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Archives des articles de presse sur Bernard Werber
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source: web.archive.org
Un auteur hors normes.
Célèbre dans le monde entier grâce a sa trilogie sur les fourmis, Bernard Werber a développé des théories sur un monde meilleur dans son dernier livre: "la Révolution des Fourmis". Essayons de mieux connaître cet auteur au travers d'une interview exclusive:
Bernard qui es tu ?
Je suis un être humain de la planète Terre. Et je suis vivant ici et maintenant.
En quoi crois tu ?
En rien. Je suis plutôt agnostique. Cela signifie que j'accorde plus d'importance aux questions qu'aux réponses. Je pense que les religieux et les athées sont des prétentieux. Ils prétendent savoir. Les religieux prétendent savoir que Dieu existe alors qu'ils ne l'ont jamais vu. Les athées affirment qu'il n'existe pas alors qu'ils n'en savent rien. Quand on n'en sais rien on se renseigne au lieu d'affirmer. Le mot agnostique signifie « qui ne sait pas ». J'avoue ma totale ignorance dans l'existence ou non de dieu. De même j'ignore le sens de nos existences. Cela ne m'empêche pourtant pas de me renseigner je dirais même l'ignorance appelle l'information. Il n'y a pas d'idée plus dynamique que le besoin de savoir.
On ne peut pas vivre en ne croyant en rien !
Je pourrais dire que « intuitivement » je donne beaucoup d'importance à une notion qu'on pourrait nommer « La vie ». C'est une énergie immense qui traverse l'univers et qui fait qu'une graine se transforme en arbre. Dans la guerre des étoiles ils nomment cela « La force ». C'est le même truc.
C'est bien d'avouer qu'on est ignorant, mais de quoi es tu sûr à part ça ?
Désolé je ne suis vraiment sur de rien. Je ne suis pas sur de cette réalité qui n'est peut être comme l'évoque si bien les philosophies hindoues qu'une illusion. La seule chose qui me semble tangible et solide c'est ce que j'écris car ça je suis sur que je peux décider si ça existe ou pas.
En quelque sorte tu as l'impression que nous vivons dans
un « Infra World » ?
C'est à dire un petit monde informatique dirigé par une dimension supérieure. C'est une éventualité mais il y en d'autres. Peut être qu'a coté de notre réalité dans l'espace temps il existe des réalités parallèles. Peut être que dans une réalité parallèle je suis déjà mort et vous aussi. Peut être que dans une réalité parallèle je ne suis jamais né.
Comment est né ton premier livre ?
J'ai commencé à écrire les fourmis à 16 ans et cela m'a pris 12 ans avant de trouver le ton qui convenait et surtout avant d'intéresser un éditeur sur un sujet aussi « bizarre ».
La plupart ne voulaient pas de la structure en 3 narrations parallèles histoire humaine, histoire fourmi, encyclopédie du savoir relatif et absolu.
Dans la révolution des fourmis tu abats un peu plus tes cartes, tu veux changer le monde...
En effet comme pour Jean de La Fontaine, les animaux ne sont qu'un moyen de mieux parler des hommes. Mais il fallait le point de vu d'un autre être vivant intelligent. Dans le dernier livre je me suis dit « Allons y carrément » et j'ai proposé de faire la révolution, non pas une révolution de fourmis mais une révolution d'humains. Une révolution sans violence, sans effet spectaculaire, une révolution qui ne détruit rien mais remplace les structures obsolètes ou beaucoup de gens étouffent et ou les idées originales sont ignorées.
Tu veux vraiment changer notre société ?
Chaque génération a le droit et même le devoir de proposer un monde meilleur que la génération précédente. Depuis mai 68 plus personne n'ose rien dire. Je suis né en 1961, et en 68 j'avais 7 ans. A ma génération on a dit : «Vous n'essayez pas de faire pareil. Si vous ne vous tenez pas tranquille vous serez chômeur ». Je suis devenu journaliste scientifique 6 ans au nouvel observateur et j'ai ouvert ma gueule et j'ai donc été viré et je suis devenu chômeur. L'expérience acquise, je dis qu'il vaut prendre le risque d'ouvrir sa gueule et d'être au chômage que de se taire et de prendre du témesta. De nos jours les gens ne font pas la révolution ils font des dépressions.
Et si on te prenait au mot, si on se réunissait pour changer tout ?
On m'a déjà pris au mot puisque ce serveur existe. Et que les gens peuvent discuter ici d'un monde meilleur.
N'as tu pas peur qu'on te prenne pour un gourou ?
Felini disait « je ne veux pas être un maître à penser car un maître à penser n'a plus le droit de dire des conneries et que c'est un luxe auquel je ne veux pas renoncer ». Mon boulot est d'être un romancier et juste ça. Cela consiste à lancer des idées et faire rêver les lecteurs sur des histoires. C'est déjà énorme. Cela dit je ne pense pas assister à la révolution des fourmis de mon vivant. Je souhaiterais comme Edmond Wells que
mon bouquin soit juste une bouteille jeté à la mer. Comprennes qui pourra.
Et si les gens te demandent d'être un maître à penser?
C'est aux gens de se prendre tous seul en charge. Il y a déjà trop de politique, de secte, de groupes pseudo intello. A l'approche de la fin du millénaire, les gens balisent alors ils se cherchent des groupes de référence. Il faut avoir le courage d'accepter de ne pas avoir de chefs. Assez des gourous, assez des chefs, assez de maître à penser.
Ton modèle c'est la société fourmi ?
Le grand avantage du modèle fourmi c'est que c'est une société anarchique sans chef. La reine ne fait que pondre et n'a pas de pouvoir politique. Chacun est responsable de lui même, chacun est libre d'entreprendre ce qui lui passe par la tête sans que qui ce soit le juge ou le punisse. C'est une société qui est arrivée à sortir du modèle dominant/dominé dans lequel nous pataugeons. Peut être parce que c'est une société qui est âgée de 100 millions d'années alors que l'homme n'est sur terre que depuis 3 millions d'années.
Alors nous sommes des hommes préhistoriques ?
Exactement. Nous sommes une jeune espèce maladroite. Nous nous croyons plus futés que les autres animaux parce que nous contrôlons le feu et la roue mais cela ne signifie pas grand chose. N'importe quel singe dans la jungle peut se vanter de respirer de l'air non pollué de manger de la viande qui n'est pas issue de vache folle de pouvoir même regarder les étoiles la nuit sans être gêné par toutes les lueurs des villes, baiser sans capote. Plus nous nous croyons modernes plus nous réduisons nos libertés et nous nous coupons de la nature au lieu de chercher à rester en harmonie avec elle.
Tu es écologiste ?
Les écologistes se sont fourvoyés dans la politique. L'écologie ne devrait pas être un parti. Cela devrait être une forme d'hygiène. Il n'y a pas un parti du « lavage de dents au dentifrice ». C'est normal. On le fait pour ne pas avoir de carie. L'écologie c'est pareil. C'est du bon sens. Ca devrait être évident. On le fait pour ne pas étouffer sous la pollution.
Es tu anarchiste ?
Pareil que l'écologie. Ce mot a perdu son sens. Evidemment à l'origine c'était une belle idée. Mais vu qu'il y a des chefs anarchistes, cela s'auto contredit.
Comment te définirais tu politiquement ?
Je ne fais pas de politique. Actuellement on a juste le choix entre ne pas bouger ou revenir en arrière. Il faudrait inventer un courant nouveau qui propose enfin d'aller en avant. Un mouvement qui nous propose d'être moins homme préhistorique. Un parti « évolutionniste » en quelque sorte. Mais ça reste à inventer. Peut être qu'il faudrait confier ça au scientifiques et aux poètes, étant donné que les militaires, les économistes, et les politiciens ont échoués.
Crois tu que l'informatique puisse sauver le monde ?
Non c'est juste un outil. Mais cela va permettre de créer des zones de communications non contrôlées par les gouvernements et toutes les censures. Cela va créer des villages planétaires autours de pôles d'intérêt communs. C'est déjà un sacré outil pour changer le monde non ?
"Les Thanatonautes", c'est ton livre oublié, partout tu en parle avec une certaine nostalgie.
A sa sortie des Thanatonautes on a fait le grand chelem : zéro article, zéro émission radio, zéro émission télé. Peut être le titre était trop « étrange » (il vient de thanatos la mort et nautis explorateur). Il n'y a que les lecteurs les plus accros des fourmis qui ont découvert ce livre. C'est mon bouquin en tout cas le plus « audacieux ». Décrire ce qui nous arrive après notre trépas et décrire le continent des morts comme un nouveau continent à coloniser ca ne pouvait pas passer facilement auprès des « cul-cul la praline ».
Que penses tu de ce site informatique?
Vous voulez vraiment que je vous le dise ?
Oui !
Votre site est excellent. Ce n'est qu'un début. Le plus dur est devant. Soyez exigeant. Demandez à tous les connectés de vous aider à le faire évoluer. |
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Interview du 19 Novembre 1996
source: web.archive.org
Cher Bernard on t'a vu à Bouillon de culture le 15 novembre 1996, on avait l'impression qu'on ne te laissait pas parler. Tu as juste eu 5 minutes de paroles pour parler de ta trilogie des " fourmis "alors que les invités cinéastes ont eu 40 minutes pour parler de leur documentaire qui entre nous avait l'air un peu " plan plan ".
C'est le propre de la télévision, elle ne conserve qu'une image furtive et superficielle des choses. Les gens ne retiennent que la couleur du pull ou la forme des lunettes. C'est très difficile de pouvoir prendre son envol et en général dès qu'on commence à parler on est coupé. Mais c'est le système qui est comme ça. Il faut faire avec. La forme prend le pas sur le fond. On ne peut plus faire passer d'idées par ce canal. C'est pour cela qu'internet me semble mille fois supérieur comme vecteur d'idées. La télé c'est une information faible qui touchent des millions de gens non ciblés et non concernés. Internet c'est une informations forte qui touche un public concerné et qui est capable de comprendre des concepts nouveaux sans qu'on les mâche et qu'on les entoure de paillettes.
Depuis que tu as ce site internet, nous avons en moyenne entre 120 et 130 connexions par jour. Que pense tu de ça ?
Il faut faire encore mieux. Ne vous endormez pas sur vos lauriers. Mais ce qui me plaît c'est qu'il se passe toujours des choses chez vous. Vous avez bien fait de changer par exemple la page de garde et d'installer un forum.
Dans la révolution des fourmis tu parles d'infra world et visiblement ca a l'air de titiller nos connectés.
Normal. C'est en analysant un monde similaire et plus petit qu'on pourra prendre le recul nécessaire pour comprendre celui dans lequel nous vivons ici et maintenant. Je vois l'humanité comme un immense troupeau qui avance. Ou plutôt qui avançait. Maintenant on a stoppé on fait du surplace. On répète les mêmes erreurs. Et les seuls qui proposent quelque chose sont les réactionnaires qui proposent donc la marche arrière. Je crois qu'entre ne pas avancer et reculer il y a la place pour une troisième voix. Tenter d'imaginer un nouveau chemin. Même s'il est mauvais, il faut garder l'ambition d'en trouver un bon et surtout un surtout nouveau. Et puis il peut être bon...
Comment expliques tu le succès de la trilogie des fourmis ?
C'est une mythologie. On manque de mythologie moderne. Personnellement, j'en ai connu que deux dans ma jeunesse : " Fondation " d'Asimov et " Dune " d'Herbert. J'ajouterais aussi " Le seigneur des anneaux " de ce sont des mythologies. Mieux que des reportages elles donnent une vision de l'esprit de l'époque. Je vais essayer d'en bâtir de nouvelles. J'espérais que les thanatonautes deviendraient une mythologie céleste comme les fourmis étaient une mythologie terrestre. Au début, cela a semblé échoué, mais le succès en poche (et dans les hôpitaux ou il sert d'aide à l'accompagnement des malades en phase terminale, afin qu'ils n'aient plus peur de la mort) me pousse à écrire le deuxième volume des thanatonautes. Mais pas tout de suite. Je fais encore un livre dans une direction différente et puis j'écrirais le deuxième volume des thanas.
Tu veux faire là encore une trilogie ?
J'en sais rien. Ca dépendra de mon inspiration et des réactions du public. Je ne veux pas utiliser de système ni me répéter. Pour moi aussi l'écriture est une aventure. J'aime bien me remettre en question. Miser tout mon acquis sur des paris risqués. C'est ça vivre : ne pas s'endormir, ne pas entrer dans des routines, se mettre dans des situations ou l'on est obligé de se remettre en question et de s'améliorer. Mais pour moi faire la suite des thanatonautes c'est déjà un challenge difficile. Que dire après la découverte du paradis et l'explication du sens des réincarnations ? S'il le faut, je me déballonnerais au dernier moment devant la difficulté de la tache. On verra bien, mais je salive d'avance à l'idée de m'approcher de ce gouffre vertigineux.
Tu es donc sur un nouveau roman actuellement ?
Mmmhhh... Ouais. Je suis sur un très gros chantier.
Plus de fourmi, n'est ce pas ?
Non. C'est un polar avec de la science. Pour l'instant, je préfère ne pas trop dévoiler le bébé.
On insiste !
Bon. Ok. Je vous en dévoile un petit bout. Qu'est ce je peux vous dire ? Hé bien que ça se passe à Paris. Que le héros s'appelle Isidore et l'héroïne Lucrèce. Et qu'ils vont au fil de l'enquête sur un crime étrange faire la plus gigantesque découverte du siècle. La vérité...
Tu en dis trop ou pas assez.
Justement, je préfère donc m'arrêter là.
Isidore et Lucrèce... Mmh elle est mignonne Lucrèce ?
Plus belle que Laetitia Wells et Julie Pinson réunies...
Merci Bernard.
De rien les gars, salutations au " village " de connectés de ce site. A vous lire j'ai l'impression que vous formez vraiment une petite communauté virtuelle. Marrant et très impressionnant.
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Bernard Werber à l'émission E=M6
source: web.archive.org
Bernard Werber à l'émission E=M6.
Bernard Werber avait fait une brève apparition à l'émission E=M6 sur les fourmis.
Il nous parlait des Fourmis.
