Messages et articles de Zkalpalito
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07.12.2013 - 18h50   

Candide a écrit:
Brièvement, pour conclure...

[Laborit] rit de l'analogie urbanistique qui consiste à comprendre la ville comme une cellule...

Ça je ne sais pas mais si c'est le cas je pense qu'il s'est trompé. A propos de la systémique, je te conseille un livre que j'ai mis en ligne pour toi : The Macroscope (en anglais), par Joël de Rosnay, qui est didactique et t'aidera à comprendre de façon pragmatique et cohérente que les modèles systémiques (notamment une ville) à différents niveaux d'organisation se ressemblent, avec des spécificités qui s'y rajoutent selon le degré de complexité (approche holistique).

vous pourrez être destitués par une autre équipe d'élitistes ayant suivi les mêmes règles que vous, et ce, à n'importe quel moment.

Quand je pars à la chasse, j'accepte tout aussi bien l'idée de tuer que d'être tué par un ours. C'est la logique naturelle de la vie.


Henri Laborit cite Joël de Rosnay en pointant le fait que certaines de ses systématisations sont obscures ; et nous parlions de Laborit, pas de Rosnay. Quant au fait de dire que le lien que tu indiques m' "aidera à comprendre de façon pragmatique et cohérente (...)", je te signale que tu n'es pas mon professeur, et que je ne suis pas ton élève. Je n'ai pas besoin de toi pour m'indiquer comment comprendre quelque chose, et ton attitude visant à ne pas considérer mes arguments et à glisser vers une recommandation qu'un professeur pourrait faire à son élève, me rabaisse, jette le discrédit sur moi, et s'apparente à une provocation. En outre, tu te permets d'écrire "Brièvement, pour conclure..." au début de ton message, mais celui-ci ne reprend pas les principaux problèmes du débat, n'apporte pas une lumière nouvelle sur l'ensemble du débat, et n'a en conséquence aucune légitimité à prétendre pouvoir conclure ce débat. De plus, cette attitude qui consiste à annoncer que ton message est là pour conclure le débat, alors que tu n'as pas répondu aux dernières objections et réponses, montre qu'en voulant mettre un terme à une discussion qui n'est pas réellement achevée (puisqu'un débat ne peut être déclaré conclu que par les débatteurs eux-mêmes (et non par un seul de ceux-ci)), tu as délibérément souhaité écarter mes arguments dernièrement énoncés.
Enfin, quand tu dis que quand tu "pars à la chasse, [tu] accepte[s] tout aussi bien l'idée de tuer que d'être tué par un ours", cela ne réfute aucunement ce que j'avais dit plus haut ; à savoir : que cette idée de lutter contre les maîtres du monde avec les mêmes principes qu'eux est absurde, car elle ne permettra pas de changer la réalité sociale, quoiqu'il advienne, mais ne fera que mener à une guerre des chefs. Encore une fois, cela ne permet absolument pas de réinventer la démocratie ; or là est précisément l'objet de ce topic...

À présent, à toi de voir si tu souhaites reprendre les points de mes précédents messages que tu as délibérément écartés, ou si tu souhaites que cet échange dialogique prenne fin.

07.12.2013 - 16h35   

Candide a écrit:
nous ne partageons pas le même plan. Je combats le leur avec les mêmes armes.


Et une fois que ce seront toi et ton équipe d'élitistes qui les aurez détrônés, les principes politiques et les structures économiques resteront les mêmes... Et quand bien même vous souhaiteriez en définitive acquérir un contrôle total sur le monde pour pouvoir lancer de grandes réformes philanthropiques, vous pourrez être destitués par une autre équipe d'élitistes ayant suivi les mêmes règles que vous, et ce, à n'importe quel moment. Donc : ce que tu soutiens est absurde et inopérant.

07.12.2013 - 16h23   

Candide a écrit:
l'évolution de la complexité des systèmes passe par une plus grande spécialisation de ses éléments. Cette spécialisation permet de focaliser des fonctions précises et inhérentes aux aptitudes, et par corollaire, de commander sur un plan plus ou moins vaste. Il s'agit là, dans le processus sociopolitique, de la même chose et ce à quoi nous devons tendre. Et la démocratie directe irait à l'encontre de ce principe fondamental de l'évolution systémique.


Les hommes ne sont pas de simples supports matériels qui reçoivent de l'information du dehors, les hommes créent de l'information, les hommes pensent. L'analogie entre les niveaux d'organisation de la matière et la structure politique d'une société s'arrête donc ici. De plus, Henri Laborit valorise l'imagination et promeut le fait que chaque individu puisse apporter de l'information à la société et à l'espèce. Il critique aussi le système capitaliste qui réduit les individus à leurs tâches dans le processus de production (ce qui véhicule l'aliénation...). Ma lecture d'Henri Laborit date d'il y a déjà quelques années, mais si je me souviens avoir lu chez lui des passages parfois très ironiques, je n'ai en revanche strictement aucun souvenir d'un mépris pour les individus constituant la masse, et encore moins une justification quelconque d'un système humain de dominance, d'une hiérarchie... Ta lecture me semble être une interprétation néolibérale d'Henri Laborit, une interprétation qu'en font certainement les dirigeants qui l'ont lu. Mais cette interprétation ne me paraît pas être autre chose qu'un travestissement pur et simple, en vue de justifier toujours la même idéologie : darwinisme social, droit du plus fort, adaptabilité économique, mépris des masses, néolibéralisme, etc.

Candide a écrit: Si la masse est les muscles du corps social qu'on contrôle dans une direction déterminée et fanatique, les assemblées populaires seraient les nerfs de l'information jusqu'au cerveau.


Jusqu'au cerveau ? Nous sommes tous humains. Nous avons tous un cerveau. Ce que tu appelles "le cerveau" n'est rien d'autre qu'une bande d'oligarques accompagnés d'usurpateurs de la souveraineté populaire. Ces gens n'ont aucune légitimité à commander aux hommes.
En outre, sais-tu qu'il y a un passage où H. Laborit se moque des limites de la pensée analogique ? Il y rit de l'analogie urbanistique qui consiste à comprendre la ville comme une cellule... C'est donc bien que Laborit reconnaît les lois spécifiques du social, bien que le social soit inclus dans un niveau d'organisation naturel plus grand. Henri Laborit n'écarte pas la sociologie et les principes politiques d'un revers de la manche en disant que tout est biologique... Sa pensée n'est pas un réductionnisme futile à l'usage des milliardaires.

Candide a écrit: Une majorité de sots, qui s'accommode bien d'une certaine finesse paysanne et n'ayant rien en commun avec la puissance d'esprit d'un Périclès, ne peut jamais remplacer un homme supérieur de par sa compétence dévouée et sa pleine responsabilité.


Qui t'a parlé de "remplacer" un esprit humain fructueux ? Dans une démocratie authentique, il participerait au processus de décision en apportant ses connaissances et en donnant son point de vue, comme un autre homme. Quant au reste de ton paragraphe, je ne vois même pas pourquoi je devrais le commenter ou le réfuter, puisqu'il ne contient aucun argument et est presque tout entier fait d'un mépris inouï qui frôle la limite de l'insulte, voire de la haine.

