15.05.2021
Les poissons mangent du plastique depuis les années 50
source: sciencepost.fr

Des biologistes ont disséqué les voies digestives de plusieurs poissons conservés dans les collections du Field Museum de Chicago pour analyse l'impact du plastique sur ces espèces au cours du siècle dernier. Sans surprise, ces animaux ingèrent du plastique depuis des décennies.

Des recherches récentes ont souligné des effets inquiétants des microplastiques sur les organismes marins. Nous savons qu'ils peuvent provoquer des anévrismes et des changements dans la reproduction chez les poissons, affecter les performances cognitives des bernard-l'ermite, ou encore affaiblir les moules, pour ne citer que ces exemples. Mais concrètement, depuis quand le plastique est-il réellement un problème pour les poissons ?

?Au cours des dix ou quinze dernières années, le public a en quelque sorte pris conscience qu'il y avait un problème de plastique dans l'eau?, explique Tim Hoellein, professeur agrégé de biologie à l'Université Loyola de Chicago. ?En réalité, nous pensons que ces organismes ont probablement été exposés à des déchets plastiques depuis le début de la démocratisation de ces matières?. Mais était-ce vraiment le cas ? Et si oui, dans quelle mesure ?

Une étude sur les poissons d'eau douce

Pour le savoir, l'équipe du Dr. Hoellein s'est appuyée sur les collections du célèbre Field Museum de Chicago, qui abrite en sous-sol environ deux millions de spécimens de poissons conservés dans de l'alcool. Dans le cadre de ces travaux, les chercheurs se sont concentrés sur les microplastiques, ces minuscules fragments d'une taille inférieure à 5 mm.

L'étude s'est focalisée sur quatre espèces d'eau douce en particulier : l'Achigan à grande bouche ((Micropterus salmoides), le Méné paille (Notropis stramineus), le Barbue de rivière (ctalurus punctatus) et le Gobie à taches noires (Neogobius melanostomus). Les chercheur ont essayé d'obtenir au moins cinq spécimens par décennie isolés entre 1900 et 2017. Pour compléter le tableau, ils ont également collecté de nouveaux échantillons de ces mêmes espèces.

Après avoir disséqué les voies digestives de ces poissons (de l'?sophage à l'anus), les biologistes les ont ensuite traitées avec du peroxyde d'hydrogène, qui permet la décomposition de la matière organique mais laisse intacts les éventuels morceaux de plastique. Ils ont finalement collaboré avec des chercheurs de l'Université de Toronto pour confirmer la signature chimique de ces fragments à l'aide de la spectroscopie Raman.

Du plastique au menu depuis 70 ans

Résultat, ces travaux n'ont révélé aucun plastique jusqu'au milieu du siècle dernier. En revanche, les concentrations de polluant ont commencé à grimper en flèche dès les années 50, lorsque la fabrication de matières plastiques a été industrialisée. À l'époque, on commençait à en fabriquer de toutes sortes : des rigides, des souples, des colorés, des faciles à nettoyer.

?Toutes les particules détectées étaient des fibres et représentaient des polymères plastiques (par exemple, du polyester) avec des mélanges de textiles naturels et synthétiques?, souligne l'étude.

Sans surprise, les chercheurs ont également remarqué que, plus on avançait dans le temps, et plus les concentrations de plastique dans les voies digestives de ces poissons étaient importantes, avec un ?boom? enregistré au cours des vingt dernières années.


plastique, poisson, 1950


16.05.2021
Microbiome: des bactéries millénaires découvertes intriguent des chercheurs
source: msn.com

MONTRÉAL ? Des bactéries trouvées dans des excréments humains fossilisés et vieux de plusieurs centaines d'années intriguent des chercheurs qui se demandent si elles ne pourraient pas ouvrir de nouvelles avenues thérapeutiques pour soigner des maladies chroniques comme le diabète et l'obésité.

Des chercheurs américains rapportent dans la prestigieuse publication scientifique Nature avoir trouvé au Mexique et dans le sud-ouest des États-Unis huit échantillons d'excréments humains vieux de 1000 ou 2000 ans. Ces échantillons auraient été très bien préservés par l'environnement aride et désertique où ils ont été déposés.

«Ils ont voyagé dans l'histoire pour étudier le microbiome de gens d'il y a 1000 ou 2000 ans», a résumé le professeur Frédéric Raymond, de l'Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels de l'Université Laval.

«Comparer les différences comme ils ont fait dans leur étude donne des informations assez intéressantes qui vont un peu informer ce qu'on voit sur les gens maintenant en lien avec la santé.»

Les scientifiques américains ont été en mesure de reconstruire quelque 500 génomes microbiens, dont une soixantaine qui n'avaient jamais été vus dans des excréments humains auparavant.

Ils ont constaté que ces génomes ressemblaient de près au microbiome de certaines populations non industrialisées, comme des peuplades de Fidji, de Madagascar, du Pérou, de la Tanzanie ou encore du centre du Mexique.

Dans les deux cas, le microbiome semblait mieux adapté à la digestion de glucides complexes, qu'on retrouve en plus petites quantités dans l'alimentation industrielle moderne.

La composition du microbiome est en effet fortement influencée par l'environnement et par l'alimentation. Il n'est donc pas surprenant que le microbiome d'individus décédés il y a des centaines d'années, ou d'individus qui ne consomment pratiquement jamais d'aliments transformés, soit différent de celui des populations industrialisées.

Avenues thérapeutiques

Les experts réalisent de plus en plus l'ampleur et l'importance des interactions qui existent entre le microbiome intestinal et le reste de l'organisme. Cette interaction a été mise en cause en lien avec de multiples problèmes de santé, du diabète jusqu'à la maladie d'Alzheimer.

En d'autres mots, si ce qui se passe à Vegas reste à Vegas, ce qui se passe dans l'intestin ne reste pas nécessairement dans l'intestin.