Voix off : Tous les matins, quand le soleil apparaît, elles sont des milliards à sortir de leur maison et à partir au travail. Elles, ce sont les fourmis, dont les 9 000 espèces différentes ont colonisé toute la planète. Aujourd'hui, pour chaque hêtre humain que la terre porte, il y a au moins 300 millions de fourmis. Le secret de leur réussite ? Une organisation sociale très performante. L'homme peut-il en tirer des leçons ? Et d'abord, peut-on comparer notre société à celle des fourmis ? Pour le savoir, direction un laboratoire de Villetaneuse où des dizaines d'espèces de fourmis vivent dans des fourmilières artificielles en plâtre. Un bon endroit pour observer les ressemblances étonnantes entre l'organisation des hommes et celle des fourmis. Premier exemple, ces oeufs sont tous entreposés dans un des coins de la fourmilière, une véritable maternité, ou plus exactement, une crèche. Ca ne vous rappelle rien ? Le sens du rangement des fourmis ne s'arrête pas là. Regardez* cette partie de la fourmilière. C'est là que tous les détritus sont soigneusements mis à l'écart. Une véritable décharge publique. Mais le plus extraordinaire, c'est peut-être la façon dont certaines fourmis s'alimentent. Exemple ces fourmis champignonistes. Ce n'est pas pour elles qu'elles ramènent ces morceaux de pétales de roses vers la fourmilière. Mais pour alimenter des champignons qu'elles cultivent pour nourrir la colonie toute entière. Après l'agriculture, l'élevage. Cette autre espèce, utilise, elle, des chenilles qu'elles protègent des prétadeurs. Une protection intéressée car elles vont litéralement traire ces chenilles qui produisent un liquide sucré dont elles raffollent : le miellat. L'homme est donc loin d'avoir inventé l'élevage. Quant à la défense du territoire, regardez* plutôt.
Chercheur au CNRS : J'ai marqué deux fourmis qui sont d'une autre espèce et qui sont marqués en rouge et que je vais introduire ici.
Voix off : En quelques secondes, l'étrangère est repérée par une fourmi dont les mandibules s'écartent aussitôt en position d'attaque. Les fourmis à proximité sont alertées, c'est la purée. On pourrait ainsi multiplier les exemples de ressemblances entre la société des fourmis et notre société moderne. Il est vrai que l'homme comme la fourmi est un animal sociable. Mais c'est le cas de bien d'autres espèces. Alors, pourquoi aime-t-on toujours comparer notre société à une vaste fourmilière ?
B.W. : Notre grand point commun avec les fourmis, c'est de vivre dans des communautés citadines. Et les fourmis, vivant sur terre depuis 100 millions d'années, ont poussés bien plus loin l'art de la cité. Elles arrivent actuellement à construire des cités qui peuvent contenir jusqu'à 50 millions d'individus. C'est comme si toute la France tenait dans Paris. Actuellement, nous, dans nos cités humaines, nous n'arrivons pas à cette réussite. Ca veut dire que nous avons peut-être des choses à apprendre des fourmis dans l'art de vivre ensemble, en ville, sans problèmes.
Voix off : Il est vrai que chez les fourmis, l'entraide est permanente. Les unes nourissent les autres sous la protection des grosses fourmis sodats. Et pour les scientifiques, la ressemblance n'est qu'apparente. Le mode de fonctionnement des fourmis étant tout à fait différent du notre.
Pierre Jaisson (biologiste à l'université de Villetaneuse) : On peut pas comparer. L'homme décide, doit décider de ses règles d'organisation. Alors que la fourmi ne peut pas choisir entre l'entraide et l'absence d'entraide, elle est complètement canalisée dans l'entraide et ça lui réussi pas mal d'ailleurs.
Voix off : En effet, pas de mal nourri chez les fourmis. Une de leurs règles de base et le partage systématique de la nourriture que l'on voit ici (image de trophalaxie). Comme les robots, les fourmis ont ainsi quelques règles qui vont régir le comportement. La preuve, des informaticiens, en laissant agir des fourmis robots pourvues de ces règles dans la mémoire d'un ordinateur, sont parvenus à recréer la dynamique d'une fourmilière. Il faudrait donc plutôt comparer le cerveau d'une fourmi à celui d'un robot. C'est le grande différence avec l'homme qui, même lorsqu'il accomplit une tâche répétitive peut s'arrêter à tout moment et changer d'activité. Les fourmis, elles, ne possèdent que des règles pour accomplir automatiquement des tâches bien précises et elles n'ont pas le choix. Mais ces règles sont telles, que collectivement, elles forment une société d'une redoutable efficacité capable d'engendrer des formes complexes, comme cette fourmilière*.
Pierre Jaisson : Les fourmis et les hêtres humains ont accédé par des voies totalement différentes à des niveaux de complexification de systèmes assez similaires. Mais l'énorme différence reste que les sociétés humaines sont basées sur, d'abord, la conscience de soi, ensuite sur un système de valeur, alors que les sociétés fourmis n'ont ni conscience d'elles mêmes, ni système de valeur.
Voix off : Dernier exemple, la sexualité des fourmis diffère vraiment de la notre. Toute la fourmilière est constitué d'individus stériles et voués au travail à l'exeption de la Reine qui passe sa vie à pondre. Imaginez un peu la Reine d'Angleterre chargée à elle seule d'assurer le renouvèlement de la population du Royaume-Uni.
* Vous ne pouvez malheureusement rien voir ! |
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Bernard Werber sur #Fourmis
source: web.archive.org
#fourmis
#fourmis : le channel IRC de La Revolution des Fourmis
Rencontre avec Bernard Werber, Mercredi 26 fevrier 1997.
Session Start: Wed Feb 26 21:31:00 1997
*** bwerber has joined #fourmis
_JP_ Bonsoir Bernard !!!
Lunar_fr Bonsoir Bernard, bienvenue sur #fourmis !!!
_JP_ Comme tu vois il y a du monde !!!
bwerber il y en a ici que je connais déjà?
bwerber salut la compagnie je suis à l'heure
Kami Bonsoir Bernard ! moi et ma mere sommes des passionnes de vos livres, mais notre prefere est les thanatonautes.
Kami Allez-vous en faire une suite malgre l'echec commercial
bwerber quoi des thanas
bwerber ok
Kami Les fourmis etaient fascinantes, mais a la fin on aimerait decouvrir d'autres choses.
Kami les thanatonautes etait d'une originalite unique
bwerber oui je suis en train d'écrire autre chose. Un polar scientifique sans fourmis
Kami chouette !
Kami Poiuvez-vous en dire plus ?
bwerber je vais écrire (un jour pas tout de suite) un deuxième volume des thanas
Kami merci merci merci ! savez-vous pourquoi il n'a pas eu autant de succes que les fourmis ?
bwerber je vais écrire encore deux romans différents sur des sujets différents après je ferais le deuxième thana
Kami les critiques n'ont pas ete tres bonnes :-( combien de temps avez-vous passe dessus ? il y a enormement de recherche. est-ce que tous les mythes sont vrais ?
bwerber les thanas c'est mon bouquin le plus sensible ca m'a en effet demandé un immense boulot!
popop salut bernard
popop je rentre tout de suite dans le vif du sujet(en tout cas celui qui m'intérresse)
popop J'ai l'impression que dans vos ouvrages vous avez une théorie sur l'evolution des espèces différente de celles propre au Darwinisme ou plutot au néodarwinisme.Je m'explique vous présentez l'évolution comme si elle était l'ACTION de l'espece,comme si l'espece "dévelloppait" les changements qu'elle a au fil des siecles,sans laisser entendre qu'elle peut être causée par la sélection naturelle .
popop Est-ce un oubli volontaire pour les besoin de l'histoire ?
popop Ou n'êtes vous pas daccord avec le néodarwinisme?
popop Ou ai je mal percu votre ouvrage ?
bwerber je me sens plus proche des idées de lamark. C'est d'ailleurs l'un des thêmes de mon prochain roman. Darwin me semble un escroc
popop c'est pour ça que je parle de néoDarwinise
bwerber je ne suis pas d'accord avec le neo darwinisme, yes!
popop de quelle façon?
popop et peut tu m'expliquer les idées de Lamark?
popop en bref!
bwerber on va peut Ítre pas develloper ca ici. Ca va ennuyé tout le monde !
Jobik Michael Pinson (thanatonautes) et Julie Pinson (fourmis) ont-ils les memes noms par "pure coincidence" ?
bwerber Pour les pinsons non ce n'est pas une coincidence. Il y a plein de petits détails comme ca à reperer. bravo
Jobik y'aura t-il un lien entre ces deux histoires plus tard
Lunar_fr bwerber : tous tes bouquins seront liés de cette manière?
bwerber tous les bouquins sont reliés en effet. La trilogie plus les thanas forment un tetraèdre.
Jobik y'en aura t'il d'autres apres ?
bwerber le tetraèdre est complet mais on ca complexifier la structure geométrique
Uzul (Salut Bernard.) Au niveau des initiales, aurais-tu fait un parallèle entre Edmond Wells et Edward Wilson (le père de la sociobiologie), ou est-ce juste une simple coincidence ?
bwerber simple coincidence. j'aime pas trop wilson.
Uzul merci
nerozen quels sont tes maîtres à penser en litérature?
nerozen Richard Bach non?
bwerber Philip k dick. Franck Herbert. Asimov. Richard Bach. Rabelais. Poe.
NoirDesir ....salut a toi Bernard ...... ........maxence , 16 ans , Bastia ...........desole .j'ai lu tes livres il y a + d'un an
NoirDesir Mais je n'ai pas de question..juste un leger reproches
NoirDesir .....dans les thanatonautes ......
NoirDesir tes recherches sur les diverses religion ....
NoirDesir sont assez chiantes.... au debut, c'est instuctifs, mais apres, nous sommes assez interesse par l'histoire, nous voulons continuer...donc on coupe ces petis paragraphes
NoirDesir .........donc..... et j'en ai discute dans ce channel ....(que j'ai decouvert il y a 1 semaine) ..... et il sont tous a peu pres d'accord (je ne siturait pas de nom )
NoirDesir donc..voila .......................
bwerber tu lis le livre comme tu veux.
_JP_ y a t'il une structure cachee dans l'agencement des cosmogonies Bernard ??
bwerber non plutot dans le roman dans son ensemble
AlliG Bernard dans la Révolution des fourmis
AlliG tu donnes une démonstration de 1+1=3 qui d'ailleurs est totalement fausse (mathématiquement!!)
AlliG pourquoi as tu mis cette démo ???
bwerber ce n'est pas faux. Diviser par zero donne l'infini
_JP_ allig autre question ???
AlliG mais le passage au dénominateur n'est possible que si le dénominateur et non nul,et ...
_JP_ on ne va pas rentrer dans un debat mathematique...
bwerber en effet
popop nous sommes une communautée qui écoute ce que tu as à dire ok?
bwerber yex
popop ne pense tu pas que nous répétons la situation de Nicolas qui parle à ses sujets en étant leur maitre à penser
popop comme tu peut etre notre maitre à penser en ce moment
popop !
bwerber tu veux savoir si j'ai envie de devenir un maitre à penser?
Lunar_fr bernard : tu l'es déjà pour beaucoup...
bwerber non j'y ai pas réfléchi mais si j'ai de bonnes idées je ne vois pourquoi je ne les ferais pas circuler
bwerber de la mÍme manière que j'aime lire les bonnes idée de Philip K dick
popop ça bouge beaucoup sur les cites fourmis et sur irc
popop et c'est toi le moteur!
bwerber merci. C'est vrai que c'est agreable de faire bouger un peu les choses
nerozen Personnellement je trouve que la révolution des fourmis est un chef d'oeuvre sur le fond : c'est un rayon que dis je un soleil dans ce monde terne, conformiste, désabusé... C'est une belle utopie, une vision différente du monde. Crois tu vraiment en ce que tu écris ?
bwerber oui
nerozen Jusqu'à quel point a tu respecté la vérité scientifique en ce qui concerne la communication entres les fourmis?
bwerber on sait dire quelques mots moi je leur ai fait dire des phrases
nerozen es tu attiré par les religions orientales ?
bwerber tout m'interesse
Jobik pour en revenir au tetraedre (et a asimov)....
Jobik penses-tu relier tes differents romans en une grande histoire coherente.....
Jobik comme l'a fait asimov avec fondation et les robots ?
bwerber non. Ce sont des fragments qui se relient entre eux mais je ne vais pas imposer de lien
Jobik Si tu as le choix prefersais-tu rester humain ou devenir fourmi ?
bwerber je préferais etre humain
Jobik pourquoi ?
Jobik l'amour ?
Jobik l'humour ?
bwerber non la pensée
Jobik l'art ?
Lunar_fr Jobik : ca sera tout merci
Neuche Tout d'abord Salut Bernard, Je voudrais savoir pourquoi vous avez ecrit un livre sur la Mort ? Est-ce parce que vous en avez peur ? Et je dirais que cette perspective de la Mort ne me semble pas désagréable (en effet, je n'ai rien a me reprocher...)
bwerber ouais l'art, l'amour, l'humour, l'ordinateur
Neuche Tout d'abord Salut Bernard, Je voudrais savoir pourquoi vous avez ecrit un livre sur la Mort ? Est-ce parce que vous en avez peur ? Et je dirais que cette perspective de la Mort ne me semble pas désagréable (en effet, je n'ai rien a me reprocher...)
bwerber exact j'ai écrit les thanas pour avoir moins peur de la mort. La mort c'est pas grave.
Neuche Mais tes proches pensent la meme chose que toi ?
Lunar_fr Bernard : n'as-tu jamais eu peur qu'on t'accuse pour avoir insiter au suicide via ton bouquin?
bwerber non dans le bouquin je dis que le suicide c'est dangereux
bwerber on peut rester avec son ame errante des millénaires (dixit le bardo todol)
Lunar_fr bon...débat libre... dans la mesure du possible
Sliders Bonsoir Bernard. J'ai cru comprendre qu'il n'y aura pas de suite aux fourmis ? Pourquoi ? As-tu peur de devenir "BW, l'auteur des fourmis", et non "BW l'écrivain" ?
bwerber exactement
Sliders Bernard : Je n'ai qu'1 déception dans "La Révolution des fourmis", c'est qu'à la fin les rapports humains / fourmis sont les mêmes qu'à la fin du "Jour des fourmis". N'aurais-tu pas aimé faire évoluer ces rapports vers une véritable coopération, une inter-découverte "officielle" (ou une guerre ! Vu notre raciste viscéral ...) ?
bwerber si mais c'était impossible car non crédible. J'ai longtemps hésité
bwerber je le ferais peut être autrement ailleurs dans un autre livre
Lunar_fr Bernard : ma soeur m'a fait remarquer l'autre fois, que tes nouvelles 'indites' était surtout des remakes de certaines grandes idées des fourmis
Lunar_fr (surtout l'école des jeunes dieu)
_JP_ (en fait les nouvelles sont antecedentes )
bwerber c'est peut être juste. Les nouvelles sont en fait un galop d'essai pour voir comment ca fonctionne
bwerber mes maitres (dick, ou brown par exemple) ont fait pareil
popop Grace aux progres de la technologies dans le domaine de l'audiovisuel il est tout à fait possible de faire une adaptation de votre livre pour le cinéma.
popop pensez vous que ce serait une bonne chose et si oui,y at'il un projet de cette envergure en cours?
bwerber bien sur je me bats depuis 6 ans pour ça. Mais ici il n'y a pas de culture de fantastique
bwerber on n'arrive pas à monter une équipe
Mantis bernard: est-ce ke tu kroi en l'homme? kroi tu kil va un jour tout détruire, ou kil deviendra raisonble grace a des (r)évolutions?
bwerber c'est le thême du prochain roman
zorrino Etait il prevu des le debut de faire des fourmis une trilogie ou est ce le succès qui en a décidé?
bwerber c'est non seulement le succès mais l'impression d'être incompris
Jobik bernard, as-tu une idee de ce qui pourrait etre une societe humaine "ideale" ?
bwerber pas encore. Mais j'ai des idées pour essayer de l'imaginer
Lunar_fr merci, Bernard n'empêche... je pense que tes livres, et surtout la trilogie des fourmis, m'ont permis (et a beaucoup d'autre aussi je pense) de voir la vie différement...
bwerber c'est mon objectif prioritaire
_JP_ bernard un connecte a trouve une structure miroir dans la revolution : peux tu nous en dire plus ; qu'est que cela signifie ?