Candide a écrit: Ainsi, la force qui a déclenché les grandes avalanches historiques dans le domaine social et politique fut, de temps immémorial, la puissance magnétique de la parole, par un fanatisme animateur


Il y a une part d'irrationnel, mais il y a aussi une part de perception rationnelle de la possibilité de transformer sa vie et de se libérer. Ramener l'origine de tout mouvement historique à un "fanatisme animateur" est croire que les masses sont une variable d'ajustement historique qui ne se met en mouvement que par stimulation de ses sens. Or, les individus ne sont pas des bêtes. Ils ont une sensibilité, mais aussi une raison. Et croire que la masse ne se met en mouvement, dans l'histoire, que parce qu'elle est galvanisée par la folie d'une cause qu'elle défend sans y avoir réfléchi, est nier la capacité rationnelle de l'action collective massive. C'est presque une insulte envers tous les peuples du monde. Et crois-tu donc ainsi que les peuples Indiens d'Amazonie qui se battent pour leur survie ne soient que des imbéciles galvanisés par un fanatisme animateur ? Ne crois-tu pas plutôt qu'ils ont réfléchi à leur condition, et qu'ils ont rationnellement décidé de se mettre en mouvement ?

Candide a écrit: Quiconque veut convaincre la masse doit trouver la clé qui ouvre la porte de son coeur. Ici l'objectivité est une faiblesse, la volonté est la force.


Je cherche à ce que les individus, les peuples, les communautés humaines, puissent s'émanciper, s'organiser pour défendre leur vie et pour mettre en échec le système destructeur qui nous domine. Je ne cherche pas à trouver une clef qui me pourrait permettre de mener le peuple vers telle ou telle direction. La manipulation des masses ne saurait être, pour moi, ni un objectif, ni même un moyen (en effet, je ne suis pas un fasciste).

07.12.2013 - 05h42   

Ah ah ! Excellent ! Mais qui est l'artiste qui a eu cette idée ?

07.12.2013 - 04h07   

Est bien candide celui qui croit pouvoir assumer la semence de la graine sans assumer la croissance de la plante...

07.12.2013 - 02h49   

Personne ne peut nier que Mandela a beaucoup souffert dans sa lutte. Mais au bout du tunnel, il a lâché et a accepté la compromission, en laissant toutes les richesses du pays aux mains des mêmes exploiteurs que sous l'apartheid. S'il avait rendu les richesses et le pouvoir à son peuple, il aurait probablement été écarté très rapidement, assassiné. En le libérant, en cessant de le traiter de terroriste, le véritable pouvoir lui a mis la main dessus plus intelligemment, et s'est servi de son image pour acheter la paix sociale, tout en maintenant la même exploitation économique, la même inégalité, la même survie dans les townships... Aujourd'hui, les agents du système le saluent tous en coeur. Sinistre spectacle sans surprise d'une récupération minutieusement orchestrée, et de longue date annoncée... c'est un peu comme si Guy Debord avait écrit le scénario dans les années 1960...

07.12.2013 - 01h03   

Candide a écrit:
c'est comme si on envisageait ça de la même façon que l'homme prenne connaissance de l'attraction terrestre, et puisse tenter de nier ses lois pour s'envoler dans l'espace. Ça serait impossible.


Quoi ? On n'a jamais envoyé de satellites ou de fusées dans l'espace ?
Plus sérieusement, il ne s'agit pas de nier les lois naturelles, mais de les connaître, afin de mieux appréhender le réel, de comprendre son fonctionnement, et d'y réaliser des intentions.

Candide a écrit: je faisais plutôt référence aux Lumières.


Sauf que nous ne sommes plus au XVIII° siècle, et que l'idéal d'égalité a été, depuis, porté par moult mouvements populaires dont les revendications concrètes étaient loin d'être des rêveries bourgeoises de salons de thé.

Candide a écrit: Penser l'égalité absolue entre les hommes, y compris politique, ça revient à ce qu'un métallurgiste tente de fusionner de l'or, du cuivre, du fer et du plomb ensemble. Ça n'aboutira à jamais rien d'homogène.


Cette analogie ne tient pas, parce que la diversité des hommes est culturelle, spirituelle, et que la comparer à la diversité des métaux ne permet pas d'affirmer que certains devraient avoir le pouvoir de décider pour la communauté des hommes, tandis que d'autres pas. Les métaux obéissent aux lois naturelles, ce ne sont pas des êtres moraux, et ils ne prennent pas de décision. De plus, évidemment que l'égalité absolue n'existe pas, et que certains sont plus grands que d'autres ou plus rapides que d'autres, mais dans les règles de société, force ne fait pas loi, et ce n'est pas en vertu d'une puissance qu'un homme particulier devrait commander à d'autres. En outre, je ne peux qu'attirer ton attention sur le fait particulièrement évident que sans égalité économique et politique, la liberté humaine est entravée. Xo a posté un lien dans le "Crachoir", vers une lettre d'un Sud-Africain à Nelson Mandela. Voici la question que j'y relève et que je reprends à mon compte pour te l'adresser : "Êtes-vous conscient que la liberté politique sans émancipation économique est vide de sens ?"...

Candide a écrit: Personnellement, j'ai compris sa conclusion comme le fait d'échafauder une structure hiérarchique plus juste et rationnelle.


Henri Laborit espérait au contraire dépasser ce genre de structures. De plus, quand il parle des hiérarchies, qu'elles soient capitalistes occidentales, ou bureaucratiques de l'ancien bloc de l'Est, il utilise un ton assez sarcastique qui fait assez vite comprendre au lecteur la considération qu'il a pour ce genre de forme d'organisation sociale.

Candide a écrit: J'ai géré une page de plusieurs dizaines de milliers de participants, et je dirais que seulement 5 à 10% des individus savaient réfléchir et communiquer leurs idées de façon intelligible, construite et cohérente.


Facebook veut dire "livre des visages". Facebook est une mise à distance des relations sociales, c'est un medium qui invite à partager du contenu assez rapidement, et pour ce qui est des groupes politiques de facebook, les gens s'y comportent comme lorsqu'ils postent des commentaires sur les photos de leurs contacts. La discussion façon fast-food, les commentaires façon fast-food, ou, si tu préfères, la discussion façon facebook, les commentaires façon facebook, les relations sociales façon facebook, appellent à un débat qui est, lui aussi, façonné par facebook. Même si tu crées une page sérieuse de discussion politique sur facebook, ça reste une page facebook, et les gens sont là pour partager du contenu assez rapidement, pas pour écrire des articles dans la Revue de métaphysique et de morale. Et de plus, l'environnement intellectuel que la société offre à ses enfants est très loin de les pousser à aiguiser leur esprit critique. Or, les enfants sont très influençables et constituent la future population active et électorale. Donc, les dés sont pipés, et ta critique de la possibilité, pour les peuples, de décider par eux-mêmes, est très largement biaisée, de mauvaise foi, et, en un mot, irrecevable.