Ces microbes «anciens» pourraient un jour être reconstitués en biologie synthétique et transplantés à des humains dans l'espoir de soulager des problèmes de santé comme le diabète, l'obésité ou des maladies immunitaires, espèrent les auteurs de la nouvelle étude.

«C'est très possible, a dit M. Raymond. Mais le meilleur microbiome, c'est celui qui est adapté à notre corps et celui qui a évolué avec nous. Ajouter une bactérie qui vient d'ailleurs pourrait être bon, au même titre qu'un probiotique peut être bon, mais on voit que les résultats avec les probiotiques sont un peu mitigés. Il n'y a pas beaucoup de cas où ça s'est avéré super efficace.»

Pour ajouter une bactérie qui améliorera la santé, il faut vraiment «qu'elle soit en bonne adéquation avec l'écosystème microbien de la personne qui la reçoit», a-t-il précisé.

«Possiblement que ces bactéries-là, pour les gens à cet endroit-là à cette époque-là, étaient vraiment bonnes pour eux, ajouté M. Raymond. Mais si on les donne à quelqu'un maintenant, peut-être que ça peut apporter quelque chose qui est manquant et qui va aider à la santé, mais peut-être que non, non plus.»

Pizzas, frites et hot dogs

On peut aussi supposer que ce microbiome ancien, s'il était un jour transplanté à un humain industrialisé moderne, ne resterait pas intact bien longtemps.
Confrontées aux pizzas, aux frites, aux hot dogs et aux autres aliments douteux qui se retrouvent parfois au menu, ces bactéries millénaires n'auraient d'autre choix que de se transformer.

«Il y a probablement des bactéries là-dedans ou d'autres microbes qui pourraient subsister, mais c'est certain que la communauté s'adapterait pour répondre à notre alimentation moderne», a prévenu M. Raymond.

Face à une alimentation nord-américaine ou méditerranéenne typique, poursuit-il, le microbiome ancien convergerait un peu plus vers celui des populations modernes. D'autant plus que le microbiome, loin d'être statique, change constamment, de semaine en semaine, de jour en jour, et parfois même d'heure en heure.

Chose certaine, la décision d'un lointain ancêtre de se soulager en plein désert il y a plusieurs siècles permet aujourd'hui aux chercheurs de réaliser des travaux fascinants et inédits.

Il n'est pas impossible qu'on trouve dans ces bactéries des portions de génome qui produisent des molécules inédites, ce qui pourrait mener au développement de nouveaux médicaments, «un peu comme les antibiotiques ont été isolés à partir de différents types de bactéries et moisissures», a dit M. Raymond.

Il ne serait donc pas obligatoire de faire appel à la biologie synthétique pour ressusciter des bactéries qui ont perdu leur place pour en retirer des bienfaits pour la santé humaine.

«Est-ce qu'on a besoin d'aller jusque là pour trouver des outils pour améliorer la santé?, a demandé en conclusion Frédéric Raymond. Il y a peut-être des fruits plus bas à cueillir dans l'arbre.»

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne


microbiome, obésité, diabète


16.05.2021
Aux Emirats Arabes Unis, les drones vont faire tomber la pluie
source: kulturegeek.fr

Ce qui n'était encore qu'un projet un peu fou il y a quelques mois va devenir bientôt une réalité? digne d'un film de S.F. Aux Emirats Arabes Unis (EAU), des drones équipés de charges électriques tenteront bientôt? de faire tomber la pluie ! La théorie était déjà connue de longue date, mais cette fois, un drone sera utilisé pour le passage à la pratique. L'objectif consiste ici à obtenir la coalescence des gouttelettes d'eau, c'est à dire leur regroupement en gouttes plus grosses, plus lourdes? et donc plus susceptibles de descendre vers le sol.

Pour parvenir à ce résultat, le drone va émettre une décharge électrique directement dans les formations nuageuses très chargées en eau (comme les cumuls par exemple). En circulant dans le nuage, l'électricité va en diminuer la charge, ce qui devrait diminuera les répulsions électrostatiques entre les gouttelettes, et donc favoriser leurs regroupements. Quelques tests concluants ont déjà été effectués au Royaume-Uni, mais pour des raisons évidentes (sécheresse notamment), la seconde phase de tests se déroulera aux Emirats. Le procédé devra cette fois prouver son efficacité dans un environnement beaucoup plus sec et poussiéreux.

A noter que ce procédé basé sur des drones à charges électriques diffère sensiblement d'autres techniques de géo-ingénierie déjà utilisées par certains pays, comme la Chine (ensemencement des nuages avec des particules de sel ou d'iodure d'argent). L'UAE pratique aussi l'ensemencement des nuages, mais les drones à charges électriques pourraient être utilisé pour compléter cette technique et ainsi maximiser les chances de pluie.


Drone, pluie


23.05.2021
Comment un minuscule ver amoureux du bois a changé le cours de l’histoire mondiale
source: cordis.europa.eu

Une épidémie de tarets dans l'Europe du 18e siècle a généré une catastrophe écologique et une vague de fanatisme religieux, mais aussi permis des innovations et la suprématie de la marine britannique.

Catastrophe environnementale, effondrement économique et pandémie: autant de crises qui occupent une place importante dans le discours public actuel, mais qui faisaient également des ravages dans l'Europe du 18e siècle.

À l'époque, c'est le taret, un mollusque marin qui se nourrit de bois flottant ou immergé, qui en était la cause. Bien qu'elle soit relativement inoffensive aujourd'hui, cette créature a été à l'origine de l'une des plus grandes catastrophes environnementales, politiques et économiques au monde.

«On ne sait toujours pas pourquoi la population de tarets a explosé dans les années 1730, mais ces mollusques ont détruit en quelques années presque toutes les structures en bois le long de la côte de la mer du Nord», explique Michael-W. Serruys, chercheur principal du projet SHIPWORM de l'UE, titulaire d'une bourse individuelle Marie Sk?odowska-Curie Actions et historien qui étudie l'impact des tarets en Europe occidentale.