_JP_ (le miroir est dans le titre des chapitres et dans le contenu de ceux-ci)
bwerber il y a en effet une structure en miroir
bwerber le miroir c'est notre vision sur nous meme.
_JP_ Bernard : pensais tu en ecrivant la revolution que des sites allaient se creer comme dans le bouquin ??
bwerber reponse à jp, j'ai espéré qu'il y ait des sites internet mais je ne m'attendais pas à
bwerber ce que ca aille si vite.
Lunar_fr Bernard : cris-tu tes bouquins comme moi je les lit (c-a-d au finish)
bwerber au finish? C'est à dire d'une traite?
Lunar_fr bah.... disons un chapitre d'une traite par ex...
Lunar_fr parce que 1 200 pages en une fois c'est un peu BEAUCOUP ))
bwerber non pas vraiment. D'abord l'idée. Puis la fin. Puis le début
Blueberry t'as pas eu du mal pour ecrire le premier?
bwerber si ca m'a pris 12 ans
Sliders pourquoi commencer par la fin ?
bwerber parce que comme ca je sais ou je vais. Reponse à sliders
Blueberry a quel age tu as commenci a ecrire?
bwerber reponse à blub. J'ai commencé ma première nouvelle à 8 ans. Les fourmis à 16
bwerber j'ai actuellement 35 ans
Lunar_fr Bernard : penses-tu un jour qu'on puisse lire quelques part la premiere version des fourmis en 18 volumes + 3 annexes ?
bwerber C'est possible, mais je crois que ca n'interesserait aucun éditeur
popop quelles études tu as suivi?
bwerber droit. Criminologie. Journalisme
Nico une question pratique : quand devrait sortir 'la révolution de fourmis' en livre de poche ?
bwerber dans deux ans.
Uzul Bernard, question ouverte : comment vois-tu notre société de demain (avec ce que peuvent apporter les nouveaux moyens de communication par exemple) ?
bwerber On peut esperer une décongestion des villes.
popop ouaip avec une bande passente un peut plus large
Uzul tu penses au teletravail ou des solutions de ce genre ?
bwerber yes
Barfly Un bonsoir de Genève! Bernard tu veux nous en dire un peu sur ton prochain livre, le scénario parle de quoi en gros?
bwerber pour l'instant je préfère garder le titre et le thême secret
Blueberry Une autre question bernard, crois tu qu'il faut différencier l'homme de l'animal?
bwerber c'est encore le thême du prochain
Sliders BW : J'ai trouvé bizarre ta présence dans l'anthologie "Genèse", car ta nouvelle n'est pas vraiment de la SF (mais excellente quand même !), et tu es un peu en marge du courant SF français.
Sliders Comment t'es tu donc retrouvé dans "Genèse" ?
bwerber c'est pour faire plaisir à Ayerdahl.
bwerber vous etes tous à paris ou (en dehors de JP) il y a des gens de loin?
Barfly Genève
Blueberry rennes
Ishtar je suis ý Nevers
lila liège
Jobik je suis a lannion (bretagne)
nerozen Lille
popop Luxembourg
bwerber ah enfin je vous vois tous parler!!!
wilymanu clermont ferrand
farfadet amiens
bwerber salut. C'est formidable de vaincre l'espace
Sliders communication absolue ?
nerozen Bernard as tu pensé à sortir un bouquin dans l'esprit : L'encyclopédie du Savoir Relatif et absolu? (j'ai cru comprendre qu'il existait qq chose du même style pour les enfants)
bwerber pour l'encyclopédie c'est é l'étude, mais d'abord mon nouveau roman
nerozen super....
bwerber il y a que des mecs ou il y a aussi des jeunes filles ici?
PhiR il n'y a presque que des mecs sur irc en general
NoirDesir HA HA HA ...bernard..interesse ?
nerozen ben je crois que c clair
nerozen coquin va
Uzul Chercherais-tu une Julie Pinson, Bernard ?
PaLm-153 bw: si tu ve des meuf va sur #sexfr
lila chui une fille !
Mantis fo faire du cu-see me alors
bwerber ah je vois que ca fait réagir
bwerber salut lila
lila salut bernard
PhiR tiens c la premiere fille sur irc depuis ... facil 6 mois
Lunar_fr Bernard : comment trouves-tu tes idées exactement ? te vienne-t'elle au moment ou tu t'y attends le moins, puis tu te dis "ca ca pourrait faire un bouquin", ou je tu les paufines bien méthodiquement ??
bwerber j'ai tout le temps des idées, le problème est de les trier
Jobik pourquoi n'y a t'il pas tous les articles dans l'ESRA que tu as publiee
Ishtar a tu une ideé de la date a laquelle sortira ton prochain livre
* Lunar_fr vous présente zelda (sa chérie d'amour) et son frère (wedge)
bwerber pourquoi y a t il moins de fille que de garçon en général sur le net?
[327] bah... demande o filles
PaLm-153 bw: parce que le meuf n'on pas d'ordi
Mantis passke c technike et en gen les filles aiment pas l'info...
popop il y en à moins dans l'informatique en général
Barfly Et intéressée aux ordinateurs en général...
PhiR parce ke plus de garçon ont des ordinateurs ? (me traitez pas de macho hein jy suis pour rien
bwerber ouais ca doit être ca
wilymanu un probleme femme / pc ?
lila oui!
PhiR dans les ecoles en info ya moins de fille deja c assez representatif
Lunar_fr Bernard : zelda et moi, on s'est d'abord aimé sur IRC avant de se voir en vrai... on est le prototye de la génération nouvelles technologies...
NoirDesir et pkoi il n'y a pas de fourmlis sur le OUEB ?
Jobik les ordis sont SUR les bureaux et les filles DESSOUS !
Lunar_fr Jobik : oooooohhhhhhhhhhhhhhhhhhhh
wedgelda zelda trouve que y'a pas assez de filles interressees a la micro!
bwerber dites donc çà commence à ressembler à une reunion de gens
Sliders BW : La musique joue un grand rôle dans éLa RÈvolutioné. De +, les 3 "voix" du roman (humains, fourmis, encyclo) traitent des mÍmes thêmes (révolutions, utopies, etc.), comme des instruments qui jouent ensemble le même thême musical. Quelle est la place de la musique quand tu conçois et écris un roman ?
bwerber en fait cette place baisse. Ces temps ci ca me déconcentre. Mais pour la trilogie
bwerber j'en ai usé à fond
Lunar_fr Bernard : de la techno non?
bwerber non pas de techno
bwerber surtout genesis, yes, pink floyd
bwerber ouais led zep. Cashemire
farfadet bernard y a t il un concepte philosophique que tu n' as jamais remis en cause
bwerber reponse à farfadet. Oui. La vie
popop Pour moi une utopie c'est qq chose qui rime avec iréalisme,extrèmisme.Il est très dangeureux de vouloir faire une société parfaite car on s'expose tout de suite a des jugements de valeurs sur ce qui est imparfait et donc,inévitablement,a l'intransigence,mot que je ressent plus comme péjoratif que positif!
AlliG Popop : mais une utopie permet tout de même d'essayer d'améliorer peut être le réalité ?
AlliG Popop : c'est vrai qu'une utopie peut être dangeureuse, mais elle peut aussi dénoncer (cf voyages de Gulliver)
[327] ca fait kombient de temps ke t'as decouvert l'irc ?
bwerber j'ai découvert l'irc depuis une semaine
Barfly Bernard: Est-ce que tes romans sont traduits en hollandais? Si c'est le cas, tu connais les titres?
bwerber oui c'est traduit en hollandais. Myeren
_JP_ ca te plait #fourmis bernard ?? t ureviendras ??
bwerber bon ok je vous propose qu'on se retrouve
bwerber j'arrangerai ca avec JP
bwerber je disais que vous n'aurez qu'à vous branchez sur le site ENSTA pour savoir la date du prochain RDV
bwerber Merci à tous. Bonne nuit. A bientot.
popop salut bernard
PaLm-153 BERNARD WeRBeR !
Mantis merci
wilymanu boone nuit bw
Sliders salut BW !
nerozen c'est quoi le dessert bernard?
ANONIM Bon appetit Bernard !
_JP_ bonne nuit !!
Blueberry tous fanatiques ici...
Uzul Ciao Bernard, et excuse nous aupres de tes convives
Mantis trophallaxie?
PaLm-153 Bye!
Jobik merci bernard
AlliG Salut
ANONIM Elle est bonne celle là !
_JP_ meilleures pheromones
NoirDesir yo brah
bwerber allez tchao
lila merci bernard!! Salut!
PaLm-153 BERNARD WeRBeR !
ANONIM Bises !
Blueberry ciao
Mantis ççç°°
NoirDesir LA QUESTION RETENUE DE LA SOIREE :
nerozen c'est quoi le dessert bernard?
popop :*
_JP_ ççç°°
bwerber le dessert c'est du yaourt!
*** bwerber has left #fourmis
*** bwerber has joined #fourmis
_JP_ Nostalgique ??
bwerber non juste un petit truc
bwerber c'est que si vous voulez me rencontrer vous pouvez me voir au salon du livre de paris
Ishtar c'est quand?
bwerber attendez je regarde la date sur mon psion)
bwerber ah ca y est
NoirDesir psion !!!!!!!!!wahou ..high tech le fourmiseuh
bwerber c'est le dimanche 16 mars à 14h chez albin michel et à 16 h à france loisir
_JP_ ano : note mais pour le mettre sur le site !!
bwerber ca se peut aussi que je vienne samedi après midi pour le livre de poche
_JP_ Merci Bernard !!!
bwerber ca je vous le confirmerais sur le site ensta
bwerber bon voilà cette fois ci c'est la bonne. Atachao bonsoir. BW
*** bwerber has left #fourmis
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Interview extraite du journal Science Frontières
source: web.archive.org
3 Colonnes pour changer le Monde... donne la parole mois-ci à Bernard Werber, romancier auteur de “La Révolution des Fourmis”
J'ai commencé à avoir envie de changer le monde à la sortie du ventre de ma mère... Je trouvais qu'il faisait un peu froid dehors et qu'il y avait trop de lumière...
Est-il vraiment nécessaire de changer le monde ?
Chaque génération a le devoir de proposer un monde meilleur. La pire chose qui puisse arriver c'est si une génération n'a pour seul objectif que de faire aussi bien que ses parents ! Soit le système est sclérosé, soit les parents ont fait un travail parfait ou encore les cycles sociaux ne fonctionnent plus ! Dans ce dernier cas l'Humanité piétine. Il faut à tout prix avoir envie d'aller de l'avant.
Et ce n'est pas le cas aujourd'hui ?
Le grand problème actuellement est qu'il y a des forces conservatrices en opposition avec des forces réactionnaires. Et en dehors de ne pas bouger et faire demi-tour, on ne propose rien... Personne ne propose non pas une révolution mais une évolution.
Que proposez-vous comme évolution ?
Peut-être déjà de s'arréter et de réfléchir... Par exemple dans la révolution des fourmis je propose de fabriquer un petit monde informatique similaire au nôtre où l'on puisse tester les différentes politiques pour voir ce qu'elles donnent sur le court, le moyen et le long terme. Il faudrait se demander ce qui se passerait si on testait le communisme, l'anarchisme, l'ultra-libéralisme... Peut-être que des choses qui nous semblent mauvaises dans le court terme pourraient se révéler bonnes par effet pervers dans le long terme et réciproquement.
Une visualisation de nos avenirs possibles nous aiderait-elle ?
Il faudrait effectivement avoir une réflexion dessinée, qu'on puisse visualiser. Peut-être faudrait-il que les politiciens nous disent "regardez, je vous propose qu'on prenne ce cheminement parce que je pense qu'on va passer par là, par là, par là,et qu'au final, même si c'est un peu pénible, on va arriver à ce point-là qui fera que nos enfants seront très bien sur cette planète !"
Cette visualisation permettrait-elle de changer notre regard ?...
Et de se rendre compte si une politique est bénéfique aux individus mais aussi à la collectivité et à l'ensemble de tout ce qui est vivant sur Terre. Il serait peut-être temps d'avoir une réflexion non plus sur nous en tant qu'individu ou nation mais en tant qu'animal integré à toutes les autres formes de vie. Il serait temps de développer une sorte de "chauvinisme terrien ", qui fasse qu'on se sente solidaire de tout ce qui est vivant sur Terre.
On ne peut pas forcer les gens à changer le monde...
Non, mais on peut les éduquer ! Je crois que l'essentiel de la révolution se fera tout simplement en apprenant aux gens une forme de civisme hyper poussée qui consisterait à entrer en empathie avec toutes les formes de vie : les fourmis, les plantes, etc... Qu'on puisse se dire que ce sont des partenaires et c'est avec eux qu'on va bâtir un monde meilleur !
Très concrètement comment vous y prenez-vous pour changer le monde ?
Le moyen le plus puissant pour changer le monde, c'est d'avoir des idées. Car les idées sont comme des virus, contagieux ! Elles peuvent faire le tour de la planète en tres peu de temps et peuvent renverser des forteresses !
Et vous, vous proposez des idées ?
Je raconte des histoires et les histoires c'est un peu comme des rêves qu'on propose aux gens. Et je crois qu'en amenant les gens à rêver plus loin, on élargit leurs horizons. Mes livres, je l'espère, développent l'imagination des lecteurs.
Au quotidien, comment faites-vous ?
J'essaie de nourrir mon cerveau de telle manière que ce soit un muscle qui se renouvelle sans cesse. Je crois que dès le moment où l'on arrête de se poser des questions, d'être curieux, de s'émerveiller devant les toutes petites choses qui nous entourent, d'une certaine manière, on est mort ! Donc j'essaie de cultiver ce côté presque enfant qui est de s'émerveiller devant tout et de garder sa curiosité intacte.
Est-ce bien sérieux ?
Non, mais je ne suis pas quelqu'un de sérieux !
