulables. L'écrivain ne peut pas rester dans sa tour d'ivoire, il doit parler de ce qu'il a vu."

Sur la politique française...
"Nous faisons partie de l'Europe et nous ne pouvons aller à contresens. Les épiphénomènes comme l'élection du président du Sénat, ça ne change pas grand chose du moment qu'on garde le cap. Le grand bateau France doit avancer vers quelque chose qui s'appelle la social-démocratie. Après qu'elle soit plus sociale, ou plus démocrate, c'est au capitaine d'en décider."

Sur le télétravail pour tous...
"Je rêve d'un éclatement des villes. Si on ne le fait pas, on va avoir des transports de plus en plus saturés, une pollution encore plus importante... Et on va perdre du bien vivre. Il faut qu'on dise aux gens : installez-vous à la campagne, on va vous mettre la fibre optique, vous serez en vidéo-conférence avec l'équivalent d'un open space. Qu'on soit tous ensemble dans une pièce, c'est bien. Mais je serais peut-être plus détendu avec une forêt derrière moi !"

Sur les transports écolos...
"Les rues piétonnières et le Vélib, tout le monde disait que c'était impossible il y a 20 ans... et on l'a fait. A Pékin, les scooters et les motos sont interdits s'ils ne sont pas électriques. Ça fait donc moins de bruit, c'est moins polluant. Je pense que ce serait une belle proposition pour la mairie de Paris."

Sur Netflix...
"Je ne suis pas encore abonné mais je suis un client potentiel. Je regarde beaucoup de séries, à vrai dire un épisode par jour, de 18h à 19h. En ce moment je suis sur Masters of Sex, saison 2. C'est d'une intelligence et d'une audace... Aux Etats-Unis, les séries sont désormais plus importantes que le cinéma au niveau économique. A Los Angeles, plus on voit de séries, plus on est branché. Ça tombe bien, j'en regarde plein ! (rires)."

Sur le télécrochet Rising Star...
"J'aime l'interactivité, le fait que le téléspectateur se retrouve sur l'écran au cours de l'émission. Je suis passionné par les communautés virtuelles et ça me rappelle les débuts d'un jeu comme World of Warcraft. Bien plus qu'un divertissement, c'est un véritable art de vivre. De la même manière je rêve qu'on nous propose des séries dans lesquelles on puisse se retrouver en immersion totale."

Sur le foot...
"J'ai assisté une seule fois à un match du PSG, au Parc des Princes. C'était très... intéressant. Le football répond à une attente du peuple. Je me souviens de ce film, Rollerball, où le stade vibrait avec les gladiateurs. Pour cela, il faut qu'on connaisse leur vie privée, qu'il y ait des trahisons, des "personnages". Même si je trouve ça bizarre qu'on dépense autant d'argent pour payer les gladiateurs."

Jérôme VERMELIN

14.02.2024 - 11h01

Bernard Werber : l'interview

source: monbestseller.com

L'écrivain et éditeur Stephan Ghreener interviewe un auteur de best-sellers pour monBestSeller.com. Et pas n'importe qui : Bernard Werber en personne. L'occasion de lui demander de nous raconter sa journée de travail, son rapport à l'écriture et sa vision de l'édition de demain. Sans oublier de donner un (précieux) conseil aux auteurs débutants.
Bernard Werber , interviewé par monBestSeller.Interview de Bernard Werber par Stephan Ghreener

L'écriture pour toi : cela représente quoi après toutes ces années de succès ? Un travail, une nécessité, un plaisir ?

J'écris tous les jours depuis l'âge de 16 ans. J'en ai 53. De 8h30 à 12h, j'écris mes dix pages. C'est une nécessité physiologique. J'ai besoin de ce rendez-vous quotidien. Il y a une montée d'énergie tout au long de ma matinée d'écriture. Ensuite, dans l'après-midi, il y a comme une rechute. Je consacre alors le reste de la journée à faire des recherches et des repérages. En fin de journée, je vais faire du sport ou me promener en forêt. Ces rituels font aussi partie de l'activité d'écrivain, cela permet de continuer à réfléchir au roman en cours. Je vis de mon écriture depuis 1991. Cela reste avant tout un plaisir. C'est une joie de se retrouver tous les matins avec son intrigue, ses personnages, son suspense.



Tu es un auteur lu dans le monde entier. As-tu une pression particulière de ta part à chaque nouveau roman ?

Cela ne change rien. Si je me retrouvais sur une île déserte, sans lecteur, sans éditeur, sans imprimeur et que je trouvais ce qui pourrait ressembler à un parchemin, avec un peu d'encre de pieuvre, j'écrirais. Ecrire est un besoin, ce n'est pas qu'un travail. C'est un moyen de relacher la pression de toutes ces idées que j'ai en permanence dans la tête.



Si tu avais un seul conseil à donner à un auteur débutant ?

La régularité. C'est la seule façon de s'améliorer et de progresser dans son art. Je considère mon métier comme un artisanat au même titre que l'horlogerie. Il faut de la constance dans l'écriture et dans la relecture. Plus on pratique plus on est simple et efficace. J'essaie de m'amuser en écrivant et aussi en me relisant. Si je n'ai pas de plaisir en me relisant, comment le lecteur peut-il en avoir ? Même l'inspiration est un muscle qu'on peut entretenir grace à la régularité. C'est comme pour un boulanger. Je ne crois pas qu'il puisse faire du mauvais pain tous les jours. Au bout d'un moment, il peaufine son modus operandi et au final s'améliore.



Donc si tu te relis et que tu n'es pas satisfait tu recommences ?

Pour chaque roman publié, j'ai une vingtaine de versions., avec des personnages différents, une intrigue et des rebondissements différents. Le cas extrême, c'est "Les Fourmis". J'en ai écrit une bonne centaine de versions. Le manuscrit que j'ai présenté à mon éditeur faisait 1500 pages. Il m'a demandé de reduire cet opus. J'ai donc réécrit une version de plus, puisque que le texte publié fait 350 pages.



Ton actualité ?

Comme chaque année, je sors un nouveau roman, début Octobre. Cette année, c'est un peu particulier car le roman que je sors le 1er Octobre, "La Voix de la Terre" clôture une aventure qui a duré plusieurs années. " C'est en effet le troisième volume de ma trilogie "Troisième Humanité"

En tant qu'auteur à succès, la promotion doit être importante. Tu le vis comment ?