«Lorsque les tarets ont détruit les digues en bois qui empêchaient la région historique des Pays-Bas d'être inondée, celle-ci a été confrontée à une catastrophe écologique.»

Et la crise n'a cessé de faire boule de neige, la plupart des solutions destinées à minimiser les effets des tarets ayant des conséquences considérables. «Les tarets ont été à l'origine de réformes politiques, de nouvelles innovations et d'une modification des rapports de force internationaux», ajoute Michael-W. Serruys.

Grâce à un financement de l'UE, Michael-W. Serruys étudie le rôle important qu'a joué l'innovation pour mettre fin à la crise du taret ? une recherche qui pourrait être riche d'enseignements pour la gestion des crises modernes.
D'un ver à une technologie qui change le monde

Au cours de ses recherches, Michael-W. Serruys a remarqué qu'une fois le défi compris, de nombreuses sociétés touchées étaient prêtes à innover. Par exemple, c'est à cette époque que les navires ont été équipés de coques doublées par des plaques de cuivre. «Bien que cela ait été fait à l'origine pour protéger les navires contre les tarets, cette innovation a en fait rendu les navires beaucoup plus rapides», explique-t-il.

En collaboration avec des biologistes marins et des ingénieurs hydrodynamiques, Michael-W. Serruys a estimé que les coques en cuivre réduisaient de quelque 10 à 15 % la résistance des navires dans l'eau. «Les pays qui pouvaient se permettre d'acheter des plaques de cuivre sont non seulement sortis de la crise plus rapidement, mais ils ont également pris l'avantage en termes de commerce international.»




Ces nouvelles coques en cuivre ont également eu un impact géopolitique. «Ce n'est probablement pas une coïncidence si la Grande-Bretagne, qui possédait les plus grands gisements de cuivre à l'époque, avait également la marine la plus dominante du 19e siècle», remarque Michael-W. Serruys. «C'est plutôt amusant de penser qu'une technologie qui a changé le monde est apparue à cause d'un mollusque!»
Des échos dans les temps modernes

Au-delà des moyens financiers, le manque de volonté d'adaptation a également joué un rôle dans l'incapacité d'une société à surmonter la crise du taret. Selon Michael-W. Serruys, de nombreuses personnes étaient tout simplement trop rigides pour s'adapter à la réalité changeante de la crise ? une tendance qui a des échos aujourd'hui.

«À l'époque, certaines personnes ont refusé d'investir ou de prendre des mesures susceptibles d'atténuer la crise pour la seule et unique raison qu'elles ne l'avaient jamais fait auparavant», dit-il. «Cela ressemble beaucoup à la façon dont, pendant la pandémie de COVID-19, nous voyons des gens refuser de porter des masques ou de garder des distances sociales, même si nous savons que cela ralentit la pandémie.»

En fin de compte, qu'il s'agisse d'une créature de la mer ou d'un virus invisible, même les plus petites choses peuvent avoir un impact important sur la société. «L'enseignement important à tirer est qu'il n'est jamais payant d'ignorer un problème», conclut Michael-W. Serruys. «II vaut toujours mieux agir et innover, cela est aussi vrai aujourd'hui que cela l'était dans les années 1700.»




23.05.2021
Un fil de suture inspiré du tendon humain.
source: techno-science.net

On utilise les fils de suture pour refermer les plaies et accélérer le processus naturel de cicatrisation, mais leurs fibres rigides peuvent provoquer des complications en lésant les tissus mous. Pour remédier à ce problème, des chercheurs de Montréal ont mis au point le fil TGS (pour tough gel sheathed), inspiré du tendon humain.

Ce fil de nouvelle génération est entouré d'une gaine faite d'un gel glissant, mais résistant, dont la structure rappelle celle du tissu conjonctif mou. Lors des tests, les chercheurs ont constaté qu'il provoquait moins de lésions que les fils classiques, puisque l'enveloppe de gel élimine presque totalement la friction.

On utilise les fils de suture classiques depuis des siècles pour rapprocher les lèvres des plaies jusqu'à ce que la cicatrisation soit complète. Toutefois, ces fils sont loin d'être idéaux pour la réparation tissulaire. En effet, leurs fibres coriaces peuvent lacérer et léser des tissus déjà fragilisés, ce qui peut gêner le patient et entraîner des complications post-chirurgicales.

Le problème vient en partie du fait que ces fils rigides frottent sur les tissus mous environnants, auxquels ils ne sont pas adaptés, expliquent les chercheurs de l'Université McGill et du Centre Énergie Matériaux Télécommunications de l'Institut national de la recherche scientifique (INRS).

Le tendon, source d'inspiration Pour régler ce problème, l'équipe a donc conçu une technologie novatrice en s'inspirant de la mécanique du tendon. "Nous nous sommes inspirés du corps humain, plus précisément de l'endoténon, une gaine à la fois forte et résistante grâce à sa double structure. L'endoténon relie les fibres de collagène entre elles et tire sa force de son réseau d'élastine", explique Zhenwei Ma, auteur principal et doctorant sous la direction de Jianyu Li, professeur adjoint au Département de génie mécanique de l'Université McGill.

En plus d'offrir une surface glissante qui réduit la friction avec les tissus environnants, l'endoténon procure au tendon lésé les matériaux nécessaires à la réparation tissulaire. Dans le même ordre d'idées, le fil TGS peut être conçu pour libérer les médicaments dont le patient a besoin, précisent les chercheurs.

Traitement personnalisé des plaies "Cette technologie nous offre un outil polyvalent pour une prise en charge avancée des plaies. Nous croyons que ce type de fil pourrait libérer des médicaments, prévenir les infections et même permettre de surveiller la plaie par imagerie proche infrarouge", avance le Pr Li.