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La retransciption du passage de Bernard Werber à Net Plus Ultra sur la 5ème
source: web.archive.org
Bernard Werber à Net + Ultra
Présentatrice : Depuis six ans, Bernard Werber enchaîne les best-sellers avec ses romans sur les fourmis. Avec les mêmes ingrédients que dans SAS, de l'action, de l'aventure, du sexe, de l'érotisme. Mais les personnages sont très différents et finalement, le résultat aussi. Dans "La Révolution des Fourmis", le dernier épisode de la saga, il est bien sûr question de révolution, mais aussi d'Internet. Et depuis quelque temps, ces petites bestioles ont envahi le Web.
Voix off : Les fourmis sont partout, dans nos forêts, nos campagnes et nos cuisines. On estime qu'elles sont plus d'un milliard de milliards à courir sur la planète. Alors, plutôt que de les écraser, observons les, car ces insectes ont beaucoup de choses à nous apprendre. C'est du moins ce que pense Bernard Werber. Dans son dernier roman, "La Révolution des Fourmis", déjà vendu à un million d'exemplaires, des lycéens se lancent dans une révolution pacifique en prenant exemple sur l'organisation d'une fourmilière et en utilisant Internet pour communiquer avec le reste du monde.
Bernard Werber : "La Révolution des Fourmis" en fait malgré son titre est un appel à faire la révolution des humains. C'est à dire que c'est un livre qui propose de changer le monde en utilisant les techniques modernes, à savoir Internet mais aussi les modes de communication dernier cri pour que les gens communiquent enfin, je dirais pour que le gens communiquent enfin en dehors de la télévision. Il ne faut pas croire parce que ça s'appelle "La Révolution des Fourmis" et parce que mes livres ont souvent le mot fourmi dans leur titre que ça ne parle que des insectes. C'est vraiment juste un appel à la méditation à travers l'observation d'une autre forme de pensée, d'une autre forme de vie.
Voix off : Spécialiste du comportement animal à l'université de Villetanneuse et amateur des romans de Werber, Dominique Fresneau bichonne ses fourmis, histoire de mieux comprendre leur mode d'organisation. Alors, peut-on vraiment faire le parallèle entre les fourmis et les hommes ?
Dominique Fresneau (Chercheur au laboratoire d'éthologie expérimentale et comparée) : Ça n'a pas la même taille, ça n'a pas les mêmes règles, ça n'a pas les mêmes contraintes, et ça n'aura pas les mêmes résultats. Les fourmis restent quand même prisonnières de réseaux très locaux. Ce type d'organisation s'apparente plus à des réseaux intranet d'entreprises.
Voix off : En clair, l'organisation des fourmis est plus proche d'un mini-réseau d'ordinateurs que de la toile mondiale du Net.
Naturellement, comme "La Révolution des Fourmis" imaginée par Bernard Werber met en scène l'Internet, le livre suscite l'intérêt d'une partie de la communauté cyber. Depuis sa parution, deux sites consacrés à l'auteur ont été mis en ligne.
Bernard Werber : Les sites sur les fourmis sont apparus non pas de mon impulsion, mais de l'impulsion des lecteurs qui avaient envie de se retrouver pour parler de ça. Je ne les ni surveille, ni contrôle, par moment je viens pour donner un avis alors qu'ils sont en train de discuter entre eux. Je ne veux surtout pas avoir l'air d'un gourou, je ne veux pas avoir l'air d'un écrivain condescendant. Non, je crois que c'est des villages, comme des places, des agoras, où les gens se retrouvent pour parler de choses qui les intéressent.
Voix off : Bibliothèque fourmis, forums de discussions, dialogues en direct, une vraie communauté fourmi s'est mise en place sur le réseau, plus intéressée par les fourmis romancées que par les insectes proprement dits. A l'origine du premier site de "La Révolution des Fourmis", Charles et Hervé suivaient l'œuvre de Werber depuis le début.
Hervé Cohen (Créateur du site Fourmis WMultimédia) : Un jour, on a décidé de se voir plus. On a laissé un message. On a dit : "Voilà, on va se voir tel jour, telle date, tel lieu." Il y a des gens qui sont venus, il y a eu une réunion qui n'était plus une réunion virtuelle sur le forum, mais une réunion bien réelle et Bernard Werber est venu bien évidemment et on a tous pu discuter de tous les thèmes qui étaient abordés dans le livre, et il s'est même trouvé que Bernard nous a expliqué quelques petits points mystérieux qui étaient dans ses livres.
Voix off : La révolution des fourmis serait-elle déjà en marche ? Oui, à en croire les idées de Bernard Werber, largement relayées par les internautes qui à leur manière font un travail de fourmis. A propos de labeur, contrairement à la fable, toutes les fourmis ne sont pas travailleuses, loin de là, elles s'accommodent d'un taux de chômage record.
Bernard Werber : On a un exemple de société qui vit avec 66% de chômeurs, qui vit très bien et ça fonctionne parfaitement. Je crois qu'actuellement dans nos sociétés humaines, grâce aux robots, grâce à l'informatique, on va avoir de la même manière énormément de population inactive et qu'il ne faut pas s'en inquiéter. Le mot travail vient du latin trepidum qui est un supplice sur lequel on pendait les esclaves pour les rouer de coups. Il faut renoncer, il faut arrêter de sacraliser le travail.
Voix off : Les fourmis n'ont jamais fait de latin mais auraient néanmoins beaucoup de choses à nous apprendre surtout depuis que nous utilisons Internet. Comme la fourmilière, la communauté cyber serait libertaire et fomenterait en douceur une révolution non violente. Les internautes seraient ni plus ni moins les acteurs de cette révolution invisible.
Bernard Werber : C'est une révolution humaniste et moderne. C'est à dire que je crois qu'il faut renoncer aux cocktails Molotov et aux incendies de voitures et aux bris de vitrines. C'est une forme ancienne de révolution, il faut utiliser au contraire Internet et son cerveau, c'est bien plus fort. |
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Interview parue dans Eurêka n°8- Juin 1996
source: web.archive.org
Les fourmis font leur révolution
Dans la Révolution des fourmis, dernier volet de la trilogie des Fourmis, Bernard Werber continue d'explorer une civilisation vieille de cent millions d'années.
Saga des fourmis, acte III. La révolution est en marche... Les fourmis se rallient à la cause de la soldate 103, bien décidée à faire profiter sa race de son savoir "doigtesque"-entendez "humain" en langage fourmi. Car l'auteur, Bernard Werber, aime les néologismes, qu'il manie avec justesse est humour. Avec générosité aussi. En 550 pages fulgurantes, ses héroïnes préférées (il étudie les fourmis depuis l'âge de 16 ans) devront percer les trois derniers mysères des hommes : l'amour, l'humour et l'art... Là n'est pas le seul motif du livre qui joue, comme à l'habitude avec Bernard Werber, sur plusieurs registres. Tandis que les fourmis s'agitent sous terre, une habitante de la surface, en l'ocurrence une jeune étudiante, Julie, fait connaissance avec l'univers des fourmis et milite pour que notre pauvre société humaine découvre l'intelligence formique. Deux mondes s'épient, se jaugent et tentent de se rejoindre... pour le meilleur et pour le pire. Bernard Werber nous entraîne encore un peu plus loin dans le monde des "infra-terrestres". L'auteur s'est indéniablement amusé : la passion de Julie est née à la lecture d'un livre, l'Encyclopédie du savoir relatif et absolu, dans lequel se mêlent des traités philosophiques, des recettes de cuisine, des études sur le sommeil pardoxal, le tout illustrant la vie des fourmis. Bernard Werber attend-il sa Révolution qu'elle déclenche la même passion chez son lecteur ? Nous le lui avons demandé.
Julie Zwobad : C'est votre troisième livre sur les fourmis, que vouliez vous dire de plus au lecteur ?
Bernard Werber : Pour moi, ce livre est un bombe, mais je ne sais pas si elle explosera (NDRetranscipteur : apparemment, elle a pété très fort !). En tout cas, je l'ai conçu pour qu'il change les mentalités, ne serait-ce que par rapport à la science. Pour l'instant, c'est un domaine coupé du public. Moi, je veux montrer que science et roman se marient en toute logique.
J.Z. : Un "roman scientifique", c'est quoi, exactement ?
B.W. : Mais en fait, tout ce que je raconte dans la Révolution est preque réalisable. La grande idée du livre, c'est que plus c'est réel, plus c'est magique. C'est pourquoi je me donne beaucoup de mal pour constituer une documentation solide. Je fais une littérature métisse alliant fantastique et science, mais n'est-ce pas la vraie définition du mot "science-fiction"... Les auteurs de science-fiction doivent pousser l'imagination très loin, les scientifiques n'ont qu'à s'interroger. La science est le seul domaine où la pensée se renouvelle encore. Je suis très content d'être né à l'ère de l'informatique. C'est pour moi non seulement une réalité quotidienne mais surtout un vrai concept philosophique. Aujourd'hui, nous pouvons créer des mondes artificiels et nous n'en sommes qu'à l'époque préhistorique ! On sait par exemple fabriquer fabriquer des phéromones fourmis [sécrétions externes qui stimulent une réaction chez un autre membre de la même espèce, NDRL]. Il n'est donc pas impensable qu'on communique un jour avec elles. Dans la Révolution, les fourmis bénéficient de notre technologie, et nous de leur connaissance de la nature.
J.Z. : Et si communication il y a entre humains et fourmis, qu'est-ce que les hommes ont à apprendre des fourmis et réciproquement ?
B.W. : Les hommes ont beaucoup à apprendre sur la vie en société, le respect de la nature, la gestion des villes et la répartition des tâches. A l'inverse, nous pouvons enseigner aux fourmis l'amour, l'humour et l'art, trois concepts qui rendent les êtres humains un peu moins animaux. Il n'empêche, globalement l'homme est un animal, le livre est là pour le rappeler. Il faut redescendre de notre piédestal. Dans la Révolution des foumris, j'ai voulu montrer qu'à partir de l'observation de ces petits insectes, on peut aller très loin et s'ouvrir à d'autres modes de pensée. Les fourmis vivent dans des villes comme nous, elles nous donnent moyen de réfléchir sur notre monde à travers l'observation d'une cité vue d'en haut.
J.Z. : Les "fourmis" a été traduit en douze langues, il a même été mis au programme de certaines classes de biologie. Cela fait-il de vous une référence en entomologie ?
B.W. : J'ai mis douze ans à écrire Les fourmis, et à réunir une documentation, tout en étant journaliste scientifique. Lorque l'on est "hyperspécialiste" d'un domaine, il devient merveilleux. J'ai accumulé des connaissances en astronomie, en mathématiques, en sociologie ou en physique. C'est un paradoxe : en développant le thème des fourmis, je me suis ouvert à tous les domaines de la science car toutes les sciences sont connectées. Je n'ai pas de chappelle, j'aborde tous les domaines avec la même curiosité. Il ne faut pas renoncer à acquérir tout le savoir de son époque, comme l'on fait, en leur tamps, Rabelais ou Léonard de Vinci.
J.Z. : Est-ce là votre dernière contribution au monde des "infra-terrestres" ?
B.W. : Oui, Les fourmis forment une trilogie. J'ai mis deux ans à écrire ce troisième livre car je voulais finir en beauté pour ne pas décevoir ceux qui ont aimé les deux premiers. Les trilogies présentent un danger : les lecteurs qui ont apprécié le premier livre ne sont pas toujours enthousiasmés pas les suivants. Pourtant ces trois tomes (Les fourmis, Le jour des fourmis et La révolution des fourmis) étaient indispensables à mes yeux. Ils représentent la thèse, l'antithèse et la synthèse. La Révolution clôt l'aventure. Je n'écrirai plus sur les fourmis.
Propos recueillis par Julie Zwobad
Extrait d'Eurêka n°8 - juin 1996
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Bernard Werber à l'émission Nimbus du Mardi 16 Septembre 1997
source: web.archive.org
Bernard Werber à Nimbus
lise Lucet : Après ce premier document qui nous a notamment fait découvrir les fourmis atas, notre premier invité s'imposait.
Bernard Werber, bonsoir.
Bernard Werber : Bonsoir
E.L. : Je ne sais pas s'il faut encore vous présenter, vous êtes journaliste scientifique mais vous êtes surtout depuis dix ans maintenant écrivain. Et au travers de vos livres, vos multiples romans, vous avez fait découvrir au grand public et à des milions de lecteurs ce qu'était les fourmis. On voit d'ailleurs l'une de vos héroïnes qui est posée là, juste derrière vous, après tant d'années que vous avez passées, vous, à étudier ces fourmis, à les regarder de très près, j'allais dire même à vivre avec puisque vous aviez une fourmilière dans votre salon.
B.W. : Ouais
E.L. : Est-ce qu'elle vous épatent encore un petit peu ?
B.W. : Oui, j'dirais c'est presque normal puisque c'est la forme de vie la plus répandue sur terre et c'est peut-être la forme de vie la plus male connue. Vous savez si on mettait dans une grande casserole toutes les formes de vie y compris les végétaux, on aurait à peu près les 3/4 de la casserole remplis de fourmis.
E.L. : Alors justement, la première question qu'on se pose en voyant un p'tit peu les images qu'on a vu dans ce documentaire, en vous écoutant, en voyant qu'elles sont capables de cultiver des champignons pour se nourir, de se défendre, de spécialiser certaines fourmis pour qu'elles deviennent guerrière ou nourrice, etc, est-ce qu'on peut, en les regardant parler d'intelligence au sens humain, presque du terme ?
B.W. : Au sens humain je répondrais non. Mais j'aurais tendance à vous poser une question, est-ce que les humains sont intelligents ? Faudrait peut-être définir le mot intelligence.
E.L. : Au sens fourmi, non.
B.W. : Je dirais qu'elles sont, une définition d'intelligence c'est adaptation, mémoire, imagination. Alors, au point de vue intelligence, j'dirais qu'elles sont en avance sur nous, puisqu'elles sont mieux adaptées au milieu, elles ne poluent pas, elles n'épuisent pas le système écologique qui les entoure, elles sont en parfaite harmonie avec tout ce qui est naturel je dirais, contrairement à nous qui détruisont le milieu, Au point de vue mémoire elles sont aussi en avance sur nous parce que, tout simplement, par exemple si vous mettez un insecticide, elles vont se mithrilatiser et modifier leurs gênes pour pouvoir suporter, comment dire, donner naissance à une génération vaccinées contre cet insecticide, donc c'est à dire que ça s'inscrit dans leurs corps, l'expérience de leur rencontre avec l'insecticide, et enfin il reste l'imagination et là, visiblement, on a jamais, je dirais, de "roman fourmi" ou "d'oeuvre d'art fourmi" peut-être qu'elles n'en voient srictement pas l'intérêt.
E.L. : Alors on va, si vous le voulez bien, expliquer un petit peu ce que vous vous expliquez dans tous vos bouquins, au téléspectateur, c'est à dire voir comment les rôles sont répartis dans cette société si bien organisée. On va voir si une fourmi nait guerrière ou si elle nait nourrice par exemple. Cette organisation, donc, très rafinée, très compliquée vous est expliquée par Anne-Corine Morel.