La communication passe de plus en plus par les blogs de lecteurs. C'est une bonne chose, c'est une redistribution des cartes en quelque sorte. De toute façon, la seule critique à laquelle je crois vraiment, c'est le temps. Aujourd'hui encore, on lit Jules Vernes. Son œuvre a survécu aux modes et aux années. On a oublié bon nombre de ses contemporains pourtant stars à l'époque. Un écrivain professionnel doit se libérer de la pression des médias à chaud pour ne penser qu'avec la perspective de faire une œuvre qui resiste au temps et à l'espace.



L'avenir de l'édition tu l'imagines comment ? Quid du papier vs numérique ? Internet, est-ce un atout ou une menace ?

Le « livre papier à l'ancienne » va probablement vivre encore une dizaine d'années mais à long terme il est peu probable qu'il survive à la deferlante numérique. Faut-il se réfugier dans ce que j'appelle la nostalgie du parchemin pour autant, je ne crois pas. On n'achète plus de Cds mais on continue à écouter de la musique. Beaucoup d'éditeurs ne voient pas le web d'un très bon œil mais on a tort. En Russie, "L'Empire des Anges " a été le texte le plus téléchargé gratuitement sur des sites de pear to pear. Un éditeur local s'en est aperçu. Il n'avait jamais entendu parler de moi ou lu un de mes livres. Il a décidé de publier "L'Empire des Anges". Il s'en est vendu plus de deux millions d'exemplaires. Cela veut dire que le système fonctionne aussi dans ce sens. Le web fait découvrir le livre papier. Le seul combat est celui d'interesser les gens au livre que ce soit papier ou numérique.

14.02.2024 - 11h05

Bernard Werber : «L'enjeu c'est juste d'être heureux»

«On se demande toujours où il va chercher tout ça!» confient de concert la maman, le papa et la sœur quand on les croise à la faveur d'une dédicace du fils prodige à la Fnac comme ce jeudi. Le fiston c'est Bernard Werber, la petite cinquantaine, l'esprit alerte et l'humour chevillé au corps. Et le public en redemande ! «Quand je viens à Toulouse, il y a toujours des salles combles depuis très longtemps, depuis la parution des «Fourmis». C'est le même phénomène à Lille avec la même population jeune qui me donne l'impression de vouloir réfléchir à des problématiques que soulèvent mes livres et de vouloir trouver de nouvelles voies…» Cette philosophie-fiction qui fait sa marque, cette «science-fiction réaliste» comme il la définit, passionne des millions de lecteurs depuis la parution de sa trilogie consacrée aux fourmis. Aujourd'hui, ce «Sixième sommeil» qui vient de paraître marque cependant une étape particulière sur cette déjà longue carrière : «Ce nouveau livre constitue une rupture avec les autres livres. D'abord parce qu'il est plus court, les personnages sont nouveaux, et il est tourné vers la spiritualité et le voyage. Les gens qui pratiquent le rêve lucide et mes propres expériences sur l'interprétation des rêves m'ont poussé à choisir le thème du sommeil. C'est un livre dont j'attends l'accueil du public, c'est pour moi un enjeu important.» Impossible de ne pas croire l'auteur lorsque l'on assiste aux échanges avec les aficionados de ses mondes et réflexions, lorsqu'on l'entend défendre cette couverture sur fond blanc qui tranche avec le noir habituel. Ça n'a l'air de rien mais il a fallu convaincre l'éditeur et faire comprendre «qu'à partir de ce livre je vais tester d'autres formes de narration.» Il faut dire que, depuis le temps, Bernard en a écrit des histoires ! «J'ai eu la chance d'être un jeune introverti, comme je ne jouais pas au football je lisais des livres. Et vu que je ne jouais pas au football pour m'intégrer dans les groupes il fallait que je raconte des histoires. J'ai donc pris la place du barde, du raconteur d'histoires, du griot.»
«L'écriture se rapproche du marathon»

Une fois devenu le journaliste scientifique puis l'écrivain que l'on connaît, c'est la discipline qui s'est imposée : «L'écriture se rapproche beaucoup du marathon, on trouve un rythme, puis ça devient plus facile, mais il ne faut pas s'arrêter et ça s'entretient comme un muscle ! Plus on sollicite l'imaginaire, plus il vous fournit d'informations, d'histoires et plus il va loin. D'ailleurs, depuis l'âge de 16 ans, je n'ai jamais arrêté d'écrire.» Il faut dire que l'époque se prête à l'exercice : «J'ai vu apparaître les premiers téléviseurs, ordinateurs, téléphones portables et en tant que journaliste scientifique j'étais au cœur de toutes ces révolutions. J'ai suivi le feuilleton du Sida, des grandes catastrophes comme Tchernobyl et Fukushima, j'ai vu les premiers pas de l'Homme sur la Lune. Ce serait à refaire je renaîtrai à la même époque !» Mais l'enthousiasme, l'optimisme sur le long terme ne dissimulent pas pour autant la conscience de temps proches de nous, dangereux pour l'environnement et l'espèce humaine. «Nous vivons une période entre-deux-guerres, une période où il y a encore des forêts, des océans préservés, on peut respirer de l'air et je ne suis pas sûr que dans les années à venir ce soit aussi facile. Je pense que toutes les bêtises qui doivent être faites seront faites. Mais, fort heureusement, il y a toujours des gens de bonne conscience qui finissent par comprendre qu'il faut arrêter de reproduire sans cesse des schémas qui aboutissent à l'échec. L'enjeu c'est juste d'être heureux et c'est déjà très compliqué.» Le voilà le credo continuel, défendu bec et ongles dans ses ouvrages ! «La vraie révolution se fera dans les mentalités pas à travers les évolutions technologiques. Nous vivrons une révolution au niveau de la morale, de la définition de l'être humain.» Mais d'ici là, il reste de la place pour l'imaginer, le rêver non ? «C'est le grand inconnu et c'est ce qui fait tout son charme. C'est aussi ce qui fait la matière de mes livres parce que, précisément, quoi que l'on prévoie ce sera différent et c'est ce qui est drôle !»

Publié le 18/10/2015 à 06:31

Pascal Alquier

14.02.2024 - 11h09

Bernard Werber, cocon et papillon


source: web.archive.org

Interview - A l'occasion de la sortie de son nouveau roman «Le sixième sommeil», l'auteur des «Fourmis» conte ses multiples vies, et comment l'ado introverti s'est mué en auteur à succès.