"La possibilité de surveiller la plaie et d'adapter la stratégie thérapeutique pour favoriser la cicatrisation est une voie fort intéressante qui mérite d'être explorée", conclut le Pr Li, également titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les biomatériaux et la santé musculosquelettique.

À propos de l'étude:
L'article "Bioinspired tough gel sheath for robust and versatile surface functionalization", par Zhenwei Ma, Zhen Yang, Qiman Gao, Guangyu Bao, Amin Valiei, Fan Yang, Ran Huo, Chen Wang, Guolong Song, Dongling Ma, Zu?hua Gao et Jianyu Li, a été publié dans Science Advances.
DOI: http://doi.org/10.1126/sciadv.abc3012


tendon, fil, suture


23.05.2021
Combien y a t-il d'oiseaux sur terre
source: sciencepost.fr

L'alliance de la science citoyenne combinée aux analyses de données volumineuses faites par une intelligence artificielle a récemment permis d'estimer l'ensemble de la population mondiale d'oiseaux sauvages. Résultats : il y en aurait environ cinquante milliards, représentants plus de 9700 espèces.

Ils sont environ six fois plus d'oiseaux sur Terre que d'humains. Certains se comptent par milliards, d'autres par millions, quand d'autres ne sont qu'une poignée. «Les humains ont consacré beaucoup d'efforts à compter les membres de notre propre espèce ? nous sommes tous 7,8 milliards», rappelle Will Cornwell, écologiste à l'UNSW Science et co-auteur de l'étude. «Nous présentons ici le premier effort global visant à dénombrer une suite d'autres espèces».
Science citoyenne et algorithme

Dans le cadre de ces travaux, Cornwell et son équipe ont rassemblé près d'un milliard d'observations d'oiseaux enregistrées par plus de 600 000 scientifiques citoyens entre 2010 et 2019 sur eBird, une base de données en ligne. En s'appuyant sur ces données, les chercheurs ont ensuite développé un algorithme visant à estimer la population mondiale réelle de chaque espèce d'oiseau.

L'ensemble de données intègre des enregistrements pour quasiment toutes les espèces évoluant actuellement sur Terre (92 %). Cependant, les auteurs estiment qu'il est peu probable que les représentants des 8 % restants, visiblement très rares, aient beaucoup d'impact sur l'estimation globale.

Sur cet échantillon, seules quatre espèces appartiennent au ?club du milliard? : Le moineau domestique (1,6 milliard), l'Étourneau sansonnet (1,3 milliard), le Goéland à bec cerclé (1,2 milliard) et l'Hirondelle rustique (1,1 milliard).

n véritable appui pour la conservation

À l'inverse, environ 12 % des espèces d'oiseaux considérées dans l'étude ont une population mondiale estimée à moins de 5000 individus. Parmi elles figurent la Sterne huppée chinoise, le Lagopède alpin, ou encore le Râle de Wallace.

Pour ces oiseaux, ce type d'étude pourrait être crucial. «Quantifier l'abondance d'une espèce est une première étape essentielle dans la conservation», souligne en effet Cornwell. «En comptant correctement ce qui existe, nous apprenons quelles espèces pourraient être vulnérables et pouvons suivre comment ces modèles changent au fil du temps. Ainsi nous serons en mesure de dire comment ces espèces se débrouillent en répétant l'étude dans cinq ou dix ans».


Bien que les chercheurs soient confiants dans ses estimations, ils reconnaissent qu'un certain degré d'incertitude est inévitable lorsque l'on opère avec des données aussi importantes.

Ceci dit, ces résultats, bien qu'approximatifs dans certains domaines, représentent les données les plus complètes à ce jour pour de nombreuses espèces. De nouvelles infos seront régulièrement ajoutées à eBird au fil des observations citoyennes. Les chercheurs prévoient ainsi de répéter leur analyse au fur et à mesure que davantage de données seront disponibles.

Vous retrouverez les détails de ces travaux dans les Actes de la National Academy of Sciences.


oiseaux, terre


24.05.2021
L’ADN sera-t-il l’avenir du stockage de données ?
source: theconversation.com

l'heure où nous produisons de plus en plus de données et où se pose la question de leur stockage, les biologistes s'intéressant à ce problème se sont tournés vers l'un des « disques durs » les plus compacts qui soient : l'ADN.

En effet, cette macromolécule présente dans toutes les cellules contient toute l'information nécessaire au bon fonctionnement et à la reproduction de celles-ci, encodées dans ses quatre bases A, C, G et T. Sur ce principe, ne pourrait-il pas contenir des données créées par l'être humain, encodées dans les bases de l'ADN comme elles le sont sous forme de 0 et de 1 dans un ordinateur ?

Depuis quelques années, de nombreuses recherches se penchent sur la possibilité de stocker des données dans l'ADN, que celui-ci soit conservé in vivo (au sein de cellules) ou in vitro. Cette solution technologique serait, selon ses promoteurs, une piste pour répondre aux difficultés de stockage de données qui se poseront dans quelques années.

La quantité mondiale de données numériques était estimée en 2018 à 33 zettaoctets (mille milliards de milliards d'octets), et elle double tous les deux à trois ans. Le stockage de données sur des disques durs ou des bandes magnétiques nécessite ainsi de plus en plus de place. Il requiert ainsi des ressources toujours plus importantes en infrastructures et en énergie. Enfin, le stockage classique est peu durable, de sorte que des données archivées sur CD ou bandes magnétiques doivent être transférées tous les 10 ans environ.