(Petit reportage)
E.L. : Alors Bernard Werber, en voyant ces images et puis en vous écoutant, on a un petit peu envie de comparer une fourmilière à un cerveau, est-ce que c'est une image abusive ou est-ce que c'est un petit peu ça ?
B.W. : C'est un petit peu ça dans la mesure où elles ont un mode de solidarité qui est un peu similaire à celui des cellules dans notre corps. Je dirais que notre corps est déjà un organisme parfait politiquement. C'est à dire que notre main droite n'est pas en concurrence avec notre main gauche. De la même manière dans une fourmilière, aucun individu n'est rival d'un autre.
E.L. : Il y a autre chose qui est absolument facinant, c'est le langage, c'est les modes de communication entre les fourmis. Comment ça se passe ?
B.W. : Elles ont en fait des antennes avec onze segments et ces onzes segments sont comme onze bouches qui émettent onze discours simultanément. C'est pour ça que un simple contact suffit à donner énormément d'informations. C'est à dire qu'en deux secondes, elles donneraient autant d'informations que moi depuis le début de cette émission parce que c'est un langage odorant et que ce langage odorant chimique est bien plus nuancé que celui que nous utilisons nous donc avec les bruits produits par notre bouche. Et avec, je dirais, un simple individu dans la ville, pour reprendre cette idée, qui lève les antennes et qui émet une odeur sera perçu par tout le monde. Si par exemple j'étais une fourmi, si j'étais malheureuse, je lève les antennes et je dit : "Ca va pas", toute la ville le sait.
E.L. : C'est quoi une citée fourmi, est-ce que c'est une république, est-ce que c'est une dictature, est-ce que c'est quelque chose qui n'existe pas politiquement dans le monde des humains ?
B.W. : C'est, je dirais que c'est, ça ressemble beaucoup à une communauté hippie.
E.L. : Une communauté hippie ?
B.W. : Oui. Une communauté hippie un peu comme comme celle qu'on voyait en mai 68 à savoir on se disait "Bon on va tous se mettre et puis on fera la vaisselle à tour de rôle." Bon, ça a pas marché de fait.
E.L. : Non, ça marche jamais en général !
B.W. : Mais chez les fourmis ça marche, tout simplement parce que elles ont envie, elles ne sont pas préoccupées que de leur propre confort personnel, elles sont préoccupées de la réussite de tous.
E.L. : Comme dans tous les sujets scientifiques, j'ai envie de dire, parce que c'est vrai que ça existe toujours, il y a des idées fausses concernant les fourmis, notamment le fameux terme "la petite fourmi travailleuse". Elles sont pas toutes...
B.W. : Non, on pourrait même dire qu'il y a un tiers qui ne fait rien. C'est à dire qui traine. E.L. : Il y a un tiers de chômeuses !
B.W. : Ouais. Un tiers qui fait des choses inutiles parce qu'elles sont maladroites ou elles s'y prennent mal, elles creusent, par exemple un couloir, elles s'aperçoivent que le couloir gène plutôt que n'arrange les choses, donc elles le rebouchent. Et il n'y a qu'un tiers qui fabriquent des couloirs qui vont être vraiment utiles à la société. Et cette société fonctionne parfaitement.
E.L. : Bernard Werber, merci infiniment de nous avoir si bien parlé de votre passion, les fourmis. |
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Entrevue tirée du magazine Sciences et Avenir du mois de mars 1997
source: web.archive.org
"Je suis un conteur"
Merci à Ebb pour avoir tapé cette interview
Contesté par certains scientifiques, adoré par le public, Bernard Werber a conquis le monde avec ses histoires de fourmis. À travers elles, il prétend nous parler de nous. Débat sur un exercice périlleux.
Sciences et Avenir : Dans vos livres*, vous mettez en parallèle la société des hommes et celle des fourmis. Pourquoi comparer deux mondes si différents ?
Bernard Werber : Les fourmis vivent en groupes importants, dans de grandes cités : elles sont donc confrontées à des problèmes similaires aux nôtres. C'est cette intuition qui m'a donné envie de les choisir pour sujet de mes livres. Je me suis dit qu'en observant une fourmilière, je parviendrais peut-être à comprendre comment fonctionne notre société humaine. Un peu comme si je la voyais de haut, en modèle réduit.
Mon but premier était de raconter une jolie histoire sur un thème original. Je voulais aussi que cette histoire porte un enseignement. Un peu à la manière de La Fontaine. La différence, c'est que La Fontaine a complètement humanisé ses personnages. La réflexion philosophique me paraît plus forte si l'on respecte les insectes pour ce qu'ils sont.
Pourtant chez le fabuliste les choses sont claires : nous savons qu'à travers les animaux, il parle des humains. Chez vous, les notions scientifiques côtoient un anthropomorphisme qui l'est moins.
C'est mon grand privilège de ne pas être un savant, mais un conteur. J'essaie de me tenir en équilibre entre science et littérature. Même si je suis conscient que cela me vaut de nombreu-ses critiques.
Ce que je raconte sur la cité des fourmis est né d'un mélange d'observation et d'intime conviction. J'avais installé dans mon bureau un nid de 1500 citoyennes, une grande cité de fourmis des bois. Mais je me suis refusé à lire des ouvrages d'entomologie. Car, tout compte fait, ils contiennent aussi des interprétations subjectives.
Mais n'idéalisez-vous pas la société des fourmis quand vous la proposez en modèle ?
Je vous arrête ! Pour moi, elles ne sont pas un modèle, mais un thème de réflexion. Je ne dis pas qu'il faut les copier, mais qu'il est intéressant de les étudier. D'autant plus que leur socié-té est très ancienne : 10 millions d'année, alors que nous sommes sur Terre depuis trois mil-lions d'années à peine. Leurs choix, les solutions originales qu'elles ont développées pour gérer leur cité sont sans doute le résultat de longs tâtonnements. Elles ont dû faire de nom-breuses erreurs. Les hommes fonctionnent depuis 2000 ans avec les mêmes idées, sans réussir à se renouveler. Ce que je propose c'est l'observation non seulement des fourmis, mais de la nature en général pour trouver des solutions auxquelles nous n'avons pas pensé.
On dit souvent de la société des fourmis qu'elle est totalitaire, pour moi elle s'approche plutôt d'une anarchie réussie : il n'y a pas de chef, la reine n'est qu'une pondeuse. L'individu qui a une « bonne idée » la transmet aux autres sans en recueillir ni gloire ni opprobre - J'utilise délibérément un vocabulaire « humain ».
C'est la leçon que vous inspire l'observation des fourmis ?
J'ai aussi imaginé que pour les fourmis nous étions des dieux : nous avons la capacité d'anéantir leurs cités d'un coup de pied, de provoquer un déluge avec un verre d'eau. Nous nous sentons tout-puissants seulement à cause d'une différence de taille. Mais ne sommes-nous pas des fourmis par rapport à une entité plus grande que nous ne réussissons même pas à percevoir ? C'est l'idée du philosophe Blaise Pascal : l'homme est en équilibre entre l'infiniment petit et l'infiniment grand.
C'est une façon de relativiser notre place dans l'Univers...
Oui, et de réfléchir à notre rapport à la nature. Je pense que l'homme est une espèce jeune et maladroite, que nous accumulons actuellement les erreurs. Les fourmis sont plus petites que nous, n'ont pas notre intelligence, mais elles vivent en équilibre avec la nature, elles ne l'épuisent pas, sont complètement utiles aux autres espèces qui gravitent autour d'elles, et en même temps elles se développent. Globalement, elles réussissent. Nous aussi, nous réussis-sons, mais nous sommes de plus en plus mal dans notre peau. Parce que nous avons perdu contact avec la nature. L'homme est la première espèce qui va à contre-courant de son « bon sens » biologique. C'est pourquoi j'ai écrit la trilogie des Fourmis. Pour tenter, un peu à la manière d'un chaman, même si ce mot doit faire bondir vos lecteurs, de réconcilier l'homme avec son environnement, de lui donner conscience qu'il est un animal parmi d'autres ani-maux, issu de la Terre et inclus dans la nature.
Propos recueillis
par A. K.
*Les Fourmis, Le Jour des fourmis et, paru récemment chez Albin Michel, La Révolution des fourmis.
Entrevue tirée du magazine Sciences et Avenir du mois de mars 1997. |
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Interview de Bernard Werber pour le salon du livre 1997
source: web.archive.org
Qui êtes-vous ?
Je suis un être humain. Je suis vivant. Je communique avec les vivants.
Votre dernier roman, les Thanatonautes, parle d'un étonnant voyage dans l'au-delà.; Avez-vous peur de la mort ?
Ma propre mort ne m'effraie pas. La mort est indispensable à la vie. La mort est tabou dans nos sociétés aujourd'hui et c'est dommage. J'ai fait ce livre pour montrer que dans la mort il n'y a rien de grave. La vraie catastrophe, ça serait qu'on soit immortel. La vie n'a un sens que parce qu'elle a une fin. Et puis mourir est la première liberté, et ça, ça va devenir de moins en moins évident. Je pense que la médecine va le gérer très mal.
Vous avez été journaliste scientifique, c'est un domaine qui vous passionne. Pourquoi n'avoir pas choisi une carrière scientifique ?
La Science est un milieu dans lequel on n'a pas le droit de sortir de l'orthodoxie. Et puis on est également obligé de se spécialiser dans un domaine. Moi, je suis un touche-à-tout...
Pourquoi être passé du journalisme à la littérature ?
Le journalisme est devenu une profession de gens blasés. Ils n'ont plus de curiosité. C'est vrai dans tous les médias, et surtout à la télévision. Les journalistes n'ont plus envie de transmettre la bonne information, ils ne sont plus que des relais de l'AFP. L'information aujourd'hui est issue de près où de loin de la caste dirigeante des pays. Ce n'était pas la peine de faire 1789...
La trilogie des fourmis connaît un formidable succès à travers le monde. Pourquoi les héros de ces romans sont-ils des fourmis ?
J'ai une profonde envie d'inventer, d'exploiter des thèmes nouveaux. Les fourmis, c'est une allégorie de l'humanité. C'est dans la même tradition que La Fontaine. Le fond de la parabole, dans "les fourmis", c'est l'intolérance de l'homme envers tout ce qui n'est pas lui. J'avais envie de dire au gens : pensez par vous même, essayez d'évacuer vos préjugés, changez l'angle de votre caméra. Et ne croyez pas tout ce qu'on vous raconte à la télévision.
Je me sens proche de "327e" (une des fourmis de la trilogie), qui a envie de dire plein de choses, mais que l'on n'écoute pas beaucoup. C'est aussi pour cela que j'écris. Mais même aujourd'hui, j'ai l'impression que les gens ne comprennent pas mon travail. On pense en général, même Pivot l'a cru, que je ne cherche qu'à démontrer l'intelligence des fourmis, alors que ce n'est qu'un petit détail de mon boulot !
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Interview de Bernard Werber à Synergie sur France Inter
source: web.archive.org
Bernard Werber à Synergie sur France Inter
Jean-Luc Hesse : Alors on se souvient de vous Bernard Werber pour 2 ou 3 livres d'ailleurs sur les fourmis, 3 livres oui (rires), ca s'est vendu à, je sais plus, 2 millions d'exemplaires, enfin il y a eu une espèce de fascination du public dans le monde entier d'ailleurs, je crois que ca a été traduit dans une vingtaine de langues déjà, pour ce travail que vous aviez fait sur les fourmis. Et puis j'ai un autre livre là qui vient de paraître chez Albin Michel qui s'appelle "Le Livre du Voyage". Liane Foly l'a acheté d'ailleurs. Vous l'avez lu ?
Liane Foly : Oui, c'est très très beau. Moi j'adore ce genre de chose. Je lui ai dit tout de suite en arrivant. J'étais contente de le connaître en plus (rires). C'est un grand voyage.
J.-L.H. : Mais pourquoi vous avez acheté le livre vous ?
L.F. : Ben d'abord parce que j'ai été, comme je lui disais tout à l'heure, très attirée par la couverture du livre. Magnifique. Et j'avais l'impression de rentrer dans une histoire extraordinaire comme dans les jeux vidéos comme ça, et ça m'a beaucoup plu.
J.-L.H. : Alors c'est quand même une drôle d'idée parce que voilà un monsieur qui nous écrit un livre et le livre nous parle. C'est assez perturbant parce que c'est rare qu'un livre s'adresse à son lecteur tout de même. Et ce qui m'a encore plus perturbé c'est d'apprendre en lisant le Figaro que vous aviez écrit le livre en 14 heures. Ca m'a complètement détruit.
Bernard Werber : Je voudrais préciser quelque chose. En 36 ans et 14 heures.
J.-L.H. : Ah d'accord.
B.W. : Ca faisait très longtemps que j'essayais de faire un petit livre dans lequel je mets un maximum de chose dans un minimum de volume. Et je l'ai écrit d'un jet. C'est à dire y'a un moment, c'est comme en artillerie, on dit 0 in 1 (NDW : pas sûr que c'est ça mais bon, z'avez qu'à télécharger le son ou si vous connaissez le vrai terme, dites-le nous !). Ca veut dire qu'on a tous les viseurs alignés, on sent que c'est la seule manière de le faire.
J.-L.H. : Comment vous savez ça vous ? Vous connaissez quoi en artillerie ? (rires)
B.W. : Non mais je connais les films fantastiques de guerre.
J.-L.H. : Ah d'accord.
B.W. : Et y'a un moment ou c'était clair. C'était la seule manière de raconter cette histoire, c'était de la décomposer en utilisant les 4 éléments, l'eau, l'air, la terre et le feu, et d'essayer d'utiliser ça comme un grand voyage. Mais y'avait deux idées. La première c'était de faire un livre vivant. Ca ça fait très longtemps, je me dis il faut faire quelque chose qui existe en dehors de moi. Parce que dans un livre on retrouve toujours l'auteur. Ce qui me semblait intéressant c'était de créer une sorte d'objet qui serait malgré tout vivant et qui résiste je dirais à l'emprise de son papa et qui vive en intéraction avec le lecteur. Ca peut paraître un peu complexe mais l'idée c'était de faire un miroir. C'est à dire que ça serait un livre où le lecteur se retrouve lui-même. Au-lieu de retrouver la pensée de l'auteur, l'auteur étant un individu parmis 6 milliards il n'a aucun intérêt de plus que les autres.
J.-L.H. : L'auteur n'a aucun intérêt, ouais.
B.W. : Mais le miroir, c'est à dire faire que le livre vous renvoit à vos propres souvenirs, vôtre propre culture, vos propres problèmes et à vos propres joies, ça me semblait intéressant. Maintenant c'était comment faire le miroir, et pour faire le miroir, je me suis dit "faut que le livre soit vivant et qu'il discute avec le lecteur". Mais c'était un genre de prototype. Sur le coup je me suis dit "ça ça plairat surtout pas aux journalistes, ça va énerver tout le monde.