Candide a écrit: Question de choix conscient, toujours.


Pour que chacun puisse réellement avoir le choix, il faudrait déjà que chacun dispose d'une information suffisante. Et nous ne sommes pas que des êtres de choix. Nous subissons aussi des déterminations extérieures. Et ces déterminations extérieures entravent notre liberté. Une fois que nous nous sommes défaits de ces déterminations extérieures, nous nous rendons compte que nous n'étions pas pleinement en mesure de peser le pour et le contre, pas pleinement en mesure d'user de notre liberté, et donc de choisir. Dans beaucoup de mouvements de révolte, l'éducation populaire joue un rôle primordial, en instruisant la jeunesse, pour qu'elle prenne conscience de sa condition, de ses possibilités, de ses responsabilités. La révolution, dans son sens politique, ne saurait avoir lieu sans qu'un sentiment d'injustice se mêle à un effort de compréhension et de transformation de la réalité. Ça n'a rien d'utopique. C'est la seule façon dont les peuples et les minorités ont pu lutter à travers l'histoire.

Candide a écrit: Diogène de Sinope faisait partie de la quintessence de l'esprit de son époque, sans être placé haut dans la hiérarchie, au contraire.


Bien sûr. Il n'avait aucun rôle politique. Sa pensée peut être appropriée par l'ensemble du genre humain. Il ne s'est jamais servi de ses connaissances pour avoir un statut social particulier. Il a refusé l'élite, mais il était d'avant-garde.

Candide a écrit: Je sais pas si tu as déjà eu le privilège de soumettre, de vaincre, d'arracher le dû remporté et de piétiner les visages conchiés de la défaite, mais pour ma part cela m'a valu une libération délicieuse de dopamine qui a succédé à la brutalité du duel. On se sent subitement et férocement vivre.


Je n'ai pas besoin d'écraser les autres pour me sentir vivre, je ne suis pas un psychopathe. Cette libération de dopamine est aussi possible en pratiquant un sport dans lequel on respecte l'autre sans le soumettre. C'est même possible en pratiquant un sport en solitaire. Les sensations, extrêmes ou non, qui nous font nous sentir vivre n'impliquent pas nécessairement une victoire sur autrui. Je dirais même plutôt qu'il s'agit en fait d'une victoire sur soi-même, d'un dépassement de soi.

Candide a écrit: la société moderne a perdu de vue, à tort, et à cause du règne du politiquement correct, la galvanisation sacrée de l'esprit guerrier, le crépitement ardent du combat qui sauvegardera les forts au détriment des faibles, qui n'auront de droit de vie qu'à leur allégeance.


Être courageux et être prêt à se battre pour défendre ce que l'on estime être juste n'implique pas nécessairement de pointer du doigt un ennemi à piétiner. Et si les faibles n'ont le droit de vivre qu'en faisant allégeance aux forts, cela veut dire que force fait droit : ce qui nous mène sur le chemin de l'absurdité. En effet, aucun homme n'est égal à un autre en puissance. Par conséquent, même parmi les forts, étant donné que force fait loi, certains hommes voudront imposer leur force aux autres, et les soumettre (ce qui sera considéré comme étant dans l'ordre des choses, étant donné que force fait loi...). Mais comme il ne s'en trouvera jamais un dont la puissance soit suffisamment importante pour lui permettre de ne pas être à son tour soumis à un autre, cela mène irrémédiablement à un état de guerre dans lequel le développement de la sociabilité et de la culture n'est pas possible. C'est précisément cet état de guerre que Thomas Hobbes identifie dans le Léviathan. Rousseau, quant à lui, dans le Contrat social, montre que la force n'a rien à faire dans les principes du droit politique ; il montre que force et loi sont opposées, et que l'expression "droit du plus fort" n'a strictement aucun sens.

Candide a écrit: Ça fait plusieurs millénaires que ça n'a pas changé, "le pain et les jeux" ont simplement changé de forme.


Je me permets de te signaler que l'alphabétisation des populations est un fait relativement récent dans l'histoire de l'humanité. Je me permets aussi de te signaler que, durant ces millénaires, il y eut tout de même quelques événements comme l'invention de l'imprimerie, la généralisation de la lecture, qui ont sans doute permis au peuple d'en venir à une démystification de l'ordre établi. Cette prise de conscience a débouché sur moult révoltes, en des époques bien différentes les unes des autres. Cependant, les peuples révoltés furent nombreux à périr face à la réaction des tenants de l'ordre du monde, ce n'est un secret pour personne. Les peuples terrorisés par les pouvoirs royaux, par les empires, les pouvoirs religieux, etc., se sont pliés face à la force qui était employée contre eux. Selon l'adage populaire : On ne peut pas forcer un poule à pondre, mais l'on peut forcer un homme à nous donner ses oeufs.
En outre, l'alphabétisation et la généralisation de l'Internet étant des phénomènes encore relativement récents dans l'histoire de l'humanité, je crois qu'il serait bien hâtif de définitivement fixer sur le peuple l'étiquette de variable d'ajustement servile. Ne sous-estimons jamais les peuples. Les peuples peuvent toujours nous surprendre.

Candide a écrit: Mais c'est sûr que dans un des sanctuaires de la théorie du complot, tenter d'aborder le manque de responsabilisation du peuple n'aboutira qu'à ne se voir être jugé dans l'erreur.


Sanctuaire de la théorie du complot, ici ?

Candide a écrit: j'adhère à leurs principes, mais pas à leur plan. Je ne suis pas un capitaliste, désolé


C'est pourtant de ces principes que découlent les applications pratiques pour lesquelles ce plan est prévu. Ici, c'est un peu comme si tu me disais que tu es pour les OGM dans les champs, mais que tu es contre la contamination (alors qu'en pratique la contamination est quasiment inévitable, cf. le documentaire Le monde selon Monsanto).

Candide a écrit: Laborit a bien démontré que le rat comme l'homme ont des types de comportements semblables et invariants comme au reste de la population mammifère, soit :

- Le maintien de l'homéostasie grâce à l'action gratifiante (qui aura vocation à être répétée) dans un espace approprié.
- La fuite, en situation de danger pour la structure biologique.
- Si la fuite n'est pas, ou ne peut pas être effectuée : la lutte (compétition).
- Si l'action, ni la fuite, ni la lutte ne sont, ou ne peuvent pas être effectuées : l'inhibition de l'action.

Ce qui est singulier à l'homme et qui déguisent ces grands comportements, ce sont des facultés de création, d'imagination, et d'abstraction en général, grâce à son cortex associatif surdéveloppé par rapport au reste du monde animal.


Justement : l'imagination, la création artistique, l'abstraction... sont des activités qui peuvent être réalisées en groupe. Il est donc possible d'avoir une sociabilité dans laquelle on n'utilise pas son système nerveux pour dominer l'autre. L'action gratifiante qui permet l'homéostasie n'a pas besoin d'un cadre dominant/dominé pour être effectuée. Voilà pourquoi Henri Laborit permet de penser la possibilité d'un espace politique sans coercition (ce en quoi il se rapproche, à mon avis, de l'anthropologue Pierre Clastres).