La première démonstration de stockage de données dans l'ADN date des années 1980 avec l'?uvre de Joe Davis, qui avait alors encodé la représentation d'une rune germanique dans le génome d'une bactérie. Mais les développements de techniques autour de cette idée n'ont connu leur essor que depuis le début des années 2010.
Vos données dans des tubes à essai

Le stockage de données dans l'ADN in vitro fonctionne le plus souvent de la manière suivante : les données à conserver ? textes, images ? sont converties en séquence de 0 et de 1, elles-mêmes transposées en séquences de nucléotides A, C, G et T. La molécule d'ADN est ensuite synthétisée par des appareils dédiés, qui ajoutent les nucléotides souhaités les uns à à la suite des autres pour former des brins d'ADN, le plus souvent longs de quelques dizaines à deux cents paires de bases ? à titre de comparaison, les bactéries ont généralement un génome de quelques millions de paires de base, et les humains 3,2 milliards de bases par cellule. Une information assez volumineuse sera ainsi répartie sur plusieurs brins d'ADN, mais elle sera reconstituée à la lecture. Les molécules peuvent ensuite être stockées, souvent dans une solution aqueuse. L'accès à l'information se fait par séquençage et interprétation des séquences obtenues.

Le coût est l'une des limites principales du stockage in vitro : la synthèse de l'ADN, donc l'écriture des données, est chère. Pour contourner les coûts liés à cette synthèse, des méthodes alternatives sont explorées. Par exemple, il est envisagé d'utiliser un encodage fondé sur des structures physiques de l'ADN : ici, le repliement ou non de l'ADN correspond alors à un 0 ou à un 1. Autre option, l'encodage via des modifications épigénétiques : dans ce cas, les bits sont encodés grâce à la présence ou l'absence de modifications chimiques le long de la molécule l'ADN, et non via les bases.

Autre limitation à l'heure actuelle, l'étape de synthèse peut être longue et générer des erreurs, tout comme l'étape de séquençage nécessaire à la lecture des données. Pour pallier aux éventuelles erreurs, l'encodage des données doit inclure une redondance de l'information, et des codes correcteurs sont utilisés : ce sont des séquences ajoutées à la suite des données d'intérêt, permettant de reconstituer l'information en cas d'erreur ou d'effacement lors de l'écriture ou de la lecture. Ces codes de correction d'erreurs sont issus des travaux sur le codage de l'information. Des informations redondantes, c'est-à-dire déjà présentes dans le message, sont ajoutées autour de l'information à transmettre. Cela permet au système qui la décode de détecter et de remanier les erreurs. Un des codes de correction d'erreurs les plus utilisés, le code de Reed-Solomon, est d'ailleurs présent dans les CD et les QR codes pour y éviter les pertes d'informations.
Vos données dans des bactéries

Il est également possible de stocker des données in vivo, dans le génome d'organismes vivants. En 2017, un gif animé fut encodé dans le génome d'une bactérie, les bases constituant le code étant intégrées dans un endroit précis du génome. Un triplet de nucléotides codait alors pour une couleur de pixel, permettant une reconstitution en 21 niveaux de gris.

Plus récemment, en 2021, des chercheurs de l'université de Columbia ont mis en place un système permettant de transférer les données directement d'un format numérique à un stockage biologique.

Dans ce nouveau système, dit « enregistrement moléculaire électrobiologique », le format numérique, composé de 0 et de 1, est exprimé en signal électrique. Ainsi, pour coder un 0, il n'y a pas de signal électrique et une séquence issue du génome originel de la bactérie est intégrée dans le génome. En revanche, pour coder un 1, donc en présence d'un signal électrique, une séquence exogène ? étrangère au génome de la bactérie ? est intégrée dans le génome. Les chercheurs ont ainsi encodé le message « hello world » dans le génome de la bactérie. Si la quantité de données encodées est encore faible, c'est la première démonstration d'une écriture de données directement de l'ordinateur vers un organisme vivant ? une sorte de magnétoscope cellulaire, capable d'enregistrer les données sur l'équivalent biologique de la bande magnétique : l'ADN.
Colonies de bactéries E. coli dans une boîte de Pétri. Nathan Reading/Flickr, CC BY-NC-ND

Il est plus difficile de manipuler l'ADN in vivo qu'in vitro, et, pour les méthodes d'« enregistrement moléculaire », la densité d'espace de stockage (ici, la quantité d'information par nucléotide) y est plus faible, l'encodage d'un 0 ou d'un 1 nécessitant pour l'instant environ 50 nucléotides. Cependant, les données enregistrées in vivo ont pour avantage d'être faciles à copier, grâce à la division cellulaire, contrairement aux données stockées in vitro qui doivent être répliquées par des PCR, Polymerase Chain Reaction ? une technique qui permet de dupliquer en grand nombre l'ADN ou l'ARN à partir de faibles quantités de matériau génétique et d'amorces spécifiques), désormais fameuse grâce à son rôle dans le dépistage du SARS-Cov-2, mais plus coûteuse que les cultures pendant lesquelles les cellules se divisent.

La réplication de l'ADN est souvent mentionnée comme problème du stockage in vivo, car elle est susceptible de générer des mutations qui pourraient endommager les données en introduisant des erreurs de codage ; néanmoins les erreurs de réplication de l'ADN sont plus rares in vivo que pendant une PCR.
Un stockage « froid », mais pas que

Le stockage de données dans l'ADN semble plutôt être indiqué pour l'archivage de données dites « froides », c'est-à-dire des données auxquelles l'accès est peu fréquent. Mais d'autres applications sont envisagées.

À lire aussi : Comment stocker des données à (très) long terme ?

Ce type de stockage pourrait également être utilisé en stéganographie, c'est-à-dire pour dissimuler un message dans un autre message. Par exemple, les cellules stockant l'ADN porteur d'informations pourraient être mélangées à des bactéries issues d'un environnement naturel pour aider à la dissimulation d'une information.

L'authentification d'objets grâce à des codes-barres nucléotidiques est également examinée, par exemple dans cette étude, qui propose d'utiliser de l'ADN encapsulé dans de la silice et mélangé à des huiles d'olive pour qu'il soit possible de vérifier leur authenticité.