J.-L.H. : Ben ça m'énerve. (rires)
B.W. : Mais le problème c'est que je me suis dit "si je le fait pas moi y'en a un autre qui va le faire" et j'ai l'idée, j'y vais jusqu'au bout.
J.-L.H. : Vous voulez que je vous dise ce qui m'a énervé dans le livre c'est qu'il faut passer le pas, faut accepter le "deal" comme on dit aujourd'hui.
B.W. : Faut accepter de se faire tutoyer, déjà. Il y a plein de gens qui m'ont dit qu'ils ne supportaient pas qu'un livre les tutoie. Normalement un livre ça doit vouvoyer.
J.-L.H. : Est-ce que ça a pas un côté religieu ce tutoiement ?
B.W. : Non, le livre est censé être un ami. Donc si vous partez en vacances avec un ami, vous allez pas le vouvoyer pendant tout le voyage. Quand on est avec un ami on le vouvoie pas, on le tutoie. Maintenant si dès la première page les gens voient que le livre les tutoie et se disent "il est pas question qu'un objet se permette des privotés à mon égard", bon bah faut pas insister.
J.-L.H. : Non mais y'a une espèce de pacte tout de même, il faut accepter la règle du jeu. Il est sorti quand en librairie ce livre ?
B.W. : Il est sorti il y a deux mois.
J.-L.H. : Et vous avez eu des réactions ? Que vous ont dit vos lecteurs ?
B.W. : Euh... J'ai eu que des réactions positives mais je dirais que les réactions négatives ce sont des gens qui ne s'ont pas allés vers le livre, qui ne l'ont même pas acheté, qui ne l'ont même pas ouvert. Tous les gens qui ont fait l'effort d'aller vers le livre, après ils se sont dit "bon ben maintenant que je l'ai acheté, autant tenter le jeu", et ils ont tenté le truc. Alors c'est vrai que ça surprend d'entendre un livre qui vous dit "Je suis vivant et je vous parle", maintenant écoutez-moi et mon conseil c'est "essayez de sortir de cette matérialité, de ce premier degré, de ce premier monde et essayez de vous envoler pour essayer de faire des expériences. Bon dans le premier monde on va découvrir un tout petit peu sa propre planète, dans le deuxième on va découvrir ses peurs, dans le troisième on va construire un refuge où on se sentira toujours bien et dans le dernier on va remonter jusqu'à son stade fétal et même à sa vie antérieure, et on va remonter même jusqu'à l'origine de l'humanité, c'est à dire qu'on va essayer de retrouver dans nos gênes le singe, voir le poisson. Ca faisait longtemps que je voulais faire ça.
J.-L.H. : Vous avez travaillé pour vous là ?
B.W. : Oui, de toute façon ce livre je l'ai écrit à un moment où, je vous le dit honnêtement, j'avais une grosse déprime parce qu'il y avait plein de choses qui allaient pas. Et puis je me suis dit qu'il faudrait peut-être que j'aille voir un psychanaliste depuis le temps que mes copains me disaient d'aller en voir un. Et pis je me suis dit que non. Parce que ce qui m'énerve chez un psychanaliste c'est que c'est quelque chose qui vous renvoie à vous même. Moi je crois qu'il faut aller vers les autres. Il faut rester en ouverture.
J.-L.H. : Ca se discute.
B.W. : Et j'ai l'impression que c'est quelque chose qui ferme. C'est qu'une impression. Puisque j'ai pas fait de psychanalise, je peux pas le vérifier.
J.-L.H. : Moi non plus. On va s'y mettre un de ces jours (rires).
B.W. : Et je me suis dit que vu que ce que je sais faire, et que je sais bien faire, enfin l'endroit où je prends le plus de plaisir c'est l'écriture, je vais me fabriquer un Geminy Cricket, je vais me fabriquer un livre qui m'aide et qu'à chaque fois que je le relirais ça me fera du bien. Et je l'ai fait que pour moi ce bouquin, au début. Sur le coup ça m'a fait du bien. Et pis après j'avais des amis qui allaient pas et je leur ai dit "tient lit ça" et ça leur a fait du bien.
J.-L.H. : "Lit ça tu verras c'est un type formidable" (rires)... Bernard Werber
B.W. : Non, mais je comptais pas le publier parce que je suis conscient que le tutoiement est quelque chose qui peut énerver beaucoup de gens. Et puis même l'ambition de ce livre, à savoir faire que vous vous évadiez de vôtre quotidien, que vous sortiez complètement de votre corps c'est quelque chose qui peut paraître très suspect. On se dit "Oh lala, il parle de spiritualité". De toutes façons maintenant on n'a pas le droit de parler de spiritualité, sinon on se dit "Oulala, il doit pédaler pour quelqu'un". Je suis franc tireur, je pédale pour personne. Ce qui m'intéresse c'est juste de dire aux gens "attendez, détendez-vous, essayez de voir où sont vos peurs, où sont vos qualités". Ca peut paraître très simpliste comme language mais ça peut aller très loin quand ça fonctionne.
J.-L.H. : Je simplifie, j'essaie de donner une idée aux gens qui nous écoutent. C'est un "guide philosophique" ? Ca fait pas forcément peur.
B.W. : Si, moi ce qui m'effrait c'est les philosophes. Je trouve que c'est un peu des maîtres à penser, je crois qu'on a pas besoin de maître à pense, je crois qu'on a pas besoin de gourou, on a besoin de personne qui nous dise ce qu'on a à faire. On sait en général très bien où on veut aller.
J.-L.H. : Un "guide de voyage" alors.
B.W. : Oui, je crois que ça s'inscrit un peu dans la ligne du Petit Prince si ce n'est qu'au lieu d'utiliser un Petit Prince, ou d'utiliser D'Artagnan ou d'utiliser le Capitaine Némo, j'ai dit "bah le héro c'est vous, c'est vous lecteur, est-ce que vous êtes capable d'assumer cette armure ou ce costume ?". Mais ça me semblait intéressant qu'il y ai un livre dont le héro soit le lecteur.
J.-L.H. : Ca a marché Liane Foly ?
L.F. : Oui parce que c'est tout d'un coup se dire "et bah moi je vais vous proposer un conte, une légende, et c'est vous le héro ou l'héroïne". Et c'est moi ce que j'ai ressenti. Mais il est vrai qu'au départ, bon d'abord moi j'ai craqué parce que j'ai vraiment acheté ce livre dans un aéroport, donc j'arrive, je prends toujours mes bouquins, alors tout de suite j'ai vu ça, je n'ai même pas regardé "qui que quoi dont où", j'ai vu cette magnifique pochette bleu glacier et donc j'ai pris le truc, et quand j'ai commencé il est vrai que j'ai eu cette réaction dont vous parliez tout à l'heure. Et puis comme j'adore aussi lire et que c'est vraiment ce genre de chose qui m'intéresse je me suis rendu compte qu'il pouvait faire économiser, c'est sûr, un psychanaliste si on rentrait vraiment dans le jeu. Mais il faut un exercice quotidien pour ce qu'il nous demande.
J.-L.H. : Mais ça fait du bien par où ça passe.
L.F. : Ah ça fait du bien, c'est formidable.
J.-L.H. : Et un petit mot sur l'état de rêve.
B.W. : Sur le dauphin ? Bah écoutez, avant j'ai été journaliste scientifique donc j'ai eu l'occasion de faire des reportages sur plein de sujets et j'avais découvert cette histoire qui me paraissait intéressante, c'est à dire que les dauphins ne peuvent pas dormir parce que si ils restaient sous l'eau ils étoufferaient puisqu'ils respirent avec l'oxygène, et si ils étaient à la surface ils sècheraient. Donc ils sont obligés de ne pas dormir et comment ils font pour se reconstituer, il y a la moitié du cerveau qui dort pendant que l'autre est éveillée. C'est à dire qu'alors qu'ils nagent, ils sont entrain de faire des rêves. Et je me suis dit que c'était exactement l'état que veut provoquer le Livre du Voyage, à savoir que pendant que vous lisez, il faut que vous arriviez avec l'autre moitié du cerveau à visualiser ces décors extraordinaires que propose le livre. Et c'est un état auquel on est pas habitué. Et je suis conscient que c'est nouveau, que ça peut pas passer comme ça facilement, mais c'est très intéressant, vous imaginez, vous lisez, je dirais presque d'un oeil avec une moitié de cerveau, et avec l'autre vous vous imaginez entrain de voler, ou vous vous imaginez entrain de combattre dans un monde de feu ou vous vous imaginez entrain de remonter jusqu'à la matrice maternelle. Ca me semblait quelque chose de très intéressant. Mais le rêve va être je pense dans le prochain millénaire un domaine d'exploration fantastique et on ne fait à peine que commencer à trouver des choses.
J.-L.H. : Ca s'appelle le Livre du Voyage, c'est paru chez Albin Michel, la couverture est bleue (rires) et c'est signé Bernard Werber. |
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Bernard Werber à l'émission Faut pas Rêver du Vendredi 27 Janvier 1998
source: web.archive.org
Sylvain Augier : Et pour nous accompagner ce soir, un jeune garçon qui fait beaucoup parler de lui depuis quelques années, Bernard Werber.
Bernard Werber : Bonjour
S.A. : Bonsoir Bernard, vous avez 36 ans, vous êtes toulousain, je me hâte de le préciser avant qu'on croit que vous êtes un américain auteur de romans à succès puisque c'est vous qui avez écrit Les Fourmis il y a quelques années maintenant. Ont suivi deux autres livres qui sont Le Jour des Fourmis, La Révolution des Fourmis. Il y a eu aussi Les Thanatonautes. Bref des livres qui se vendent par millions d'exemplaires, qui sont traduits dans 24 pays. Et alors vous êtes à la fois, un savant, un conteur, et en même temps un jeune garçon qui a fait des études de droit de criminologie à Toulouse alors qu'on pourrait croire, beaucoup de gens le croient d'ailleurs, que vous êtes un écrivant américain à succès.
B.W. : Bah, j'ai tellement été scientifique et je crois que tout simplement de ma curiosité des sciences a découlé naturellement une envie de raconter des histoires. Mon talent est un talent de conteur et ce que j'aime c'est être le plus clair et le plus simple possible et transmettre des informations je dirais presque sans que les gens s'en aperçoivent. C'est pour ça que j'utilise des structures de polar et mon plus grand soucis en fait c'est le suspense et faire que les gens soient pris par le texte.
S.A. : Et ça ça marche, je vous le confirme. Mais vous avez l'air d'être le premier surpris par vôtre succès.
B.W. : J'ai pas écrit pour être glorieux ou je ne sais quoi. J'ai écrit parce que c'était un besoin naturel comme un pommier a envie de faire des pommes. Et j'ai la chance d'abord 1 de m'être aperçu que j'avais envie de faire des pommes et envie de faire des livres et 2 j'ai la chance de pouvoir en vivre.
S.A. : Vous pensiez pas que ça allait être un best-seller, vous êtiez pas parti pour.
B.W. : Non, j'ai été tellement content de trouver un éditeur. J'ai mis 6 ans à trouver un éditeur. Ensuite que le livre sorte, j'en revenait pas. Et sur le coup j'ai eu une sorte de baby-blues. C'est à dire que je me suis dit "bon maintenant ma vie s'arrête, j'ai enfin réalisé ce que je voulais, j'ai sorti Les Fourmis. Et puis...
S.A. : ...et plus rien ne se passera après."
B.A. : Voilà.
S.A. : Et bah c'est faux.
B.W. : Et puis après je me suis aperçu que les gens s'étaient un peu arrêté sur le livre, avaient cru que c'était une histoire de fourmis, il croyaient juste que c'était scientifique, enfin sur l'entomologie.
S.A. : Alors qu'en fait vous êtes un vrai conteur, vous êtes vraiment quelqu'un qui aime raconter des histoires. C'est bien pour ça que j'avais envie que vous veniez ce soir dans cette émission. Alors je vais vous raconter moi aussi des histoires, celles que nous racontent nos équipes qui parcourent le monde.
(pitit reportage...)
S.A. : Alors j'imagine Bernard Werber que vous ne connaissiez pas l'existence de ces "Mama-Benz" parce que par définition je vous le disais elles ne sont pas recenssées, mais avouez que c'est une drôle de tribu non ?
B.W. : Ce qui est marrant c'est qu'elles sont complètement cool. Ce sont pas comme nos financiers qui sont complètement stressés ou tous leurs technocrates. Elles sont là à gérer leurs millions, elles se passent les billets. Il y a une fête dans les couleurs déjà des tissus et il y a une fête dans leurs rapports. Je suis entrain d'étudier justement un peu ces pays d'Afrique parce que mon prochain roman, enfin une partie du roman, se passe entre le Kenya et la Tanzanie et il y a une sorte d'exubérance et de fête qui sort du continent. On comprend que l'humanité soit apparue sur le continent africain.
S.A. : Alors avant d'aller plus loin je vais vous offrir un livre qui s'appelle "Au fil de la parole" qui est un jeu de mots amusant, c'est paru aux éditions Musée d'Aperre (???). Vous verrez ce sont essentiellement des photos qui justement rappellent l'exubérance des tissus que nous venons de voir et qui vous raconte un petit peu aussi l'histoire des tissus pas seulement d'ailleurs du marché de Lomé (NDW : capitale du Togo) mais aussi de la mode, si je peux dire, en Afrique qui dure depuis un petit moment maintenant. Alors vous venez de me dire que vous connaissiez bien l'Afrique puisque vous y étudiez là-bas un prochain roman. Et vous êtes allé en Côte d'Ivoire si je ne m'abuse non pas du tout pour étudier l'humanité, l'homme, mais les fourmis.
B.W. : Oui j'ai été à Lamto (????), il y a un centre scientifique qui est situé en pleine jungle et où il y a plusieurs scientifiques qui étudient différentes espèces et nous on suivait précisément les magnans. Les magnans sont des fourmis qui avancent comme des nomades mais par groupe de 50 à 60 millions d'individus et ça coule comme un ruisseau qui détruit un peu tout sur son passage. Ce qui m'intéressait c'était de voir les fourmis non pas en tant que petit présence chétive qui paraît de temps en temps de nos placards mais en tant que véritable force de la nature. Et en Afrique c'est une force de la nature dont tout le monde tient compte et les gens mettent notament par exemple leurs tables dans des bassines remplies de vinaigre pour essayer de sauvegarder la nourriture sur leurs tables. Et on sent vraiment que lorsqu'elles sont réunies, lorsqu'elles sont organisées elles forment une force.
S.A. : Mais qu'est-ce qui vous fascine autant chez les fourmis ? Pourquoi êtes-vous obsédé par ça ? Parce que c'était vrai déjà gamin, vous jouiez pas au foot, vous ne pensiez qu'à une chose, c'était d'aller regarder la fourmilière d'à côté. C'est pas vrai ?