Ce qui frappe, quand on rencontre Bernard Werber, c'est sa voix. A la fois douce, enfantine, passionnée et enthousiaste, elle peut également se montrer directive: «Deux thés verts gourmands», commande l'auteur des Fourmis et des Thanatonautes à l'attention du serveur sans nous demander notre avis: «Vu le monde qu'il y a, c'est plus simple de commander la même chose.» Nous le suivons jusqu'à un «espace un peu plus feng shui», et nous nous installons dans le coin du bar qui a trouvé grâce à ses yeux. A chaque question qu'on lui pose, il demande invariablement «et vous?» détestant, dit-il, «jouer le rôle de l'émetteur tandis que l'interviewer est confiné à son rôle de récepteur». C'est donc sous forme de discussion que l'auteur nous conte l'intérêt nouveau qu'il porte aux rêves, le sujet de son dernier livre Le sixième sommeil, et son parcours, semé d'embûches autant que de merveilles.

Votre prochain livre concerne le sommeil. Dormez-vous bien?
J'ai connu un an de mauvais sommeil, où je me réveillais entre 2, 4 et 6?heures. C'est dû en partie aux nuits agitées de mon dernier fils, alors bébé. Je me suis intéressé au sujet, et me suis procuré une application smartphone qui analyse votre nuit en traçant des courbes selon les étapes du sommeil. Maintenant, je note mes rêves dans un carnet au réveil, en essayant d'être honnête. S'il y a des changements de personnages ou des incohérences, je les garde.

La relation mère-fils dans «Le sixième sommeil» est idyllique: le personnage central fait tout ce que dit sa mère, qu'il soit enfant ou adulte, sans rechigner. Etes-vous parti de votre expérience?
Pas tout à fait, je ne suis pas aussi fusionnel avec ma mère que mon héros (rires)… Mais c'est vrai que la crise d'adolescence n'a pas lieu d'être si les parents posent leurs enfants sur un rail. C'est ce que fait la mère du héros en lui apprenant à contrôler les phases de son sommeil. Cet apprentissage va le guider toute sa vie.

J'ai hésité à rajouter une anecdote dans le livre, et j'ai finalement renoncé, car c'est assez intime. A 4?ans, j'ai eu peur que ma mère meure. Je marchais avec elle en vacances en été, quand tout à coup elle s'est écroulée par terre. Les passants, pensant qu'elle était saoule ou clocharde, nous contournaient, certains l'enjambaient carrément. J'ai couru chercher ma sœur en criant: «Maman est morte!» Quand on est revenu, elle n'était plus là. Elle était sur la terrasse du restaurant d'en face, où elle se remettait tranquillement. Des gens avaient eu la présence d'esprit de la mettre à l'ombre, car elle avait en fait eu une insolation. Cet épisode m'a marqué, et je l'ai eu en tête pendant la rédaction du livre.

Vous avez été journaliste scientifique sept ans avant de publier des romans. Qu'est-ce qui a motivé ce revirement?
J'avais commencé à écrire le brouillon des Fourmis à 16?ans. A 23?ans, alors que je débutais dans le journalisme, j'ai cherché à soumettre le roman à des éditeurs, qui l'ont tous refusé. J'ai donc passé plusieurs années au Nouvel Obs sans plus m'en préoccuper jusqu'à ce que je sois viré. J'avais un contrat à durée déterminée, donc un statut précaire, pendant sept ans. Je venais de gagner un prix de journalisme (ndlr: le Prix de la Fondation News du meilleur jeune reporter), ce qui a agacé certains collègues qui n'avaient pas été sélectionnés. Il s'est créé un complot de bureau, soit un regroupement de tous les aigris, et j'ai été licencié. Mais dans la case «cause de licenciement», il n'y avait rien… Mon expérience de journaliste m'a permis de savoir que la vie en entreprise ne me convenait pas du tout. A l'époque, la rédaction comptait 120?personnes, dont 100 chefs. Devinez combien travaillaient véritablement… J'ai profité d'une année de chômage pour sortir les Fourmis du tiroir. Par chance, un éditeur s'y est intéressé, et j'ai encore retravaillé le texte en vue de la publication.

Dans «L'ultime secret», la Thénardier, rédactrice en chef, terrorise ses journalistes. Faut-il y voir une pique à l'encontre d'une ancienne cheffe?
Tout à fait. Mais j'ai dû édulcorer pour rendre son personnage crédible. En réalité, il s'agissait d'une femme quasi-analphabète qui sabotait tous les articles. Or si j'avais vraiment présenté la Thénardier comme ça, on aurait dit que j'exagérais…

J'ai rencontré dans ma vie quatre personnes vraiment perverses. Ce sont des gens qui tirent leur unique plaisir du malheur des autres. Et c'est souvent à ces gens-là que l'on donne des postes à responsabilités, parce qu'ils servent à calmer le troupeau par la terreur. Il y en a qui sont mêmes chefs d'Etat. Le type qui dirige la Corée du Nord, par exemple.

Dans vos romans, vos héros ont souvent connu une enfance difficile. Ils sont adoptés, ont perdu un parent, ou ont été torturés. Pourquoi?
Hum, je suis déjà en train d'écrire mon prochain roman et je m'aperçois que j'attribue à mon héros les mêmes caractéristiques… Je crois que les gens qui ont envie de se battre sont ceux qui ont quelque chose à prouver. Et ceux qui ont trouvé enfant le moyen de se sortir d'une situation difficile sont plus intéressants que ceux qui n'ont jamais connu de problèmes. Et le moteur de tout cela, c'est souvent la question: «Pourquoi on ne m'a pas aimé plus quand j'étais petit?» J'ai eu moi-même ce problème. Mes parents étaient très bien, mais je n'étais pas adapté au système scolaire. J'étais introverti, timide, je ne jouais pas au foot, je n'aimais pas me bagarrer. J'étais bien parti pour être écrivain, mais pas le mec cool à la cour de récré. J'ai commencé à exister aux yeux de la gent féminine quand j'ai écrit dans le journal du lycée. Enfin, je n'étais plus uniquement le binoclard qui lit des bouquins. Une fille qui travaillait avec moi avait dit énormément de bien sûr mon compte à sa meilleure amie. Du coup, je suis sorti avec sa meilleure amie, grâce à toute la pub que l'autre lui avait faite… Après mon premier baiser, je me suis dit qu'il fallait que je persévère dans cette voie, à savoir raconter des histoires plutôt que de devenir footballeur.