06.12.2013 - 17h00   

Candide a écrit: Tout intellectuel qui persiste à mâchonner ses interprétations ou ses espoirs égalitaires, ou autre invention culturelle issue des salons de thé bourgeois


Quel mépris... Ça te ferait si mal qu'un penseur de l'égalité puisse avoir raison, alors tout ce que tu trouves à dire, c'est que sa pensée est issue des "salons de thé bourgeois" ? Je trouve ça vraiment idiot. Et quant à mes concepts, je ne les ai pas trouvés et affûtés dans les "salons de thé bourgeois". En ce qui me concerne, j'ai toujours vécu dans des HLM de banlieue.

Candide a écrit: Laborit est aussi un de mes maîtres à penser et tu dois donc bien savoir que les hiérarchies de dominances ont toujours existé et succèdent à d'autres hiérarchies de dominances.


Et n'as-tu jamais perçu que l'espoir d'Henri Laborit résulte en cette possibilité : Que l'homme comprenne son système nerveux et qu'il l'utilise pour faire autre chose que pour dominer l'autre ? C'est même ce sur quoi Alain Resnais a voulu insister en conclusion de Mon oncle d'Amérique.

Candide a écrit: Le "cadre facebookien" permet le même type de débat que dans une assemblée que je sache. Question de choix individuel, pas de cadre.


Vraiment ? Tu ne crois absolument pas qu'il y a une forme de solidarité entre le message et son cadre ? Tu ne crois pas que la forme de facebook est précisément faite pour autre chose que pour creuser intellectuellement ? Je te conseille alors de jeter un coup d'oeil ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_message,_c%27est_le_m%C3%A9dium

Candide a écrit: Cette masse d'esprits myopes, (...) n'est utile qu'à sa présence démographique, aux corvées ouvrières (...). Elle est les roues du véhicule, les muscles du corps social, la hampe de la lance.


On dirait Nicholas Rockefeller, s'adressant à Aaron Russo, et lui disant : "Ce sont des serfs !"

Candide a écrit: C'est absurde parce que tu as mal compris ce que j'ai écrit. J'ai parlé d'une élite intellectuelle, et pas d'une élite sociale. Un pauvre peut parfaitement faire partie d'une élite intellectuelle.


Non. Un pauvre peut être d'avant-garde, et si ce qu'il apporte à l'espèce lui rapporte beaucoup d'argent, il pourra peut-être rejoindre l'élite. Autrement, un pauvre d'avant-garde qui ne se fait pas d'argent ne peut pas rejoindre l'élite. Ce que tu sembles ici oublier, en effet, c'est que l'élite constitue un groupe social distinct ; de ses connaissances, elle tire une domination politique. C'est la différence entre être élitiste, et être d'avant-garde...

Candide a écrit: [mon discours] est aussi essentialiste qu'à l'observation d'une ruche, d'une fourmilière ou d'une meute de canidés / primates. Pourquoi en serait-il au fond si différent, chez nous, éminents représentants du genre Homo, en ayant simplement une couche de cortex plus développée ?


Sauf que chaque espèce a sa singularité, et que le social, fait d'êtres humains, vivants, est sous-tendu par le biologique, mais a tout de même sa spécificité. Il y a des lois sociales dont la biologie ne rend pas compte. Et, par exemple, Laborit n'a jamais dit que l'homme était comme un rat dans une cage... Encore une fois : l'espèce humaine a sa spécificité. Et les analogies ont leurs limites. D'ailleurs H. Laborit critique la pensée par analogie, dans La nouvelle grille, il me semble, mais je ne pourrais pas être plus précis puisque j'ai prêté ce livre à un ami.

Candide a écrit: j'ai lu la page, mais être lecteur n'est pas synonyme de partisan absolu


Tout de même ! Comment peut-on accuser les masses d'être apathiques, irraisonnées, etc., sans prendre en compte le fait que des procédés d' "abêtisation" ont délibérément et stratégiquement été mis oeuvre ?

Candide a écrit: Le sublime est dans la lutte pour la domination et le jeu prédatif.


Faux. Tu y vois du sublime. Ça ne veut pas dire que le sublime est dans la chose elle-même.

De plus, le fait de ne pas reconnaître la spécificité, la singularité du genre humain (ce qui ne veut pas dire que je dévalue les autres espèces par pensée spéciste), et de soumettre celui-ci au principe de prédation, est exactement le type de pensée des "maîtres du monde". Le système capitaliste est lui-même un prédateur, alors tu devrais être satisfait de l'état du monde ? Et en général, les élitistes qui méprisent les masses, et qui déterminent presque l'intégralité du social par le biologique, méprisent profondément la démocratie (l'exemple le plus symptomatique de ce type de pensée : F. W. Nietzsche) ; alors je ne vois pas bien ce que tu viens faire dans un topic qui a pour but de "réinventer la démocratie", alors que toute ton idéologie de prédation et de domination, est fondamentalement anti-démocratique.

En fin de compte, ce qui est décrit sur cette page...

http://www.syti.net/IdeologieMdM.html

... ne peut que t'aller comme un gant !

Ton idéologie, est l'idéologie des maîtres du monde...



... et tu voudras bien m'excuser, de ne pas la partager !

06.12.2013 - 00h06   

Candide a écrit:
les connaissances abstraites de haut-niveau ne peuvent être apprivoisées et utilisées que par une élite intellectuelle


Qu'est-ce qui te fait dire ça ? Et pourquoi le peuple ne pourrait-il s'en saisir ? Est-ce génétiquement déterminé peut-être ?
Sérieusement, c'est absurde d'affirmer une chose pareille. Ça revient à dire qu'un individu, suivant sa condition sociale, est prédéterminé à ne pas pouvoir acquérir une connaissance abstraite dite de haut niveau ? Franchement, ce genre de pensée est d'un fatalisme qui rappelle l'anthropologie colonialiste du XIX° siècle, cette anthropologie qui justifiait la colonisation en affirmant que les sauvages étaient incapables de se doter d'une société ou d'une civilisation véritable... Tant qu'on y est, puisque l'immense majorité des individus est prédéterminée à ne pas pouvoir "apprivoiser" les "connaissances abstraites de haut niveau" (incapacité qui suppose la détermination d'une essence), on pourrait même se demander, comme les théologiens espagnols à Valladolid au XVI° siècle, si les Indiens sont véritablement des hommes ! J'exagère, évidemment, et je ne suis pas en train de te traiter de raciste, pas du tout. Seulement, ton discours relève d'un essentialisme suivant lequel une démocratie véritable ne saurait voir le jour, tout simplement parce que le peuple est "con" (tu as écrit tout à l'heure "con-citoyens"...), et c'est cela que je trouve déplorable. L'instruction demande du temps. La formation du sens critique, l'acquisition de connaissances demandent du temps. La bonne forme à donner à un mouvement d'émancipation du genre humain demande elle aussi du temps pour être trouvée. Mais si l'on n'essaye pas au prétexte que le peuple n'en est de toute façon pas capable, eh bien, c'est tout simplement mépriser l'humanité au profit d'un fonctionnement élitiste, alors même que cette élite fait partie de l'humanité, et qu'elle n'est à sa place que parce qu'elle a bénéficié de conditions, de relations que nous n'avons pas, ainsi que d'une place au sein du système que très peu ont.
Tout cela n'a rien d'inéluctable. L'être humain a une histoire, y réalise des choses, et n'est pas condamné à endurer l'injustice pour l'éternité.