Même si le stockage de données dans l'ADN n'appartient plus tout à fait à la science-fiction, il lui reste un long chemin à faire avant de devenir grand public. L'ADN se conserve bien et est très compact, des millions de nucléotides n'occupant que quelques micromètres ? il aurait ainsi une densité de stockage un million de fois plus importante que celle des disques durs. Ce sont ses avantages par rapport aux méthodes de stockage classiques, comme le stockage magnétique (utilisé dans les disques durs) ou optique (les CDs et DVDs).

Néanmoins les différents coûts impliqués, notamment pour écrire les données, sont encore de plusieurs ordres de grandeur plus élevés que ceux du stockage classique. La vitesse de lecture des données ? souvent, la vitesse de séquençage de l'ADN ? est également un obstacle à lever, même si des progrès considérables ont été réalisés dans ce domaine ces dernières années, et que de nouvelles améliorations restent à venir, comme des méthodes de séquençage ne nécessitant qu'une seule molécule d'ADN, là où les méthodes classiques en exigent plusieurs.

Même s'il n'est pas impossible d'imaginer, d'ici quelques décennies, un rayon des archives remplies de tubes à essai contenant des livres sous forme d'ADN, il est néanmoins peu probable que vous puissiez bientôt regarder votre film préféré en glissant un échantillon dans un lecteur DVD génétique.


ADN, stockage, donnés



11.07.2021
Le nouvel ordre m.. sanitaire? #Revolution
source: fr.aleteia.org

Pierre Dulau : « Nous entrons dans une société de l'hygiénisme sécuritaire »



Port du masque, entrée en vigueur du pass sanitaire, politique de vaccination? Alors que les mesures visant à lutter contre la pandémie de Covid-19 font de plus en plus débat, le philosophe Pierre Dulau, auteur de "Faire face, le visage de la crise sanitaire" avec Martin Steffens, revient pour Aleteia sur ces mesures et leurs conséquences pour la société.



Alors que le déconfinement amorcé depuis plusieurs mois se trouve confronté à une recrudescence de cas liés au variant Delta, les Français se retrouvent, une nouvelle fois, dans l'incertitude. Le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé ce vendredi 9 juillet qu'il s'exprimerait lundi à 20h. Le même jour, Malte a annoncé la fermeture de ses frontières aux voyageurs non vaccinés. La veille, la Cnil autorisait la diffusion de la liste des patients non vaccinés auprès des médecins traitants. Depuis plusieurs jours, différentes mesures dont l'extension du champ d'application du pass sanitaire et la vaccination obligatoire pour les soignants sont à l'étude. Autant de mesures qui déroutent et interpellent nombre de personnes. « La virtualisation de l'expérience a largement préparé le terrain à ce qui nous arrive », analyse auprès d'Aleteia le philosophe Pierre Dulau, auteur avec Martin Steffen de Faire face, le visage et la crise sanitaire. « La dématérialisation des rapports humains a rendu possible l'institution d'un nouveau régime : l'hygiénisme sécuritaire. » Entretien.

Aleteia : Comment le masque, censé nous protéger et protéger les autres, pourrait-il être un danger pour l'homme ?
Pierre Dulau : Le problème n'est pas d'abord d'avoir un masque mais de comprendre ce qu'est un visage. Le visage humain est à la fois ce qui témoigne de notre singularité et ce qui nous dévoile comme êtres de relation. D'une part il exprime ce qui rend chacun insubstituable et incomparable. Mais d'autre part il est aussi ce qui ne nous appartient pas : mon visage est la partie de moi que je ne peux pas voir car elle est immédiatement offerte à autrui. Paradoxalement, mon visage est ainsi ce que j'ai de plus propre et ce que je ne possède pas. Ce qui témoigne de mon être le plus intime et ce qui avoue en même temps mon insuffisance. Que fait le masque ? Il nous dépersonnalise, parce qu'il rend notre singularité invisible, bien sûr, mais ? et c'est sans doute plus grave ? il nous arrache à la communauté des regards. Or ce jeu est constitutif de notre être ! En usant d'un néologisme, on pourrait dire que le masque sanitaire nous « évisage » ! Ainsi, le masque nous protège, certes, mais il nous protège au prix de ce qui fait de nous des hommes. On ne peut pas se féliciter qu'une telle mesure puisse devenir une nouvelle norme sociale.

Alors que le masque n'est désormais plus obligatoire en extérieur dans de nombreuses villes, certaines personnes continuent pourtant à le porter?
Porter le masque flatte en chacun un désir naturel de soustraction vis-à-vis de l'espace public. Il n'est pas toujours agréable d'être dévisagé, de jouer le jeu de la relation. Ce jeu est forcément risqué car on peut être mal jugé, on peut être nié, on peut traverser une foule dans l'indifférence la plus totale et en être blessé. Ce jeu de la relation nous met dans l'inconfort ! Être un visage, c'est être appelé en dehors de soi, être excentré sans cesse. Il existe donc un certain confort moral à se dire « Je me soustrais à ce jeu, je reste dans mon obscurité privée ». Ce qui est inquiétant, c'est que l'ordre public puisse banaliser cette tentation car on ne peut pas imaginer une société saine dont le principe serait la défiance de chacun vis-à-vis de tous. Si le rapport fondamental à autrui, c'est l'immunité, c'est que nous ne formons plus une communauté.

Le masque couvre une partie du visage mais pas l'ensemble du visage, il est quand même possible de communiquer !
Autant dire que parce que l'on n'a besoin que de deux doigts pour porter un sac, une main complète n'a rien de nécessaire. Bien sûr les individus s'adaptent, y compris au pire ! Mais cela reste une mutilation.