Pratiquez-vous, à l'instar de vos personnages, des exercices spirituels de type méditation ou hypnose?
Oui. Etant donné que je m'intéresse beaucoup à toutes les pratiques spirituelles, dès que je croise quelqu'un qui en maîtrise une, je lui demande de me former. Pour l'hypnose, c'était mon voisin de table dans un Salon du livre où personne ne venait nous demander de signature, qui m'a appris. Mais ma première formation, c'était à 13?ans, en colonie de vacances. Je me suis lié d'amitié avec un garçon de mon âge qui m'a enseigné la méditation, le voyage astral et une sorte de yoga très avancé, que je n'ai jamais retrouvé dans aucun des cours auxquels j'ai assisté plus tard. A 6?h du matin, nous contemplions le lever du soleil en posture du lotus. Il était d'une telle douceur et d'une si grande sagesse que Bouddha ou Jésus devaient lui ressembler.

«Le sixième sommeil» Bernard Werber, Ed. Albin Michel, 416 pages.

Le rituel de l'ardoise: lors du dernier Livre sur les quais à Morges, Bernard Werber y a inscrit «Harmonie». O. MEYLAN (TDG)

Créé: 25.09.2015, 17h53


14.02.2024 - 11h11

«Enfant, je voulais quitter la Terre»


source: web.archive.org

Il est l'un des plus gros vendeurs de romans en France, avec des livres traduits dans 35 langues: Bernard Werber, 53?ans, est l'invité du Livre sur les quais à Morges. Lui qui aime rester discret sur sa vie privée, a répondu à nos questions avec franchise et bonne humeur.

Bernard Werber, qui êtes-vous?

Un être humain, je suis vivant, écrivain, j'habite la planète Terre.

Votre premier souvenir?

J'ai moins d'un an, je suis sur une chaise haute. Je me sentais coincé. On me sert un chocolat chaud que j'ai renversé. Tout le monde s'est mis à crier. Au même âge, je me souviens aussi de ma frustration de ne pas pouvoir atteindre les poignées de porte.

Etiez-vous un enfant sage?

Je m'intéressais à tout, donc je démontais tout, le téléviseur, la radio… Ils appelaient ça: «tout casser». Pour moi c'était: «chercher à voir comment c'est à l'intérieur».

De quoi aviez-vous peur?

Des escaliers avec des espaces vides entre les marches. J'avais peur de tomber dedans, surtout sur ceux sur des plongeoirs de piscine. J'avais aussi peur des balançoires.

Dans l'enfance, quel fut votre plus grand choc?

A 13?ans, le décès de mon grand-père. Il voulait qu'on le laisse mourir, mais il y a eu acharnement thérapeutique. J'en ai voulu à ma grand-mère. Ça m'a inspiré «Les Thanatonautes», sur la mort et le droit de mourir comme chez vous, en Suisse. Beaucoup de mon travail est inspiré de ce traumatisme.

Votre mère vous disait-elle «Je t'aime»?

Oui.

Que vouliez-vous devenir?

Inventeur. Je fabriquais une sorte de vaisseau spatial avec des planches, que je n'arrêtais pas d'améliorer. Mon ambition était de quitter la Terre, avec tous mes amis à bord. Je n'avais pas encore le goût de l'écriture. J'avais celui de raconter mes inventions. J'ignorais qu'écrivain était un métier.

Comment avez-vous gagné votre premier argent?

A 17?ans, aux archives de la Dépêche du Midi à Toulouse. Je triais les journaux au sous-sol. Il y avait des journalistes très prétentieux qui nous parlaient comme à des esclaves. C'est là que j'ai compris que la bonne position, c'est journaliste, pas archiviste (Rires.) C'est marrant parce que quand je suis devenu journaliste, je suis revenu à la Dépêche, et ils leur parlaient toujours aussi mal.

L'amour pour la première fois. C'était quand et avec qui?

C'est arrivé très tard, vers 21?ans. A Paris, avec une amie qui faisait des études pour être juge.

Votre plus belle qualité?

L'imagination. Ma grande chance c'est de gagner ma vie en utilisant cette qualité.

Avez-vous déjà volé?

Oui, à 11?ans, une petite ampoule pour savoir si j'en étais capable. Je suis sorti, j'ai fait le tour du magasin et je suis rentré la reposer.

Avez-vous déjà tué?

Non. Même cette nuit, il y avait un moustique que j'aurais bien écrasé! Je n'y suis pas arrivé. J'ai dit: «OK, t'as été le plus fort, tu mérites de vivre.» Ce matin, j'ai ouvert la fenêtre pour qu'il aille vivre sa vie avec mon sang. C'est le maximum d'hostilité que je peux ressentir pour une autre entité.

Déjà payé pour l'amour?

Non. Je ne me suis pas fait payer non plus! (Rires) J'ai la chance d'avoir suffisamment de personnes qui me l'ont proposé gratuitement pour ne pas avoir à payer.

Êtes-vous en couple?

Oui, je suis avec ma compagne depuis 2?ans. Je ne dirai pas son nom, elle n'est pas célèbre. Je lui ai dédié mon prochain roman, «Le sixième sommeil», qui sort dans 15?jours.

Lui avez-vous déjà menti?

Non, pour une raison simple: je n'ai aucune mémoire. Donc je risque de tomber en porte-à-faux.

Avec qui auriez-vous aimé passer une agréable soirée?

Einstein. Et sinon avec mon fantasme féminin, Diana Rigg, à l'époque de «Chapeau melon et bottes de cuir». De Vinci qui devait être très rigolo et Hedy Lamar qui alliait beauté et intelligence.

Qui trouvez-vous sexy?

Julie Benz de la série «Dexter», Jennifer Connelly. J'aime les femmes avec lesquelles il y a du dialogue, une autre dimension. Alors je dirais encore Jodie Foster .

Vos dernières larmes?

Au cinéma pour «Vice-versa». La fois d'avant, c'était pour «Big Fish» de Burton. Mais là, c'étaient des grandes larmes car c'est entré en résonance avec ma vie.

De quoi souffrez-vous?

D'une réelle inquiétude sur l'avenir de la planète. Je crains que ça devienne invivable pour les générations suivantes. Je pense à ma famille bien sûr, mais aussi à l'être humain et la planète, deux entités que je trouve dignes d'avoir une évolution positive. Je suis surpris du mal que se donnent tant de personnes pour tout foutre en l'air.