B.W. : Bah ce qui me fascine chez les fourmis en fait c'est qu'on peut observer une ville vue de haut. Ce qui m'intéressait c'est l'être humain. En fait ce qui m'intéressait dans la fourmi c'est avoir une civilisation, dans le mot civilisation il y a le mot cité, c'est à dire une forme de vie qui vit dans des cités, qui se laisse observer sans être dérangé par l'observateur. Et quand j'étais petit je restais des heures à observer la fourmilière et je les voyais travailler, j'essayais de comprendre comment fonctionnait mon monde. Et ce qui m'intéresse c'est le monde des humains. Et à travers l'allégorie des fourmis, que j'ai développée dans la trilogie, j'essaie de comprendre comment nous-même nous fonctionnons et comment peut-être une autre espèce nous observe et nous prend nous aussi pour des fourmis. Et la fourmi m'intéressait aussi pour une raison c'est que simplement c'est la forme de vie la plus répandue sur terre et la mieux adaptée. Et les fourmis sont sur terre depuis 100 millions d'années...
S.A. : Vous n'êtes pas loin de dire la plus intelligente au niveau de l'organisation.
B.W. : Le mot "intelligence" est un mot typiquement humain. Elles ont leur forme d'intelligence, nous avons notre forme d'intelligence et les deux ne sont pas comparables. Elles ont pas de voiture, elles ont pas de télévision. Mais le fait qu'elles aient survécu 100 millions d'années alors que nous ne sommes sur terre que depuis 3 millions d'années montre qu'elles ont probablement 97 millions d'années d'expérience de la vie citadine de plus que nous.
S.A. : D'avance sur nous.
B.W. : Peut-être d'avance. On le verra. Mais c'est pas un exemple. C'est une autre forme de choix, c'est une autre forme de vie parralèle et c'est en ça que c'est passionnant.
S.A. : Oui, exact. Et c'est d'ailleurs grâce à ça que vous passionnez autant de millions de lecteurs. Et ça n'est pas fini, d'après ce que j'ai compris, Bernard Werber.
B.W. (gèné) : Ah je sais pas !
S.A. : Alors changeons tout à fait de sujet quoique nous pourrons revenir aux fourmis tout à l'heure. On ne va pas parler que de ça bien entendu...
(pitit reportage...)
S.A. : Je me demandais, en regardant la fin de ce reportage que nous avons vu ensemble biensûr, Bernard Werber, si vous vous recognaissez dans ce petit garçon, dans ce petit Sylvain qui rêve d'être un jour un homme des bois comme son nom l'indique, comme son prénom l'indique, et qui voudrait être un jour membre de l'Office Nationale des Eaux et Forêts plutôt que d'aller faire des études et d'aller travailler dans un bureau. Vous étiez comme ça à son âge ?
B.W. : Je mettrais une petit nuance, car je suis un peu comme Obélix, j'ai du mal à supporter de voir des arbres abattus, je sais pas pourquoi.
S.A. : Vous êtes comme Félix Leclerc qui disait "chaque fois qu'on abat un arbre j'ai mal à ma jambe" ?
B.W. : Il y a quelque chose comme ça. Il faut tellement de temps pour faire pousser un arbre. Je sais plus dans quelle culture on disait "pour qu'une vie soit complète il faut avoir fait un enfant, l'avoir élevé, avoir fait une oeuvre d'art et avoir planté un arbre". J'ai pas encore planté mon arbre, mais le jour où je le ferais je pense que ça sera quelque chose d'important. Et de voir ces arbres, en une heure, quelque chose qui a mis des années voir des siècles à monter et qui comme ça abattu, je trouve que c'est un peu bizarre. Je crois que les forêts sont des lieux remplis d'énergie, des sortes de grandes cathédrales. Leur charme vient justement de leur désorganisation, de leur système cahotique. C'est à dire que même si les arbres poussent n'importe comment on a l'impression d'interactions entre les buissons. Tout ça fonctionne parfaitement, c'est à dire que tous les équilibres sont recréés, tout est bien tel quel. Même si nous avec nos regards humains ça nous semble un peu bizarre.
S.A. : Oui, à une réserve pret c'est que, d'abord je vais pas défendre la forêt, comme ça.
B.W. : Moi je la défendrais.
S.A. : Je vois bien, mais ça assainit une forêt aussi d'abattre les arbres qui empêchent les autres de pousser, vous le savez bien ça.
B.W. : Je crois qu'ils ont leurs propres règles d'arbre. En effet il y a des plantes qui se font la guerre entre elles, mais il y a une évolution logique de la forêt. Elle vit une sélection des arbres qui n'arrivent pas à acquérir leur petite place au soleil, qui sont éliminés par les autres, c'est vrai que c'est pas un monde gentil.
S.A. : La nature n'est pas un monde gentil.
B.W. : C'est pas un monde gentil, on est d'accord. Mais laissons les entre eux se débrouiller. Pour moi le mot catastrophique c'est le mot "jardin". Quand on a un jardin, c'est à dire que c'est un type qui arrive et qui se dit, par rapport à une certaine géométrie, il faut que tous les arbres soient alignés et il faut que ça rentre comme ça pour que ça fasse une perspective. Mais en fait les jardins c'est catastrophique parce que par exemple si vous alignés les arbres les animaux n'y viennent plus. Il semble naturellement que s'il y a des lignes, ça veut dire que tout est brisé. Le cahos est riche.
S.A. : Vous êtes vraiment à mi-chemin du scientifique, que vous êtes presque avec les études que vous avez faites, quoique vous êtes passé par la criminologie, faudra que vous m'expliquiez d'ailleurs pourquoi, et le littéraire que vous êtes devenu puisqu'en fait vous adorez écrire, vous me l'avez dit tout à l'heure, les Fourmis c'était q'un prétexte, vous aviez envie d'écrire.
B.W. : Oui, bah en fait, je dirais cerveau gauche, cerveau droit. Le grand problème actuellement c'est que les études vous poussent soit à être scientifique ou littéraire. Le vrai poste intéressant, c'est d'être en même temps littéraire et scientifique, faire découvrir la science par de jolies histoires et enrichir la littérature de la technologie puisque c'est l'endroit où les choses évoluent le plus vite.
S.A. : Cerveau gauche, cerveau droit, le but pour vous c'est de faire rêver.
B.W. : Non, un équilibre, que les deux fonctionnent. C'est à dire quand on rêve, on rêve plutôt avec le cerveau droit et c'est le cerveau gauche qui examine ces rêves. Mais quand les deux communiquent parfaitement on arrive justement à faire un travail d'artiste qui se reproduit tout le temps. Tous les matins je note mes rêves. Pour moi c'est une matière première fabuleuse parce c'est quelque chose qui m'appartient, c'est sûr que personne n'aura pensé à ça, il y a pas de plagiat possible puisque ça m'est venu dans la nuit.
S.A. : Vous êtes un drôle de numéro !
B.W. : Mais c'est une discipline les rêves. Je vous conseille d'essayer de faire ça. Notez vos rêves. C'est comme des lettres qu'on reçoit, faut les ouvrir, faut pas les laisser. (NDW : et les mails qu'on t'envoie alors ! Faudrait peut-être les ouvrir !)
(pitit reportage...)
S.A. : Alors je ne sais pas ce que vous ressentez, Bernard Werber, à la vue de ce reportage qui met en avant l'absurdité de la situation et en même temps le côté inéluctable du destin de ces hommes et de ces femmes qui n'ont pas choisi leur vie. Ca n'a pas l'air de vous démoraliser.
B.W. : Si, en fait c'est très démoralisant parce que ça montre que le système économique actuel tel qu'il est mène à une impasse. On a vénéré la croissance économique comme nécessité absolue. Je crois que maintenant il faut penser différemment les choses. Il ne faut pas croître, grandir, il faut rentrer en harmonie, c'est à dire trouver notre place dans la nature, dans le cosmos, dans l'univers. Non plus vouloir tout le temps conquérir de nouveaux territoires mais essayer de trouver une sorte d'équilibre avec les autres êtres humains mais aussi avec les arbres, avec la nature, avec la forêt. La Terre n'est pas un lieu qu'il faut piller, n'est pas un lieu où il faut prendre des choses. C'est un lieu où il faut trouver notre place pour ne plus la gèner. Les fourmis ont une intégration écologique bien plus réussie que nous dans la mesure où dès qu'elles ont épuisé une zone, elles bougent et elles vont recréer une cité ailleurs. Nous on devrait peut-être bouger tout Paris, le mettre à 500 Km pour trouver de l'air pur et ne plus épuiser cette région, par exemple.
S.A. : La fameuse idée et la belle phrase de Saint-Exupéry qui disait "notre monde n'est pas celui que nous avons emprunté à nos parents et à nos grands-parents, c'est celui que nous laissons à nos enfants".
B.W. : Exactement. Moi j'ai une autre idée c'est que peut-être nous préparons l'être humain. Nous ne sommes pas des êtres humains, nous sommes en voie de devenir des êtres humains. Mais l'être humain idéal tel qu'il pourrait devenir serait un être qui sait s'intégrer dans le monde dans lequel il est, dans le cosmos, dans la nature, sans la gèner. Sans que le milieu extérieur nous agresse et sans que nous agressions le milieu extérieur. D'être libre.
S.A. : Ah si c'était vrai et généralisé ! Avant d'en venir à vôtre dernier livre, Bernard Werber, je vous propose de jeter un coup d'oeil sur le programme de la semaine prochaine.
B.W. : Avec plaisir.
S.A. : Avec plaisir, tant mieux.
(programme de la semaine d'après... vous avez hâte de lire la suite hein ? Héhé ! J'ai envie de parler avec vous avant. Vous croyez pas que la tolérance est la plus belle qualité et que l'intolérance est le plus gros défaut ? Moi je crois. Mais surtout n'oubliez pas que votre liberté s'arrête où commence celle des autres. Bon allez, je vous laisse parce que je suis sympa !)
S.A. : Quant à vous, Bernard Werber, toujours plein de surprises et de rebondissements, vous venez de faire paraître un livre qui s'appelle "le Livre du Voyage" paru chez Albin Michel qui est une sorte de voyage intérieur. Je ne sais pas comment vous arriveriez à le définir d'une phrase, vous qui avez été journaliste pendant plusieurs années au Nouvel Obs, vous avez trouvé une façon d'arriver à résumer en quelques mots ce livre auquel vous teniez tant ?
B.W. : Disons un conte philosophique dont le lecteur est le héro. C'est à dire que ce qui est surprenant c'est que le livre est censé être une entité vivante qui tutoie directement la personne qui le lit. Et ce qui se passe c'est une interaction entre le livre et le lecteur. Et le livre propose au lecteur un voyage hors du temps, hors de l'espace, à travers quatre mondes : le monde de l'Air dans lequel on découvre la planète, le monde du Feu dans lequel on affronte ses peurs, le monde de la Terre dans lequel on construit un abris personnel et le monde de l'eau dans lequel on remonte à ses origines jusqu'au Big Bang. C'est construit un peu comme ça, c'est un voyage, c'est un rêve. Ce livre m'a été inspiré par une étude sur les dauphins. Je me suis aperçu que les dauphins ne dormaient jamais. Ils étaient tout le temps avec la moitié du cerveau qui rêve et la moitié du cerveau qui est éveillée parce qu'ils ne peuvent pas se stabiliser. S'ils étaient au-dessus de l'eau ils sècheraient, et s'ils restaient dans l'eau ils seraient asphyxiés par le manque d'oxygène. Donc ils sont en permanence avec la moitié du cerveau qui fait des rêves et l'autre moitié qui analyse ce qui se passe.
S.A. : Comme vous quoi. (rires)
B.W. : Enfin j'essaie de reproduire cet effet là, j'essaie.
S.A. : En tout cas une chose est sûre c'est que vous ne manquez pas d'imagination ni de talent.
B.W. : Merci.
S.A. : Bravo, Bernard, à bientôt. Félicitations, continuez à nous faire rêver et je serais ravi de vous revoir à une autre occasion dans cette émission ou peut-être une autre. A bientôt !
B.W. : A bientôt.
S.A. : Merci beaucoup, Bernard, aurevoir. Et rendez-vous pour vous tous la semaine prochaine biensûr tout de suite après Thalassa. Bonne soirée, et bonne semaine, aurevoir à toutes et à tous. |
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Interview de Bernard Werber parue dans Slash n°10 - Février 1998
source: web.archive.org
Quand la bise fut venue...
Interview Bernard WERBER
Bernard WERBER est tombé dans une fourmilière quand il était petit ! Ceci n'est qu'une légende, mais cela pourrait expliquer qu'après dix ans de journalisme scientifique il se lança dans une saga romanesque dont la plupart des héros furent des fourmis. La trilogie des fourmis («Les Fourmis», 1992; «Le Jour des Fourmis, 1992 ; La Révolution des Fourmis, 1996 traduite en 22 langues, nous conte en parallèle les aventures de deux types de héros, la société des fourmis aventurières et inventrices et les disciples humains de l'entomologiste de génie Jonathan Wells. Les deux aventures sont liées et s'interpénètrent avant de se rejoindre lors du dénouement.
Aussi aventureux que les Fourmis, «Les Thanatonautes» (l994) sont les hardis explorateurs partis explorer l'au-delà. Peu à peu la carte du continent des morts se dessine pendant que la société qui assiste au phénomène évolue avec toute la sagesse dont elle est coutumière.
«Le Livre du Voyage» (1997) offre au lecteur une expérience similaire à celle de «L'Encyclopédie du Savoir relatif et absolu» de Jonathan Wells. Je pourrais en dire plus, mais c'est à chaque lecteur de faire le Voyage...
Des Thanatonautes...
Dans Les Thanatonautes nous sommes dans la deuxième moitié du XXI° siècle. Or il y a peu d'éléments futuristes, excepté le cas d'une navette spatiale russe, il n'est même pas fait mention d'internet. De même dans la trilogie des Fourmis nous sommes au XXI° et dans Les Fourmis, il n'y a aucun élément futuriste, dans les deux tomes suivants on trouve quelques éléments novateurs en criminologie et des robots, mais la société n'a pas bougé excepté qu'elle dispose de 1445 chaînes de télévision. On se croirait à notre époque avec juste quelques gadgets en plus.
L'idée globale est de faire un futur qui ressemble à notre présent. Demain est un autre aujourd'hui, rien ne va changer. Le futur ne sera pas très différent du monde présent. Nous vivons presque comme dans les années 60. Les grandes révolutions sont le développement du portable et d'Internet. L'avenir verra la disparition du travail. Il faudra adapter cette notion1. Le travail reposera sur des gens qui ont des idées, des concepts et qu'il faudra rechercher.
Au XXI° siècle il y aura une guerre entre les Syrianiens et les Syriaquiens. Quels sont ces pays ?