Candide a écrit: L'élitisme s'érige donc naturellement


Sorte de pensée darwiniste sociale, socio-biologique, qui nie la spécificité du social, et notamment le fait que, si nous sommes des êtres vivants et que les lois biologiques rendent comptent d'une bonne part de notre expérience, il y a aussi, dans le social, des dynamiques proprement politiques dont la biologie ne rend pas compte. En tant que lecteur de H. Laborit, mais aussi de P. Bourdieu, je me dois bien de faire la part des choses...

Candide a écrit: C'est en observant le peuple participer sur des pages populaires de Facebook que j'ai appris à devenir anti-démocrate.


Le cadre facebookien n'incite pas les individus à réfléchir, mais à alimenter une plateforme en partageant du contenu insignifiant. Ceux qui y partagent un contenu politique jouent à celui qui aura le dernier mot... mais le cadre facebookien est de toute façon vain en lui-même, et les discussions sérieuses n'ont pas lieu sur facebook.
Les individus, mis face à leur propre responsabilité, mis face à leurs propres choix, dans une assemblée où ils doivent s'organiser pour prendre une décision, et ce, après avoir été complètement informés de ce à propos de quoi il s'agit de délibérer, ne se comporteront pas comme sur facebook, c'est certain.

Candide a écrit: Sauf que dans une société capitaliste, il n'y a pas grand chose à en tirer de la reconnaissance sociale.


On parle de réinventer la démocratie. Or, dans le capitalisme, les forces économiques imposent, en bonne partie, leurs lois. Le commandement n'émane pas du peuple. Ce n'est donc pas démocratique. Si nous voulons réinventer la démocratie et essayer d'imaginer comment elle pourrait être réalisée, il faut dépasser le cadre capitalistique de compréhension du monde. Le capitalisme n'est pas soluble dans la démocratie.

Candide a écrit: C'est la forme de la duperie qui doit être changé, pas le principe de fond...


Tu veux maintenir un système que tu identifies toi-même comme étant un jeu de dupes, juste en en changeant un peu la forme ? Rentre à Sciences po, tu es assez cynique, au sens contemporain du terme, pour réussir.

Candide a écrit: Combien de livres d'occasion ai-je vu sur Amazon ou sur les marchés à des prix dérisoires, dans les débarras ou les armoires poussiéreuses ?


Le problème ne se limite pas à ça. Une culture comme res communis permettrait à chacun d'accéder à bien plus qu'à des livres, c'est-à-dire aussi à des connaissances pratiques, ou, si tu préfères, à des compétences. La division du travail soumet les individus au salariat généralisé et les rend dépendants d'une société de consommation polluante et inéconomique, dans le sens où le principe d'économie consiste, en définitive, à satisfaire les besoins de l'humanité avec un déploiement d'énergie minimal et un usage de matière minimal. Aujourd'hui, nous sommes la civilisation la plus dépensière de l'histoire, mais aussi celle qui gaspille et pollue le plus, et qui continue à cultiver les inégalités malgré des crises de surproduction. Ça doit cesser.

Candide a écrit: je constate un manque flagrant de responsabilisation du côté du peuple


Mince alors ! Je croyais que tu étais un lecteur de Syti.net, toi aussi ?
L'abêtissement des masses, la baisse de leur niveau d'énergie, le fait de tenir les individus occupés et loin des problèmes... Réduire les individus à cet état de servitude moderne est stratégique. N'as-tu jamais lu cette page ? http://www.syti.net/Targets.html

Oui la facilité nous pousse à être des consommateurs stupides, oui nous avons été bernés... mais ce n'est pas pour cela que l'on ne peut pas se réveiller.

05.12.2013 - 19h50   

Candide a écrit: le leader émerge pour apporter une clarté, une coordination pertinente, une vision lointaine et prédictive, une opiniâtreté dans l'exécution...


Nos différentes connaissances et compétences nous permettent d'éclairer les autres, les connaissances et les compétences des autres nous permettent d'être éclairés. La tâche d'être d'avant-garde est assumée par tous suivant leurs capacités. Et ce n'est pas parce que "le leader émerge" qu'il se devrait voir attribué un statut social particulier ou des privilèges... Il y a une différence entre le fait d'être d'avant-garde et le fait d'être élitiste... L'élitisme favorise le cloisonnement d'un certain type de connaissances et de compétences, restreignant le commandement à un groupe social minoritaire. Le fait d'être d'avant-garde, au contraire, mais sans constituer une avant-garde militaire ou politique sur le mode léniniste, est le fait d'apporter quelque chose qui tire la société vers des possibilités nouvelles. Un inventeur, un technicien, un penseur, un artiste, peuvent être d'avant-garde par leurs innovations, leurs créations. Cela ne saurait aucunement leur conférer un statut politique ou social particulier. Leurs innovations, leurs créations n'ont d'ailleurs de sens que si elles sont connues de l'ensemble de la société. À partir du moment où l'on introduit dans l'espèce une information nouvelle qui ouvre à l'espèce de nouvelles possibilités, on est d'avant-garde. À partir du moment où l'on restreint l'accès aux connaissances qui permettent cette innovation, et que l'on se ligue avec d'autres qui ont le même niveau de connaissance que nous, afin de garder le contrôle social que la possession de notre technique ou de notre connaissance nous permet, on devient élitiste. Voyez-vous la différence ? J'ai choisi mon camp depuis longtemps. Les étudiants de sciences po ou de polytechnique choisissent le camp opposé au mien. Le camp qui se délecte de réduire l'humanité en servitude et de détruire la nature.

05.12.2013 - 19h07   

Candide a écrit:
Il faut des représentants qui synthétisent et portent au mieux les constats et les volontés du peuple, même si ce n'est jamais parfait.