Le masque s'inscrit dans un ensemble de mesures de « distanciation sociale ». Que vous inspire ce terme ?
D'une part, je remarque que cette expression est une contradiction dans les termes. La promesse de la société, à tort ou à raison, est de permettre à chacun de surmonter la distance qui le sépare des autres. Elle est de rendre possible une communication continue par le partage de missions communes, par la mutualisation des efforts dans la satisfaction des besoins etc. de sorte qu'aucune société ne peut être fondée sur la distance. Inscrire la distance au c?ur de la société revient à avouer qu'il n'y a plus de société mais seulement un agrégat d'individus assemblés par la force ou le hasard. C'est la différence entre un corps organique où chaque partie concourt au bien du tout et un tas de cailloux bien rassemblés.

D'autre part il faut relever que grammaticalement parlant, le mot « distanciation » est une forme progressive. Il indique quelque chose qui est de l'ordre du processus continu ; un mouvement qui n'a pas vocation à s'arrêter. Et c'est ce qui est à craindre : la dynamique par laquelle la société s'atomise peu à peu et ne tient plus que par l'infrastructure technicienne. D'abord les gestes barrières, ensuite les masques, ensuite les jeux de pistes dans les magasins puis le pass sanitaire, puis les QR codes? Une telle contre-société ne peut tenir debout que par un traçage numérique permanent. Puisque sans visage, elle n'a plus d'âme, elle ne repose que sur son ossature technique.

Certains voient dans le pass sanitaire une mesure qui permet de protéger les individus, d'autres une limitation de nos libertés?
Ce qui me semble alarmant dans les mesures prises dernièrement, c'est qu'elles prévoient une citoyenneté échelonnée, graduée, « feuilletée » en fonction de l'état médical supposé des individus. Revenons à la définition de l'esclave dans l'Antiquité. Qui est l'esclave ? Celui qui préfère la vie à la liberté. Entre une vie de servitude et la mort, il a préféré la vie. À l'évidence, nos sociétés hyper technicisées ne voient plus dans la liberté un absolu de la condition humaine. Comme les vaincus d'une guerre, comme des prisonniers d'une puissance d'occupation, elles ont fait le choix de conserver leur vie au prix même de ce qui pourtant lui donne un sens.

La vraie liberté ne s'exerce-t-elle pas lorsqu'un individu consent « librement » à ce pass sanitaire ?
Que veut dire « penser librement » dans un état de sidération médiatique entretenu à dessein ? Depuis un an et demi, chacun vit en étant subjugué et submergé d'informations qui, quotidiennement, pré-fabriquent et orientent son jugement en fonction des réquisits politiques du jour. Dans ces conditions-là, qui sont des conditions de fascination de l'intellect, il est tout à fait évident que l'exercice du libre arbitre, de la prudence, du discernement et de la liberté est altéré. En outre, si beaucoup de gens acquiescent à ces mesures (pass sanitaire, contraintes sociales), c'est parce qu'on leur fait miroiter un gain. Un faux choix leur est proposé du type : « Si vous voulez retrouver votre vie d'avant alors il faut obéir à ces mesures ». C'est une fausse promesse parce que la logique globale de la distanciation et de la contrainte sociale n'a aucune raison de trouver d'elle-même sa propre limite. Tout pouvoir qu'on cède à l'État, l'État n'y renonce jamais. C'est un principe historique.

Est-ce la même logique qui anime selon vous la politique de vaccination qui se dessine ?
Oui, la même logique d'immunisation et de protection permanente est à l'?uvre. Le vaccin, c'est le masque mais à l'intérieur du corps. Les gens ne se vaccinent pas pour arrêter de se protéger les uns des autres, ils se vaccinent pour ne plus jamais cesser de se protéger les uns des autres. Il y a une conception de la vie bien précise qui travaille ici : la vie doit être immunisée contre la mort. À 95 ans, les gens ne meurent plus de vieillesse. Ils meurent du Covid. Autant dire qu'au fond, la vie devrait pouvoir se poursuivre indéfiniment si nous n'étions pas constamment mis en danger par la menace potentielle que constitue toujours notre voisin.

À cela il faut ajouter que la vaccination contre le Covid s'inscrit dans le processus plus global d'externalisation technique et de privatisation des facultés humaines. C'est aujourd'hui le système immunitaire naturel de l'homme qui apparaît comme un nouveau marché exploitable par l'industrie, par l'économie. L'enjeu est de convaincre chacun qu'il ne doit la vie sauve qu'à sa subordination à cet ordre technique. Comme un opérateur téléphonique vous vend un « forfait liberté », il s'agit désormais de vous vendre le « forfait immunité » pour seulement 19,99 euros par mois. La nouveauté est que si l'on refuse, on perd des droits. On notera d'ailleurs que le pouvoir, après avoir joué la carte de la peur, utilise maintenant la carte du ressentiment en affirmant que les vaccinés vont être (ou sont déjà) victimes des non-vaccinés. L'ambition est sans doute par-là de substituer au ressentiment vertical du peuple contre les gouvernants une défiance horizontale du peuple contre lui-même. C'est là, pour tous, un jeu très dangereux.

Ne se vaccine-t-on pas pour protéger les autres plus que pour se protéger ?
Beaucoup se vaccinent sans conviction, pour qu'on leur fiche la paix, pour partir en vacances. La vaccination est plus profondément un acte d'adhésion à un nouveau contrat social de type technico-sanitaire fondé sur un idéal d'hygiène commune. D'ailleurs on a beaucoup parlé des élections régionales et départementales afin de déplorer l'abstention. Mais je pense que les élections réelles, ce sont les vaccinations. Se faire vacciner, c'est de facto dire « oui » à ce nouveau contrat-social.