Déjà frôlé la mort?

Quatre fois! À 7?ans, un garçon de 14?ans a tenté de m'étrangler. On a su après qu'il avait déjà étranglé un enfant. À 14?ans, en Corse, on m'a pris pour un autre et menacé d'un revolver. Quand j'étais journaliste scientifique, j'ai glissé sur un volcan en Indonésie et suis resté suspendu au-dessus de la lave bouillante. À 50?ans, on m'a annoncé que j'avais une artère coronarienne bouchée et que j'allais bientôt crever. Je me suis alors mis intensément au sport et je prends de l'aspirine pour fluidifier le sang.

Croyez-vous en Dieu?

J'espère surtout que lui croit en moi! (Rires.) La notion à l'ancienne, d'un grand barbu, non. Par contre je crois qu'il y a un système plus complexe au-dessus de nous, un peu comme si nous étions dans un aquarium à poissons et qu'il y ait un monde au-delà de ça. Avec des gens qui nous contrôlent, nous ont créés? Je n'en suis pas sûr. Ce sont peut-être juste des enfants qui jouent à côté de l'aquarium quoi, sans intention spéciale.

Votre péché mignon?

Lire des romans aux toilettes, en me disant «Ici on me fout la paix.»

Un CD, un DVD et un livre à emmener sur une île déserte?

Le CD du jeu «Civilisations». Le film, «2001, l'Odyssée de l'espace» et le livre, «Dune».

Combien gagnez-vous par an?

(Rires.) Suffisamment pour avoir 3?années de tranquillité. Au bout de 3?ans, si je veux maintenir ma vie telle quelle il faut que je refasse un livre. Qui marche.

Vous en publiez un par an!

Les impôts en France sont si importants, que j'en fasse 1 ou 3, c'est pareil. J'en écris 2 pour rien.

Pensez-vous gagner assez par rapport au travail fourni?

Oui. J'ai la vie qui me convient. On m'a proposé 10?fois plus pour changer d'éditeur. J'ai dit non.

Qui sont vos amis?

J'ai 3 grands amis, un scénariste, un réalisateur et un informaticien, rencontré il y a moins de 10?ans, que je peux appeler n'importe quand. J'ai aussi 2 amis qui sont des références, mon éditeur et Claude Lelouch, qui ont cru en moi et que je trouve admirable de courage dans leur manière de travailler.

Qui aimeriez-vous voir répondre à ce questionnaire?

J'ai bien aimé l'exercice. Je fais ma psychanalyse en même temps. Claude Lelouch, mais vous l'avez déjà fait. Et Woodkid, avec qui je déjeune la semaine prochaine. Le seul type original dans la musique actuelle.

(Le Matin)

14.02.2024 - 11h13

La chronique de...Bernard Werber


source: leparisien.fr

Recueilli par Chloé Poignant de l'Agence Créative CulturElle
Le 6 novembre 2015 à 16h41

« Sur les questions environnementales, la bonne volonté est très limitée. Seules les catastrophes permettent de prendre des décisions courageuses et nécessaires. Le reste du temps, la stratégie des partis politiques consiste à noyer le poisson. Paris, par exemple, a un réel problème de courage. On pourrait commencer par rendre tous les véhicules parisiens électriques, de la voiture du particulier aux utilitaires : bus, véhicules de service, et même les deux roues. C'est déjà un bon premier pas, non ?

Pourtant, les écologistes parisiens ont coupé un programme de camions-bennes électriques sous prétexte que l'électricité fournie provenait d'une centrale nucléaire ! Donc à la place ils ont pris des véhicules diesels… Je ne comprends pas cette frilosité sur les véhicules diesels. On a peur de les tarifer au prix normal, de leur enlever leurs privilèges alors que c'est un empoisonnement pour tout le monde. Des quartiers entiers de Paris toussotent et ont leurs poumons encrassés par la pollution alors que l'on pourrait ne plus avoir cette chape de plomb au dessus de la ville. Le fait que ce ne soit pas la seule source de pollution n'est pas une excuse. Là, il s'agit de s'attaquer à la partie la plus visible et la plus nauséabonde de la pollution et après on pourra s'occuper des pets de vaches ! Les conducteurs savent qu'ils polluent et font preuve d'un certain égoïsme digne d'être dénoncé.

C'est une confrontation entre deux visions : une à court terme et une à long terme. Ce que j'ai appris de mes voyages, c'est que le cœur de ce problème planétaire c'est la Chine, « l'usine du monde » : c'est un très grand territoire avec une main d'œuvre pas chère, mais en Chine il n'y a pas d'écologistes. Ils sont dans un système de croissance rapide, qui cherche à évoluer sans penser aux conséquences sur le long terme. Or, nous sommes sur une petite planète où tout est connecté : la détérioration de leur milieu finira tôt ou tard par arriver en Europe. Et pour autant tout n'est pas de leur faute, dans la région de Shenzhen par exemple, ce sont nos gadgets et nos jouets qui sont fabriqués par une population en condition de quasi-esclavage...

Mais les prises de conscience sont par le passé toujours arrivées après une catastrophe : Tchernobyl, Fukushima…

Nous avons besoin de modifier notre rapport au temps et les politiques, eux, voient sur le court terme pour leurs élections. D'ailleurs, le parti écologique est un non-sens, c'est comme de dire que l'on veut un parti pour être propre. Avoir une planète propre c'est du bon sens, comme l'hygiène : y-a-t-il un parti pour se laver sous les bras ? Ces partis agissent d'abord par intérêt politique comme les partis « classiques ». Et beaucoup sont prompts à oublier leurs engagements une fois au pouvoir. Regardez Peter Garrett (ancien ministre australien et ex-chanteur du groupe « Midnight Oil », ndlr)… l'époque où il chantait «Beds are burning» est bien loin derrière lui, il a fait tout ce qu'il y dénonçait depuis.

Pour moi, il faut qu'il y ait une sorte d'harmonisation planétaire de toutes les économies et les démographies, sans tenir compte des pays au cas par cas. La croissance économique et démographique sont deux divinités sacrées, mais l'une est une illusion et l'autre est une catastrophe. Il y a un vrai tabou autour de la maîtrise de la démographie mais ce n'est qu'en l'harmonisant qu'on retrouvera un équilibre.