Tu ne prends pas en compte le fait que toute société a une échelle. La démocratie ne peut fonctionner que si le commandement vient réellement du peuple, ce qui ne peut être réalisé qu'à une certaine échelle. Ce n'est pas parce qu'une décision concerne des millions de personnes qu'elle doit être laissée à des représentants spécialisés. Dans le cas de décisions prises au nom d'une fédération, quelle que soit sa taille, il faut et il suffit que chaque commune (l'unité topique de toute prise de décision politique) adopte une position et mandate un ou plusieurs individus pour défendre cette position au sein de la fédération. Les mandatés retranscrivent, présentent le point de vue de l'assemblée qu'ils représentent. Ils ne font ni plus ni moins (ce ne sont pas eux qui ont le pouvoir, mais le peuple, contrairement au système actuel où les élus se permettent de prendre des décisions qui ne figurent même pas dans leur programme électoral, et pour lesquelles ils n'ont, par conséquent, pas été mandatés ; ce qui veut dire que ces décisions sont absolument illéfgitimes, d'un point de vue strictement démocratique). Après une première coordination fédérale, les mandatés font redescendre le contenu des débats dans l'assemblée de leur commune, qui mandate à nouveau un ou des représentants pour exposer la position de la commune dans l'évolution des débats. Au passage, les mandatés qui auraient outrepassé leur mandat en exposant en coordination fédérale des positions qui ne sont pas celles pour lesquelles l'assemblée les avait mandatés, sont révoqués et exclus de la possibilité d'être mandatés, jusqu'à nouvel ordre, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'ils soient réhabilités par l'assemblée.

Candide a écrit: On ne peut pas gérer les affaires politiques à la façon des comptoirs de buvette sous peine de subir des nuées d'absurdité. Ces affaires ne devraient appartenir qu'aux hommes d'aptitudes élevées et persévérant dans leur instruction, comme toi, qui sont minoritaires.


C'est une conception absolument anti-démocratique de la politique. Ici, il est question de réinventer la démocratie, c'est-à-dire de faire en sorte que ce concept soit pleinement opérant, que cette Idée exprime sa réalité dans la société. Une révolution, un combat pour la justice, tel que je l'entends, ne saurait se faire sans quelques souffrances ou sans quelques erreurs. Mais je préfère choisir de défendre la liberté, quitte à perdre une part de confort et de sécurité, plutôt que de cautionner un système que ma raison, mon coeur et ma conscience, jugent absolument non seulement illégitime, mais destructeur et irrespectueux envers l'homme et la nature. De plus, si toute démocratie réelle comporte son lot de défauts, toute "démocratie" représentative, ou toute technocratie, tyrannie, monarchie, théocratie, etc., comportent aussi le leur. À la différence qu'une démocratie réelle ne prétend pas être autre chose que le pouvoir mis au mains du peuple lui-même. À la différence qu'une démocratie réelle propose de laisser l'homme libre de ses choix, et qu'elle permettrait de balayer cet empire de servitude en lequel l'homme est réduit à servir un ordre du monde qu'il n'a pas choisi.

Candide a écrit: L'unanimité exprimée est dysfonctionnelle. Pourquoi ?


Elle est dysfonctionnelle ? Pas plus qu'autre chose. Il faudrait déjà savoir ce que tu entends par "fonctionnel". Parce que si cette "démocratie" représentative te paraît "fonctionnelle"...
Évidemment qu'il y a une aisance rhétorique qui permet parfois aux plus anciens, ou autres, de tirer les choses dans le sens qu'ils ont choisi... Mais cela n'est aucunement une fatalité. Si cela arrive aujourd'hui, c'est à cause d'une différence de capital culturel (cf. P. Bourdieu). Dans un système réellement démocratique, il s'agirait de mettre hors-jeu la marchandisation de la connaissance, de sorte que la société présente l'ensemble des connaissances en tant que culture comme 'res communis', comme chose commune et partagée par tous. Il faut mettre à disposition de tous toutes les données qui permettent de construire son sens critique et sa culture, comme Ivan Illich l'a parfaitement expliqué. Si cela était fait, les débats à géométrie variable ne pourraient que disparaître.

Candide a écrit: En sachant que le cerveau humain agit pour la récompense, un système purement égalitaire ne risque t-il pas de brider les motivations, et par corollaire, d'être contre-évolutif ?


La récompense peut parfaitement ne pas être monétaire et ne pas impliquer de système de domination. La récompense peut simplement être la reconnaissance sociale ou la reconnaissance par ses pairs (spécialistes de tel ou tel autre domaine), voire même la satisfaction personnelle d'avoir accompli quelque chose (personnellement je suis davantage motivé par cela que par l'argent).
Comment expliques-tu, sinon, l'existence de quelque chose comme la technologie en 'open source' ? C'est bien la preuve que la carotte monétaire n'est pas le seul moteur de l'innovation. Et d'ailleurs, la carotte monétaire pousse les humains à faire tout et n'importe quoi. Cela a abouti à prostituer, à corrompre la science, ainsi qu'une bonne partie de la création artistique. Alors oui, je persiste dans le refus de cette logique capitaliste.

À ce propos, j'invite à méditer à nouveau ceci : "Je peux me rappeler l'époque où les bisons étaient si nombreux qu'on ne pouvait les compter, mais les Wasichus (hommes blancs) les ont tués tant et tant qu'il ne reste que des carcasses là où ils venaient paître auparavant. Les Wasichus ne les tuaient pas pour manger; ils les tuaient pour le métal qui les rend fous et ils ne gardaient que la peau pour la vendre. Parfois ils ne les dépeçaient même pas. Ils ne prenaient que les langues et j'ai entendu parler de bateaux-de-feu descendant le Missouri chargés de langues de bison séchées. Parfois ils ne prenaient même pas les langues; ils les tuaient simplement pour le plaisir de tuer. Ceux qui ont fait cela étaient des fous. Quand nous chassions le bison, nous ne le faisions que selon nos besoins."

Hehaka Sapa, grand chef Sioux

Voir ici : http://www.syti.net/MessageIndiens.html

Candide a écrit: Ce qui est indécent, ce n'est pas la disparité économique en tant que telle, mais les proportions que prennent ces disparités


En ne s'attaquant pas à la racine du malheur, on laisse son arbre de mauvais augure refleurir...

05.12.2013 - 03h13   

Françouis a écrit:
« Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n'ont pas de volonté particulière à imposer. S'ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n'est pas une démocratie (et la France ne saurait l'être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. »
Abbé Sieyes (Discours du 7 septembre 1789)

Tout est dit...


Il est à présent évident que la représentation éloigne les individus de toute politique et que, comme nous ne sommes pas en démocratie, alors même que nous avons grandi avec cette fable en arrière-plan de notre conscience politique, cette fable qui servait à nous tenir en respect et à légitimer à nos yeux l'ordre établi, ce système politique n'a strictement aucune légitimité à perdurer.

Réinventer la démocratie ne pourra pas être fait en collaboration avec ce système. Réinventer la démocratie est une pratique révolutionnaire, présente des les mouvements de contestation et dans les lieux alternatifs en rupture avec ce que G. Debord appelle la société spectaculaire-marchande(1).

Quant à savoir comment une démocratie réelle, donc directe, doit fonctionner, cela est encore à discuter.

Je vais tenter ici de donner quelques éléments qui sont, pour moi, fondamentaux.