Rendre la vaccination obligatoire pour certaines tranches d'âge ou certaines professions est-ce de la prévention par souci du bien commun ou une privation de liberté ?
Imposer d'abord la vaccination à certaines catégories est probablement une stratégie politique pour fractionner une obligation qui ensuite deviendra plus large. Mais cela ne change rien sur le fond, c'est-à-dire du point de vue de la logique globale de régulation des comportements humains et sociaux. Les gens qui se sont fait vacciner en disant « On va retrouver notre vie d'avant », « Nous montrons l'exemple » n'ont peut-être pas à l'esprit qu'on leur proposera une troisième, puis une quatrième dose, puis un nouveau type de traçage en temps réel de leur métabolisme etc. Encore une fois, il n'y a pas de limite immanente à ce processus.

La Cnil vient d'ailleurs d'autoriser la diffusion de la liste des patients non vaccinés auprès des médecins traitants?
Dans la série des choses qui ont étrangement disparu ces derniers temps, il y a le secret médical. C'est comme la liberté de mouvement. Mais à partir du moment où l'État se donnait le droit de vérifier combien de personnes étaient à table à Noël, il ne faut plus s'étonner du reste.

Ne peut-on malgré tout pas croire, sans être naïf, que le port du masque tout comme le pass sanitaire ou la vaccination obligatoire sont des mesures prises pour protéger les plus fragiles et au service du bien commun ?
L'homme agit toujours au nom du bien, de ce qu'il croit être le bien. Que tout cela soit plein de bonnes intentions, que certains le pensent réellement me semble évident. Oui, des personnes agissent réellement par altruisme, pour le bien commun ! C'est pourquoi il est crucial d'élucider les termes du débat et de s'entendre sur ce que des notions comme « bien », « vie », ou « prudence » veulent réellement dire. C'est d'ailleurs ce que nous nous employons à faire, Martin Steffens et moi, dans notre livre Faire face, le visage et la crise sanitaire. Nous n'avons pas vocation à être des militants politiques mais nous avons voulu permettre à chacun de mieux comprendre ce qui nous arrive.

Comment notre société a-t-elle pu, selon vous, s'engouffrer aussi facilement dans cette logique ?
La virtualisation de l'expérience a largement préparé le terrain à ce qui nous arrive. La dématérialisation des rapports humains a rendu possible l'institution d'un nouveau régime : l'hygiénisme sécuritaire.

Ne s'agit-il pas d'une parenthèse ? À événement exceptionnel, mesures exceptionnelles ?
L'histoire n'est pas une phrase où l'on peut faire des pauses et revenir à l'objet principal. C'est un chemin. Une fois qu'il est emprunté, il n'y a pas de retour en arrière.



Nouvel Ordre Mondial, Covid, hygiénisme


12 commentaires
 
27.07.2021
Un jeu vidéo où il faut venir en aide à Adolf Hitler fait scandale
source: slate.fr

Un jeu vidéo dans lequel les joueurs peuvent empêcher l'Holocauste en utilisant la psychologie pour «soigner Hitler» suscite l'indignation. Ce jeu indépendant controversé nommé «Heal Hitler» (littéralement «guérir Hitler», mais qui rappelle un peu trop le salut nazi «Heil Hitler») place le joueur dans la peau du psychologue du dictateur allemand en 1925. Il a été lancé sur Steam, une boutique numérique populaire de jeux vidéo, la semaine dernière, rapporte Newsweek.

La description de «Heal Hitler» est la suivante: «Vous êtes le psychologue d'Hitler en 1925. Diagnostiquez ses complexes en utilisant à la fois les psychothérapies jungienne et freudienne et tentez de le soigner. Résolvez les traumatismes d'Hitler et évitez la catastrophe grâce à la thérapie et la psychologie. Réussissez et vous empêcherez la guerre et l'Holocauste.»
«Vous pourriez vous aussi devenir quelqu'un comme Hitler»

Une autre description indique: «Hitler était aussi un être humain, comme vous. Si vous vous éloignez de lui en le déshumanisant et en faisant de lui un monstre, vous vous faites du mal psychologiquement. Afin de développer votre part d'ombre, vous devez prendre conscience et admettre que, si les circonstances s'y prêtent, vous pourriez vous aussi devenir quelqu'un comme Hitler. Nous sommes à la fois bons et mauvais. Et si nous ne sommes pas capables d'admettre que quelqu'un comme Hitler pourrait revenir, nous serons condamnés à répéter l'histoire.»

Le développeur Jon Aegis a fermement nié faire l'apologie du nazisme et a déclaré avoir mené des recherches sur des rapports psychologiques ainsi que des récits de personnes ayant rencontré le dictateur, avant de créer le jeu, disponible à la vente sur Steam depuis le 22 juillet. Cette immense plateforme en ligne permet aux développeurs d'atteindre jusqu'à 120 millions d'utilisateurs actifs par mois.


Le développeur indépendant a fait la promotion du jeu et a tenté d'attirer les gens sur sa page en partageant des liens dans plusieurs groupes sur le site de discussion Reddit. Dans un communiqué, Jon Aegis a déclaré: «Après trois mois de travail, j'ai finalement sorti mon jeu psychologique pour PC, Heal Hitler, où vous tentez de résoudre les traumatismes d'Hitler pour éviter la catastrophe via une thérapie et les psychologiques jungienne et freudienne.»

Si certains utilisateurs étaient intéressés par le principe, d'autres ont été scandalisés. «C'est offensant et bizarre. Ça témoigne d'un manque total d'expérience personnelle avec la Shoah», a déclaré un utilisateur de Reddit. «Je l'ai dit la dernière fois que vous avez posté: ce jeu est de très mauvais goût et c'est une mauvaise idée», a ajouté un autre. «Je me fous des traumatismes d'enfance d'Hitler, a commenté un troisième utilisateur. Vous devriez plutôt vous intéresser à ses victimes.»

Source du jeu:https://store.steampowered.com/app/1612480/Heal_Hitler/?l=french&curator_clanid=4777282&utm_source=SteamDB


Jeux vidéo, Hitler


28.07.2021
Vidéo de Black Coach, à voir
source: youtube.com

Je vous conseil de jeter un oeil à cette vidéo.






 
 




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