Mais je crois aussi aux petits gestes du quotidien. Je roule avec une voiture électrique, je fais très attention à économiser l'eau, à trier les ordures… de manière générale à ne pas gaspiller. Ce sont des tas de petites choses et au final personne ne s'en aperçoit mais c'est aussi ce qui me permet de ne pas alourdir la dette de la terre et le poids de la pollution que doit subir la planète. »

«Le sixième sommeil»

14.02.2024 - 11h16

Bernard Werber : «Je voudrais que Tim Burton adapte Le sixième sommeil»


source: web.archive.org

Benard Werber a publié Le Sixième sommeil aux éditions Albin Michel le 1 er octobre 2015.

INTERVIEW - Pour l'auteur des Fourmis, dont le 21e roman est paru le 1er octobre, le cinéma français s'intéresse trop peu à la science-fiction. Selon lui, le réalisateur d'Edward aux mains d'argent serait le plus à même de retranscrire son livre sur grand écran.

LE FIGARO - Votre dernier livre, Le Sixième Sommeil, explore la thématique du rêve. Comment est venue l'envie d'écrire sur ce sujet?

Bernard WERBER. - Lorsque j'étais journaliste scientifique, j'avais fait un reportage sur les Eunironotes, ces gens qui font des rêves lucides et j'avais découvert qu'ils s'inspiraient d'une tribu qui s'appelait Senoï en Malaisie. Cette tribu, que j'ai rencontrée, a une approche intéressante du sommeil: elle considère que ce qui se passe durant la nuit est plus important que ce qui se passe durant le jour. Ainsi, pour eux, il est très important de bien dormir et de bien rêver.

Le sommeil n'est pas, comme on a tendance à le penser, une simple façon de recharger ses batteries. C'est bien plus que ça. Nous passons un tiers de notre vie à dormir et un douzième à rêver, et ce qui se passe dans ces moments-là me semble déterminant.

Que se passe-t-il exactement?

Disons que le sommeil nous rebranche avec notre inconscient et nous rappelle notre identité. Par exemple, pendant les purges staliniennes, on privait les prisonniers de sommeil pour les manipuler plus facilement. Tant que les gens peuvent dormir et rêver, ils ne sont pas manipulables. En clair, si on ne dort pas, on devient fou. La souffrance des insomniaques le prouve.

Aussi, le rêve permet une communication entre l'identité du passé, du présent et du futur. Vu que cela est impossible dans le monde qui nous entoure, à cause des lois physiques qui empêchent le voyage dans le temps, le rêve est l'endroit où ce genre de choses est possible. Le sixième sommeil (le sujet de son livre, ndlr) correspond en quelque sorte au niveau de nirvana de la culture indienne, au moment où l'on ne respecte plus les lois du temps et le temps n'a plus de linéarité. Il n'y a plus de passé, ni de présent, ni de futur.

Ce que vous nommez «le sixième sommeil» est donc un moyen d'accéder à son identité?

Le vrai thème du livre, c'est ça: que se passerait-il si vous pouviez discuter avec l'enfant que vous étiez, et le vieillard que vous allez devenir? Cette idée m'est venue lors de l'émission de Fréderic Lopez, Une Parenthèse inattendue, à laquelle j'ai participé il y a deux ans. Il m'avait demandé de prendre un téléphone et d'appeler symboliquement le petit enfant que j'avais été et de lui parler. J'ai trouvé cette idée passionnante et c'est là que m'est venue l'idée que mon héros pourrait être connecté à l'homme qu'il a été et qu'il va devenir. C'est pour cette raison que j'ai remercié l'animateur à la fin de mon livre.

«J'ai aussi essayé aussi le rêve lucide. C'est mieux que la drogue ! En dominant son cerveau on peut se faire des «trips» sans effets secondaires»
Bernard Werber

Votre héros écrit ses rêves quotidiennement sur un carnet. Vous aussi vous notez vos histoires oniriques? Quel a été votre dernier rêve?

Bien sûr que je note mes rêves! (Rires). La nuit dernière, j'ai rêvé que je sortais de mon appartement où il y avait une inondation et je m'apercevais qu'il y avait dans la rue un tsunami. Je me disais: «Bon ben de toute façon, vu que je suis sortie pour aller me baigner, tant qu'à faire autant mettre un maillot de bain.» C'était une sorte de rêve catastrophe, où je me disais que finalement, il fallait s'adapter. Je note mes rêves comme des histoires, comme des nouvelles fantastiques. Mais je fais très attention de ne pas les rationnaliser et de les rendre cohérents. J'essaye de les garder intacts.

J'ai aussi essayé le rêve lucide, ce qui a été une expérience très spéciale. C'est mieux que la drogue! En dominant son cerveau on peut se faire des «trips» sans effets secondaires, par contre cela peut devenir addictif. C'est plutôt une bonne chose parce que ça influence aussi la création artistique!

«La réalité psychique est plus importante que la réalité matérielle», disait Sigmund Freud, sous-entendant que ce que nous vivons est d'abord construit par nos interprétations. Partagez-vous cette idée?

La réalité psychique est au moins aussi importante que la réalité matérielle, parce que la réalité est déjà une illusion. Chaque acte, chaque sensation n'est qu'une interprétation qui s'inscrit à chaque fois dans un système subjectif. Nos sens nous trompent. Au fond, le rêve n'est pas aussi irréel qu'on le croit et le réel n'est pas aussi réel. Par exemple, il peut y avoir des informations qu'on a raté dans le réel et qui réapparaissent en rêve, d'où l'intérêt du rêve comme moyen de récupérer nos erreurs.

Si vous aviez la possibilité d'adapter Le Sixième Sommeil au cinéma, quel réalisateur choisiriez-vous?

Il n'y a pas de tradition du cinéma fantastique en France et c'est assez dur de convaincre les producteurs de se lancer. Mon unique film, Nos amis les terriens, a été l'occasion de me heurter à ce genre de difficultés. Mais si je devais choisir un réalisateur, ce serait sans hésiter Tim Burton. Il sait maîtriser un cinéma qui porte un imaginaire fort, et je crois fondamentalement que ceux qui résistent au temps sont ceux qui ont une imagination particulièrement développée. Je pense à Tim Burton aussi parce que ce serait forcément un film réalisé avec de gros moyens pour les effets spéciaux. J'avais beaucoup aimé Big Fish, c'était un film solaire et très créatif.

Vous citez Claude Lelouche dans les remerciements de votre livre…

Je le connais bien parce que nous avons travaillé un an ensemble, lorsqu'il a produit mon film. C'est un homme courageux dans un monde où tout le monde abandonne vite et courbe l'échine devant le système, lui se tient droit. Par exemple, il continue de faire des films sans qu'il y est forcément des personnalités connues. C'est un outsider, un peu comme moi.