Ce que je propose comme mode de fonctionnement : Tout individu concerné par une prise de décision est invité à participer à une assemblée, qui considère le problème pour lequel une décision doit être prise. Le problème est examiné et une décision est prise à l'unanimité exprimée. Chacun est invité à exprimer son point de vue, de sorte que tout le monde soit entendu et que la décision soit portée par chacun, et qu'elle puisse être perçue comme émanant de ce que l'anthropologue Pierre Clastres appelle le "Nous indivisé"(2), et non de l'intérêt particulier d'un groupe social défini. Il faut que chacun soit impliqué par les décisions prises par l'assemblée.

Il nous faut aussi considérer que la liberté n'est pas possible sans l'égalité économique, politique et sociale. Par conséquent : les droits de chacun sont les mêmes, les privilèges sont abolis, il n'y a plus de résident dans le palais de l'Élysée, plus d'immunité parlementaire... et les entreprises sont organisées par les individus eux-mêmes. Cependant, bien que l'entreprise autogérée puisse être une forme démocratique de l'économie, elle n'en reste pas moins une forme aliénée de la vie quotidienne. En effet, le fait de rester lié aux logiques marchandes ne participe pas à l'émancipation des individus. Par conséquent, on privilégiera, au maximum, et partout où cela est possible, un abandon, une abolition du système d'entrepreneuriat capitalise, en statuant que, pour tout individu membre d'une commune (l'unité topique de prise de décision), le droit à la vie est assuré. La démocratie véritable n'est pas soluble dans ce système destructeur qu'est le capitalisme. Le statut de chef d'entreprise est par conséquent aboli. Les compétences de chacun sont mises à contribution suivant les besoins de la commune en question, voire de la fédération libre de communes à laquelle la commune en question appartient. En pratique, quelqu'un qui a été chef d'entreprise toute sa vie, et qui souhaite participer à la vie d'une commune libre, plutôt que de fuir dans le monde capitaliste, peut très bien apporter ses compétences logistiques, ses compétences d'organisation, etc., sans pour autant avoir un statut différent de celui des autres individus. Il s'agit en fait de mettre en place une libre association de communes, lesquelles, liées entre elles, constitueraient une sorte de réseau de lieux sans propriétaires, comme cela est expérimenté à Jansiac, dans les Aples-de-Haute-Provence, depuis 1974(3).

Ce qui signifie que l'accès à l'habitat, à la culture, aux soins, aux moyens de production, est assuré pour chaque individu, dès lors qu'il se joint à une commune. Il n'y a, en ce sens, pas d'obligation à vivre en société, à vivre dans la société. Pas d'obligation, mais un intérêt évident. Ici, le contrat social en est vraiment un, dans la mesure où l'individu n'est pas obligé de vivre en société, n'y est pas contraint, mais y tire un avantage social, naturel et culturel évident. (D'une certaine manière, c'est une forme de contrat social comme l'a pensé Rousseau(4), mais où l'appartenance ou la non-appartenance à la société est libre ; où la reconnaissance ou la non-reconnaissance du contrat social est libre.)

La forme de la commune peut, dans ces circonstances, librement évoluer (village, hameau, ville, quartier... lieu axé ou non sur un type de production particulier, dimension spirituelle, activités artistiques, histoires personnelles...).

La seule règle est celle de l'absence de coercition. On ne décide pas pour autrui. On ne fait rien qui concerne autrui sans son consentement. En cas d'agression, l'ensemble de la commune est pris à témoin et réagit en utilisant tous les moyens nécessaires dont elle dispose pour neutraliser l'agresseur et pour tirer au clair les causes de l'agression ou du conflit.

La commune est souveraine, autonome et libre concernant ses propres décisions, relatives à son territoire.

La nation, la France, n'est pas annihilée. Mais les communes et les individus eux-mêmes sont ce sur quoi repose la souveraineté. Le commandement ne peut venir que du peuple lui-même, et non d'un représentant. Par conséquent, les communes décident librement de leur participation à la nation France. Les communes décident librement d'adhérer ou non à une union avec d'autres communes pour former la nation France, ou pour former une union mettant en avant une autre réalité nationale : nation Pays Basque, nation Bretagne, nation Alsace, nation Catalogne, etc. L'adhésion est libre. La France peut perdurer grâce aux communes qui adhèrent à l'union qui constitue la nation France. De même pour les autres territoires dont la réalité nationale est inscrite sur le territoire de la République. La République, ou nation française des communes françaises librement fédérées, reconnaît l'autodétermination des peuples, et n'impose pas sa présence là où une volonté d'indépendance est avérée. Seules les communes décident. Les décisions vont de bas en haut, contrairement au système coercitif actuel où les décisions vont de haut en bas, et ne sont absolument pas démocratiques.

Évidemment, dans un tel système de communes libres, les besoins des individus et leur liberté sont premiers. Les droits des personnes sont les mêmes pour tous et, bien sûr, la société de classe est, de fait, abolie, et les moyens de production sont considérés du point de vue de la vie des communes, et non plus du point de vue de l'ancienne classe possédante, dont la propriété privée des moyens de production est abolie. Tout ce qui est utile à la vie des communes et des individus est réquisitionné, et l'usage des ressources, des biens, etc., est déterminé en assemblée ; pour autant, la liberté individuelle est maintenue, et chaque individu peut jouir d'un habitat et le modifier tant qu'il le souhaite, tant que cela ne génère pas de contraintes pour autrui.

Ceci n'était qu'une première tentative de mettre en mots ce qui me paraît important pour réinventer la démocratie. Évidemment, tout cela a l'air très sec, parce que très schématique, peut-être... Et cela paraît peut-être même un peu rapide et abrupt, mais je suis enthousiaste en écrivant ces lignes, car j'ai l'impression d'apporter ce qui, à mon avis, est nécessaire à la création d'une démocratie réelle qui sera peut-être le monde de demain. Quand Rousseau écrit son Contrat social, cela est évidemment polémique, cela ne convainc évidemment pas tout le monde à la première lecture. Et le texte de Rousseau est lui aussi très sec et peut paraître très schématique. Pourtant c'est un texte fondateur qui a inspiré une véritable démarche critique et démocratique dans le monde moderne. C'est ce que rappelle M. Houellebecq dans une vidéo qui a été postée ici : http://village.syti.net/sujet.php?id=639&page=4
Et Houllebecq le dit très justement : cela a été "confisqué"... La démocratie véritable nous a été confisquée ! C'est maintenant à nous de faire en sorte que l'on ne nous confisque plus notre histoire, c'est à nous de réinventer la démocratie !



(1) G. Debord, La société du spectacle, texte en ligne : http://classiques.uqac.ca/contemporains/debord_guy/societe_du_spectacle/societe_du_spectacle.pdf
(2) P. Clastres, Archéologie de la violence, éd. de l'Aube, p.43.
(3) http://jansiac.wordpress.com/
(4) J.-J. Rousseau, Du contrat social, G-F.


05.12.2013 - 00h01   

Jil a écrit:
Le scénario N°1 est à écrire... mais au moins nous avons la main


Je ne vois pas à quel "scénario N°1" tu te réfères... Et en relisant ton message, je ne vois rien qui permette d'affirmer que "nous avons la main".

Si le "scénario N°1" c'est "la contestation" appuyée par des "relais fiables au sein de l'institution", je ne vois pas vraiment en quoi nous avons la main... Ou bien, si "avoir la main" revient à ce que quelques représentants aillent au Conseil Régional, à Matignon ou à l'Élysée autour d'une table pour être éventuellement corrompus ou pour signer quelques papiers anecdotiques, eh bien ça ne m'intéresse pas d'avoir la main...

Sérieusement, ce qui a été initié en Bretagne est porteur. La démocratie ne peut naître que comme ça : Quand le peuple se mêle de ses affaires et qu'il nie la légitimité de ceux qui décident à sa place. Il y a des contradictions dans le mouvement des bonnets rouges ? Soit. Mais quel mouvement révolutionnaire n'en a jamais eues ? Il y a une part d'inconscience dans la foule ? Soit. Mais l'histoire est aussi faite d'irrationalité. La conscience n'a de toute façon pas entièrement prise sur toutes nos actions. Et on ne fait pas une révolution sans un peu de colère, sans sentiments, sans quelque chose de sensible... Un pur être juridique ou un pur être moral ne se révoltent pas.

Les différentes franges de ce mouvement ont grand intérêt à faire vivre le débat entre elles et à interroger leurs revendications réciproques, pour dépasser leurs contradictions. Ça ne sera rien d'autre que de la démocratie, de la vraie, sans qu'il y ait besoin de quelque représentant que ce soit pour usurper la parole des individus et pour tirer quelque avantage d'un statut de politicien.

Aujourd'hui, la démocratie et la liberté ne peuvent pas être créées autrement.

Vous voulez faire vivre la démocratie ? Ne rentrez pas dans un parti politique, lancez plutôt une assemblée générale.

Il n'est de démocratie véritable que directe.

04.12.2013 - 23h37   

Jil a écrit:
Bonsoir,

Les hommes et femmes politiques et autres représentan(e)s des diverses institutions structurant le corps social (syndicats, associations, corporations... administrations (école incluse), doivent être considéré(e) avec la plus grande attention sinon la plus grande méfiance, voire avec défiance...

La corruption _ à tous les plans (économique, social, éthique, etc...)_ son niveau, sa profondeur, son ampleur mais surtout, le quasi automatisme avec lequel elle submerge l'insider le plus probe, est quasi congénitale de notre système démocratique

Reste à la foule des mécontents à infirmer l'inconscience qui, de mémoire d'homme, la caractérise (Cf. Gustave Le Bon, Bernays, Freud, etc...)

... autrement cela va tourner au grand n'importe quoi

Et le plus grand nombre aura à en souffrir

Nourrir la contestation est salutaire mais faute de relais fiables au sein de l'institution il y a le risque non seulement d'une guerre de tous contre tous mais aussi celui d'une extermination ? d'un contrôle ? de tous par Un (Cf. Maurice G Dantec)

Le scénario N°2 est déjà dans les tuyaux comme on dit dans le marquetinge et manageument... Ils sont prêts

Le scénario N°1 est à écrire... mais au moins nous avons la main


La corruption, consubstantielle, congénitale à notre système politique ? Je ne dis pas non. Mais dire qu'elle l'est à "notre système démocratique" me paraît particulièrement flou. Est-ce en effet à dire que la corruption est consubstantielle ou congénitale à notre système politique parce qu'il est démocratique ? Ou bien est-ce plutôt à dire que la corruption est consubstantielle à notre système, et que ce système, en l'occurrence, se trouve être "démocratique" ? Dans les deux cas, cela n'est pas satisfaisant. Pourquoi ? Parce que dans les deux cas, l'adjectif "démocratique" ne renvoie pas à un concept de démocratie subsumant clairement une réalité donnée. La corruption est consubstantielle ou congénitale à notre système politique ? Fort probablement. Mais ce n'est pas une critique de notre système politique qui permettra de mettre hors-jeu du même coup la démocratie. Le système politique actuel ne peut pas raisonnablement être qualifié de "démocratique", tout simplement parce que le commandement, la souveraineté, ne sont pas aux mains du peuple. La "démocratie" représentative telle qu'on la vit en France ne peut pas être considérée comme une réalité que l'on peut subsumer sous le concept de démocratie. À moins de vider le concept de démocratie de son sens. Mais alors ce n'est plus un concept, philosophiquement et politiquement parlant, mais une sorte d'outil marketing permettant de défendre les intérêts de l'Occident capitaliste avec une justification morale mensongère. C'est la "démocratie" choisie par André Glucksmann. C'est la "démocratie" des bureaucrates, des communicants, des journalistes payés par les marchands d'armes, des élus ou des ministres de la République qui annoncent des coupes budgétaires tout en se goinfrant et en défendant leurs intérêts propres, leur capital, leur clan. Cette "démocratie", je ne vois pas bien ce qu'elle a de "démocratique".

Quant à réduire les ébullitions sociales à de l'inconscience qui déboucherait sur un état de guerre tel que celui hypothétiquement décrit par Th. Hobbes, en l'absence de quelques "relais fiables au sein de l'institution", c'est encore vouloir placer l'humanité sous le signe de l'état de minorité, de la tutelle ; comme si le genre humain ne pouvait sortir de son état de minorité et accéder à l'autonomie. De plus, pointer le fait que le système politique actuel soit essentiellement caractérisé par sa corruptibilité, et ensuite nous dire qu'un mouvement contestataire ne saurait déboucher sur rien de positif s'il n'est pas relié à ce même système, auquel la corruption est "quasi congénitale", cela me paraît un peu absurde et légèrement contradictoire comme conseil !

Enfin, citer les noms de G. Le Bon (anthropologue colonialiste) et d'E. Bernays (manipulateur notoire) aux côtés de celui de S. Freud, pour affirmer sans détour "l'inconscience" qui caractériserait, "de mémoire d'homme", "la foule des mécontents", me paraît relever d'un dogmatisme anti-populaire absolument infécond, dans la mesure où tu écartes, en mettant en avant "l'inconscience" de "la foule des mécontents", la possibilité d'une intelligence collective, d'une intelligence des masses, et donc d'une émancipation collective, qui a pourtant déjà vu le jour dans l'histoire de l'humanité.

10.11.2013 - 23h40   

xo a écrit:
Lorsque l'Élysée confond la 1ère Guerre Mondiale avec la seconde dans un tweet pour le centenaire de 1914, cela donne ça ... (Le Journal du Siècle)


Cela est réellement symptomatique d'une certaine décadence intellectuelle chez les élites françaises. Autrefois nous étions dominés par des élites cultivées, dont le pouvoir semblait presque légitimé par le statut social de leurs connaissances. Mais aujourd'hui, les élites incultes apparaissent de plus en plus grotesques et de plus en plus illégitimes. Le fait que ce "tweet" émane de l'institution souveraine n'en est que plus symbolique. Nous sommes réduits en servitude par des imbéciles qui nous voudraient donner la leçon, qu'elle soit morale ou prétendument économique.

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