Par Noémie Halioua Mis à jour le 22/10/2015 à 18:55 Publié le 22/10/2015 à 17:01

14.02.2024 - 11h19

L’écrivain Bernard Werber a testé l’orgasme cérébral


source: web.archive.org

Récit d'une heure dans un caisson d'isolation sensorielle

À mi-chemin entre le bain romain et la mer Morte, le spa Meïso propose un voyage inédit dans une eau ultra salée à 37 degrés propose un voyage inédit dans une eau ultra salée à 37 degrés dans une piscine en forme de foetus. La promesse ? Un orgasme cérébral provoqué par un état de relaxation intense. Tenté par l'expérience, l'écrivain Bernard Werber s'est jeté à l'eau, salée, et a testé le caisson d'isolation sensorielle pour nous. Qu'en a-t-il pensé ?

Rompre les limites du temps, accéder à la connaissance parfaite de soi-même… Autant de buts que cherche à atteindre Jacques Klein dans Le Sixième Sommeil (Ed. Albin Michel), le dernier roman de Bernard Werber. Cet état, proche du nirvana, rompt toutes les règles de la physique. Le temps n'y existe plus, la linéarité du passé, présent et futur est cassée. Dans cette phase de sommeil avancée, l'écrivain rêve d'un dialogue intérieur entre son soi enfant, adulte et vieillard. Pour atteindre cet état de bien-être et de détente, nécessaire à ce fameux stade de sixième sommeil, Jacques Klein s'essaye au caisson d'isolation sensoriel.

Comme son personnage, Bernard Werber a voulu se laisser flotter. Il s'est donc rendu dans le 2ème arrondissement de Paris, au sous-sol d'un biohackerspace, où se niche Meïso. Ce spa un peu étrange propose, pendant une heure et moyennant 80 €, de se laisser bercer dans un cocon rempli d'eau chaude salée. Pour cet auteur prolifique et ancien journaliste scientifique à l'Obs, c'est un deuxième essai. Il avait gardé un mauvais souvenir d'une première tentative à Toulouse, dont il est originaire :

« C'était en 1979. Je me retrouve dans un caisson qui ressemblait à un cercueil. Comme l'eau est assez chaude, la vapeur se condense au plafond. Pendant une heure, la condensation a fait ruisseler l'eau, goutte à goutte, sur mon front. J'ai subi un supplice chinois ! »


Amplificateur d'émotions

Téméraire, Bernard Werber, l'auteur mondialement connu de la trilogie des Fourmis, a finalement renouvelé l'expérience. Et il a bien fait. Pas de supplice chinois mais » une sensation formidable « .

« Le caisson est plus grand. Je ne touchais pas les bords, ni avec les bras ni avec les jambes, ce qui donne de meilleures sensations de flottaison. Avant chaque passage, l'eau qui a pu se condenser est essuyée avec un chiffon. Je me suis donc retrouvé tout nu là-dedans. C'est un peu visqueux quand on rentre. L'eau y est très salée pour supporter le poids du corps. L'intérêt, c'est qu'on ne subit plus la gravité. Il y a un équilibre à trouver, une manière de se tenir pour se sentir bien. Mais au bout de quelques minutes, je me suis dit : « Ça y est, je flotte.” »

Attention cependant, si vous êtes claustro, « vous risquez d'avoir des réminiscences du thriller Buried ». Dans ce film, Ryan Reynolds se débat pendant 90 minutes dans une caisse en bois à 10 mètres sous terre, avant de [attention spoiler] mourir enterré vivant.

« Vous êtes seul pendant une heure avec vous-même. Si vous n'êtes pas ami avec vous, si vous avez des démons, attendez-vous à une aventure cauchemardesque. C'est un amplificateur d'émotions.»

Mais pour l'écrivain, bien dans ses pompes, tout s'est bien passé.meiso-meditation-eau-flottante

Un monde Alpha

« L'espace est plein de bonnes ondes dès que l'on arrive. » Avant même de plonger l'orteil dans le bain salé, le rituel commence dès l'entrée du spa où l'on enlève ses chaussures. La cave est isolée acoustiquement de la rue, l'ambiance est cotonneuse, légèrement humide et surtout, l'accueil doux et chaleureux. « La gentillesse du couple qui tient l'endroit est au moins pour moitié dans la réussite de la relaxation », explique l'écrivain.

On accède au bassin par un chemin en teck. À gauche, on arrive au sas de douche où l'on se déshabille entièrement. Enfin, on se laisse glisser dans le caisson par un hublot. L'utilisateur a le choix de laisser la lumière allumée ou non et de choisir une méditation.

« Les vingt premières minutes ont été rythmées par une voix pour entrer dans un état proche de la sieste. Le seul fait de fermer les yeux et de souffler, ça fonctionne. On se retrouve dans un monde alpha. Il fait noir, il n'y a plus de son, donc plus de stress, plus d'équilibre non plus. On est complètement coupé de la société, c'est un lieu pour se retrouver. C'est même mieux que la méditation »

Méditation que B.W. garantit avoir testée au moins trois ou quatre fois.

Le cocon, pièce maîtresse

Le spa a été pensé par Alexandre Kournwsky et Maïté Breger comme un chemin initiatique dont le caisson est la pièce maîtresse. Chaque brique qui compose le moule a été imprimée en 3D dans un FabLab. Elles ont ensuite été assemblées une à une à la main, puis polies avec amour jusqu'à obtenir la forme foetale. Le tout a ensuite été moulé en fibre de verre. Mille litres d'eau pour 700 kilos de sel ont été ajoutés pour fabriquer une mer Morte artificielle.

L'eau salée soulage le corps de son poids, mais aussi le cerveau. En bref, vos hémisphères s'occupent de leurs affaires pendant que le reste (votre corps) flotte sans résistance. Le tout est censé permettre une redécouverte du corps par l'intérieur.

« C'est un temps où l'on se retrouve et où l'on est bien, une espèce de renaissance, d'hypnose » tente d'expliquer Bernard Werber. A-t-il atteint le sixième sommeil ? L'écrivain n'a pas réussi à dialoguer avec son « moi » enfant ou vieux, mais reprendrait rendez-vous prochainement avec plaisir. « Ca serait bien qu'il y ait plus d'endroits ainsi ». Ce qui tombe parfaitement bien puisque, fort de son succès, Meïso ouvre un nouveau centre à Barbès, dans le Xe arrondissement de Paris.


Par Redac Détours
23 septembre 2016

14.02.2024 - 11h22

Bernard Werber, écrivain et rêveur lucide


source: web.archive.org

Ecrivain à succès, Bernard Werber était l'invité d'honneur du dernier Printemps du livre de Montaigu. L'occasion de parler littérature et ... sommeil!

"Des applications qui analysent le cycle du sommeil ? Il y en a beaucoup. Je te conseille Sleep Cycle , c'est la seule qui vaille le coup à mon avis!"

Bernard Werber a beau être l'un des auteurs français les plus lu au monde, il n'en demeure pas moins amical, prêt à donner des conseils sur le thème de son dernier roman : le bien dormir, mais surtout le bien rêver.

Paru aux éditions Albin Michel, "Le Sixième Sommeil" est le 21ème ouvrage de l'auteur, un roman audacieux qui mêle science, ésotérisme, temps, psychanalyse et médecine. Tout un programme!


Prinptemps du livre de Montaigu

Du 22 au 24 avril, le printemps du livre de Montaigu a fêté la littérature au Théâtre de Thalie . Trois jours intenses de rencontres, dédicaces, animations, sous la présidence de Bernard Werber. « C'est la première fois que je suis président d'un salon… c'est formidable », s'enthousiasme l'auteur. « Je considère mes lecteurs comme une grande famille à qui j'ai des comptes à rendre. Pouvoir les rencontrer, échanger avec eux est essentiel. Rien n'est pire que la solitude de l'écrivain, seul face à sa pile de bouquins lors d'une séance de dédicace… Le fait que l'événement se passe dans un théâtre est aussi très intéressant. L'occasion de présenter plusieurs facettes de mon travail, celle d'écrivain et celle d'auteur de théâtre puisqu'il y sera rejoué ma pièce Nos amis les humains , dix ans après !

Voir le Futur

Dans "Le Sixième Sommeil", le héros imaginé par Bernard Werber, Jacques Klein, réalise le rêve de sa mère : atteindre, au-delà de la phase paradoxale, le sixième stade du sommeil, celui où tout devient possible… Il crée aussi le cinéma du futur, un cinéma oniroramique où l'on peut projeter ses rêves sur écran et les partager avec d'autres. Une vision dans la droite lignée des technologies de réalité virtuelle développées aujourd'hui… « L'auteur de science-fiction essaye ni plus ni moins de « voir » le futur, de l'anticiper. Plusieurs idées de mes romans ont eu des résonnances dans la réalité. En 2006 j'évoquais dans le Papillon des Etoiles un voilier solaire qui quitterait notre système solaire … il y a quelques jours, Stephen Hawking a annoncé qu'il œuvrait, avec son équipe, à la construction d'un prototype de minuscule vaisseau spatial propulsé grâce à la lumière envoyée depuis la Terre qui pourrait se rendre vers l'étoile Alpha Centauri (le système d'étoiles le plus proche du Soleil)…

Dans mon livre Le Père de nos Pères , j'avais postulé notre filiation avec le porc, des recherches ont depuis confirmé que les cochons partageaient beaucoup de points communs avec les humains ! Je reste persuadé que pour comprendre l'humanité, il faut en sortir et adopter des points de vues exotiques ! »

En France, l'imaginaire, le fantastique est peu visible dans les médias regrette l'écrivain. « C'est dommage… Jules Verne ou Edgar Poe ont mieux traversé le temps que ceux qui parlaient des salons Parisiens ! »

Une singularité que Bernard Werber, adopte jusque dans sa technique d'écriture. « Pour éviter de me plagier moi-même d'un roman à l‘autre, j'ai pris l'habitude d'écrire plusieurs versions d'une même histoire. Quand j'obtiens un premier jet, au lieu de l'améliorer, je recommence tout depuis le début. Avant de publier les fourmis, j'ai réalisé jusqu'à cent versions ! Pour mon prochain roman qui parlera des chats, j'ai recommencé huit fois. C'est comme un jeu de « Mastermind », il y a plusieurs combinaisons possibles, mais une seule est la bonne ! »

Croyances et vision de l'humanité

Quand on l'interroge sur sa vision de l'humanité, Bernard Werber se dit pessimiste à court terme, optimiste à long terme. L'histoire de l'homme est faite de cycles qui se répètent avec précision. Pour chaque période de progrès, s'ensuit une période de régression. L'art et l'éducation sont pour lui les deux énergies qui élèvent l'humanité. Le fait que tous les mouvements destructeurs s'attaquent en priorité à ces deux piliers semble confirmer sa théorie. Selon l'écrivain, l'artiste aurait une fonction d'alerte.

Jamais avare de bonnes citations, Bernard Werber cite Churchill : "Lorsque la Seconde Guerre mondiale faisait rage", rapporte-t-il ,"le parlement britannique aurait exigé que les subventions aux arts et à la culture soient plutôt versées à l'effort de guerre, ce à quoi le premier ministre britannique aurait répondu : Pourquoi combattre le IIIe Reich si ce n'est pour préserver notre culture ?"

" Ce sont les croyances qui nous bloquent. Elles ne nous apprennent pas à penser par nous-même, à encourager la création, l'indépendance d'esprit. Nous sommes le fruit d'une influence terrible, la publicité, nos familles, l'école… Nous sommes le fruit d'une influence terrible, sauf quand on rêve… "

A la fin du Sixième Sommeil, Caroline Klein, l'un des personnages imaginé par Werber conclut : « Un jour à l‘école on enseignera aux enfants à bien dormir. Un jour à l'université on apprendra aux étudiants à rêver. Dès lors, ce tiers de vie qu'on considérait à tort comme inutile sera enfin rentabilisé pour décupler toutes nos possibilités physiques et psychiques."

A vos rêves!



Suggestions pour aller plus loin dans la thématique :

Lecture : Le 6ème Sommeil de Bernard Werber , chez Albin-Michel.

Ciméma : Inception de Christopher Nolan, La Science des Rêves de Michel Gondry, Narco de Gilles Lellouche et Tristan Aurouet

Techno : L'application Sleep Cycle , disponible sur Itunes. Un réveil intelligent qui analyse votre sommeil et vous réveiller dans la phase la moins profonde pour vous assurer un réveil détendu et un repos optimal…