C'est une évocation de la guerre Iran-Irak. La région du Moyen-Orient est un lieu où il n'y a pas de démocratie et où les gens sont poussés par leur gouvernement à la haine de l'étranger afin que la population ne se révolte pas contre le pouvoir en place. Dans le jeu informatique "Civilisation" on voit bien qu'il faut une guerre sainte pour éviter une révolution.
Vous vous êtes inspiré de ce jeu pour créer "Infraworld" ?
Oui c'est un bon support pour examiner comment on peut faire évoluer l'humanité.
Pourquoi avoir choisi des noms comme Wells et Razorback ?
Wells est un hommage à H.G. Wells et Razorback signifie "le rasoir retourné", ce personnage se fait du mal à lui-même.
Y aura t'il une suite aux Thanatonautes ?
Ce n'était pas prévu, mais cela se fera peut-être parce qu'il y a une demande de l'éditeur. Mais je ne suis pas vraiment intéressé, mon agacement suite à l'échec des Thanatonautes est grand. Le problème des Thanatonautes est qu'il est arrivé à la fin d'une partie: on ne peut plus franchir de porte. Cela devient difficile de faire une surenchère sur le premier livre des Thanatonautes.
Il a moins bien marché que le cycle des Fourmis ?
Oui c'est d'ailleurs pour cela que j'ai écrit La Révolution des Fourmis, pour bouleverser cette société qui n'a pas su reconnaître mon talent dans "Les Thanatonautes" (rires) La révolution des fourmis c'est de la rage parce que les Thanatonautes ont été foutu en l'air par cette société, parce que j'en ai eu marre que les journalistes ne parlent de moi que pour les fourmis. Le livre du voyage est fait pour ceux qui ne veulent pas croire que l'on peut sortir de son corps. C'est une version édulcorée des Thanatonautes, sans paysans, sans alcool, sans drogue, c'est une version plus accessible et plus directe
...Aux Fourmis
Dans le cycle des Fourmis comme dans les Thanatonautes on s'aperçoit qu'au XXI° siècle le rock & roll va disparaître avant de connaître un renouveau. Doit-on comprendre qu'il s'agit d'un symbole de la décadence ?
C'est un support: le rock + la musique classique + la sonorité du hard-rock + une manière de décomposer les choses en trois temps. Maintenant la techno et le rap ne proposent plus de mélodies sur plusieurs temps. Après cette mode formelle on va avoir un retour à la mélodie et on retrouvera le bon vieux rock-and-roll.
Dans le cycle des Fourmis comme dans les Thanatonautes, un grand penseur se suicide en se pendant dans les toilettes.
Je n'avais pas remarqué, mais c'est en référence à Kennedy O'Toole l'auteur de «La conjuration des imbéciles», qui s'est suicidé de cette manière.
Cent vingt environ, je changeais régulièrement de style et je recommençais.
Ne devrait-il pas y avoir une suite au cycle des Fourmis, avec notamment les Extra-terrestres qui provoquent le cancer ?
Non.
Monsieur Ramirez n'avait plus que quelques jours à vivre dans Le jour des Fourmis et il est présent durant toute l'action de La Révolution des Fourmis qui dure plusieurs mois...
C'est peut-être du aux enseignements fournis par les Fourmis (rires)
Il semble que l'évolution des fourmis ne prenne guère en compte le darwinisme.
Je suis plus porté sur le lamarkisme que sur le darwinisme(1).
Il semble que vous ayez un projet de polar scientifique. Quel en sera le titre ?
Je suis en train de travailler dessus. L'éditeur se réserve un droit de regard sur le titre.
Il existe un dénommé Michael Pinson dans Les Thanatonautes et Julie Pinson dans le cycle des Fourmis. Sont-ils de la même famille ?
Oui, cela correspond à la traduction du nom polonais de ma mère.
Il semble que vous adoriez les batailles rangées que ce soit entre insectes, entre thanatonautes ou entre manifestants et C.R.S.
J'adore la chorégraphie des batailles, les jeux de combat sur ordinateur, ainsi que les échecs. Il y avait huit batailles rangées dans "Les fourmis" et mon éditeur m'a conseillé de n'en garder qu'une.
Avez vous d'autres projets à long terme ?
J'écris une nouvelle tous les jours. Elles seront reliées ou utilisées dans un roman comme par exemple L'Ecole des Jeunes Dieux qui s'est retrouvée dans La Révolution des Fourmis. Cela dépendra de l'intérêt de l'éditeur.
Où en est le projet d'adaptation au cinéma des Fourmis ?
Je ne sais pas trop où ça en est. Ca patauge un peu. Le problème c'est que c'est un peu nouveau et comme beaucoup de choses nouvelles ça déroute. Et puis le milieu du cinéma est un milieu qui a besoin de beaucoup d'argent, il faut arriver à convaincre beaucoup de monde en leur présentant des projets simples et qui ressemblent à d'autres projets qui ont déjà rapporté de l'argent. Donc, ce n'est pas un produit pour le cinéma... J'ai une formation de scénariste en dehors de celle de journaliste scientifique. Cela fait longtemps que je galère. Je fais du roman d'imagination et qui dit imagination dit effets spéciaux, dit aussi des réalisateurs qui savent gérer ça. En France il n'y en a pas encore beaucoup. Les droits ont été achetés, mais c'est plutôt pour empêcher les autres de les avoir.
Le Livre du Voyage
Comment s'est passé la réalisation du Livre du voyage ?
En fait, j'ai essayé une vingtaine de fois de le faire et cela ne fonctionnait pas. Cela s'est mis à fonctionner à partir du moment où j'ai compris qu'il ne fallait pas avoir peur de tutoyer le lecteur. Si on fait un voyage on le fait à fond. Si on monte l'Anapurna ensemble, on ne va pas s'amuser à se vouvoyer durant tout le voyage. Si une amitié est venue entre le livre et le lecteur le tutoiement est obligatoire. Il y a un autre avantage: ceux qui ne supportent pas le tutoiement ne viennent pas et du coup il n'y a que ceux qui en ont envie qui viennent. C'est un livre qui n'est pas fait pour tout le monde. Il est fait pour ceux qui sont détendus et qui ont envie d'être heureux. Des gens m'ont dit «Le Livre du Voyage part d'un principe affreux, le Livre du Voyage va me rendre heureux» et il existe des gens qui n'ont pas envie d'être heureux, qui sont très content d'être dans leur malheur, de se plaindre, qui sont contents d'analyser tous les jours ce qui ne va pas. C'est vrai pourquoi leur dirait-on "détendez-vous et prenez un instant de calme" ? Cela ne peut toucher que 20 % de la population. Je considère que les 80% sont ceux qui sont très contents d'être dans leur merde, ceux qui n'ont pas envie qu'on les tutoie et ceux qui sont incapables d'imaginer qu'un livre soit vivant et s'adresse à eux.
Cela fait appel à la fois à la capacité de lecture du lecteur, mais aussi à sa capacité d'imaginer, de rêver et ceci simultanément.
Toute forme de vie a besoin de sommeil y compris les plantes. La forme organique du dauphin a résolu le problème de la manière suivante. Ils ont deux hémisphères cérébraux et il y en a un qui dort en permanence alors que l'autre est en permanence éveillé. Le dauphin avec lequel vous allez jouer au delphinarium est en train de rêver en même temps qu'il saute pour avoir le ballon, mais par exemple quand les dauphins se battent avec les requins, se sont des choses qui leur prennent beaucoup d'énergie, la partie qui dort remonte, c'est à dire que tout le cerveau peut être réveillé dans des circonstances indispensables. Inversement, quand il fait un long voyage il garde juste un oeil pour ne pas percuter les paquebots, mais sinon globalement il roupille parce qu'il n'a pas besoin de faire fonctionner son cerveau. Donc c'est un peu l'état que je propose au lecteur, puisque le lecteur est devant la problématique suivante: dans le livre, je lui propose d'imaginer des décors en même temps qu'il lit un livre. Depuis, j'ai eu un feed-back sur le livre, les lecteurs m'ont dit qu'ils avaient trouvé d'autres méthodes: ils lisent, ils ferment les yeux pour visualiser et puis ils reprennent, un peu comme une brasse coulée. C'est une technique. L'idéal c'est de se le faire lire les yeux fermés. Des gens se réunissent et l'un d'eux le lit aux autres, c'est la formule idéale.
Interview concoctée par Damien Dhondt
Propos recueillis pour Slash
(1): Le Darwinisme est une théorie selon laquelle la lutte pour la vie et la sélection naturelle sont les mécanismes essentiels de l'évolution des êtres vivants. Le lamarkisme est une variante selon laquelle une adaptation volontaire de l'organisme pour suivre cette évolution.
Cette interview est extraite de SLASH N° 10 (février 1998).
Slash, le Guide Mensuel de l'Imaginaire: Cinéma, Télévision, Vidéo, Livres, Internet, Expos
Tous les mois (sauf Août): 15 francs.
Abonnement: 145 francs par an. Abonnement possible directement sur le site "LCX". |
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Interview de Bernard Werber dans le Nouvel Observateur
source: web.archive.org
Ce que m'ont appris les fourmis
Par Bernard Werber *
Ancien chroniqueur scientifique au " Nouvel Observateur ", il a révolutionné notre vision du monde des insectes avec sa trilogie des " Fourmis ", best-seller planétaire. Cet écrivain entomologiste est une tête philosophique. La preuve...
Le Nouvel Observateur. - Où situez-vous la fourmi dans l'échelle de l'intelligence animale ?
Bernard Werber. - Il n'y a pas de gradation. Dans le monde animal, on ne peut parler que d'intelligences parallèles. Il est absurde de dire qu'un animal est plus intelligent qu'un autre ; c'est un concept inventé par les humains pour définir les capacités humaines ; la faculté de faire des mathématiques, ou de construire un pont. Nos outils ne sont pas objectifs. Pour un homme, être intelligent, c'est ressembler à l'homme ! On dira d'un singe qui sait fumer qu'il est intelligent. Or, si l'intelligence est la capacité de répondre à un problème par une solution, la plupart des animaux survivants ont trouvé une solution à leurs problèmes.
N. O. - En quoi consiste alors l'intelligence spécifique des fourmis ?
B. Werber. - Elle consiste à s'adapter et à améliorer la cité. L'objectif des fourmis est de construire des cités qui puissent regrouper un maximum d'individus. Dans leur univers, plus une espèce est capable de mettre en place une grande cité, plus elle est intelligente : l'organisation et les rapports sociaux qui s'y développent sont très sophistiqués. Paris et sa banlieue regroupent 15 millions d'habitants. N'importe quelle fourmilière de forêt en compte 50 millions, sans qu'il y ait pour autant d'embouteillages, de pollution, de problèmes de sécurité ou d'individus défavorisés. Pour vivre en société, les fourmis ont trouvé des solutions plus efficaces que les humains.
N. O. - Qu'est-ce qui vous fascine le plus dans cette organisation sociale ?
B. Werber. - Dans une fourmilière, tout le monde peut proposer ses idées. La circulation des élites est permanente. Celui qui a une idée la propose à tous. Imaginez qu'un individu, en se promenant, découvre un stock de nourriture. Eh bien, il ira voir les autres, et tout le monde reviendra avec lui. Il n'a pas besoin d'appartenir à l'Académie française pour qu'on l'écoute, ni d'être âgé ou de disposer d'un tremplin social.,. Les fourmis utilisent " l'intelligence fourmi ", comme nous utilisons l'intelligence humaine. Par rapport aux valeurs des fourmis, nous sommes des idiots, et réciproquement. On admet généralement que l'intelligence, c'est trois choses : la mémoire, l'adaptation et l'imagination. Les fourmis n'ont ni livres, ni cassettes vidéo, ni CD-Rom - nos outils de stockage de mémoire -, mais quand elles se trouvent en contact avec un insecticide, elles se mithridatisent, et les générations suivantes sont protégées contre ce produit. L'homme a lancé des bombes nucléaires, mais les générations suivantes ne sont pas pour autant protégées contre les radiations ; l'homme ne sait pas s'adapter au poison.
N. O. - Vous en parlez comme d'une civilisation à part entière...
B. Werber. . Bien sûr ! Quand une fourmi fait une erreur et construit sa maison sur un terrain inadéquat, toute la cité va savoir qu'il faut éviter ce genre d'endroit. En Italie, on continue à construire sur des terrains glissants : l'homme ne profite pas des erreurs passées. La capacité d'adaptation est aussi très développée chez les fourmis, Elles sont parvenues à s'adapter à des milieux extrêmes auxquels l'homme ne sait résister : aux déserts arides ou aux zones polaires. Et même au béton. On a vu des fourmis installer leur cité dans des failles de béton. Quant à l'imagination, les fourmis n'en ont pas - du moins on ne l'a pas observée. Mais elles testent tout et n'importe quoi ! Là où l'homme va faire un plan théorique, la fourmi expérimente tout ce qui lui passe par la tête, jusqu'à trouver quelque chose qui l'intéresse. Par exemple, si une colonie bute sur un ruisseau, elle va commencer par envoyer des exploratrices sur l'eau, qui vont se noyer ; puis une chaîne d'ouvrières qui vont se tenir sur l'eau par les pattes, et se noyer aussi. Et au bout de plusieurs semaines, elles vont creuser un tunnel.
N. O. - Combien de temps avez-vous étudié le comportement des fourmis avant d'écrire votre trilogie ?
B. Werber. - Quand j'étais enfant, j'ai passé de longues heures penché sur les fourmilières. Plus tard, ce qui m'a fasciné, c'est le fait que jamais on ne se soit intéressé aux fourmis ; pourtant, ce sont des populations que l'on peut observer sans que leur comportement s'en trouve modifié. Pendant un an, j'ai gardé chez moi une colonie de fourmis rousses des bois. J'avais installé dans mon studio un énorme aquarium avec de la terre, qui abritait environ deux mille individus. Cela demande énormément de soins : elles ne mangent pas n'importe quoi - les miennes ne mangeaient que du tarama et des pommes. Il faut tout le temps contrôler le niveau d'humidité- Et il y avait des évasions : je trouvais des fourmis dans mon lit le matin, et il ne fallait pas les tuer. C'étaient de grosses fourmis de trois centimètres ; on voit bien leur tête. J'ai fini par en reconnaître quelques-unes.
N. O. - On dit parfois que les fourmis constituent des organisations totalitaires.
B. Werber. - C'est l'image ancienne qu'en ont donné les entomologistes. Il fallait donc réhabiliter un animal condamné pour ne pas avoir été assez observé. Si l'on doit établir un parallèle avec les catégories de la politique humaine, les fourmis seraient plutôt anarchistes. Leur organisation est semblable à une communauté hippie, où chacun fait ce qui lui plaît. Sans chef, sans généraux, sans prêtres, sans présidents, sans police, sans répression.,. Il arrive même que certains individus quittent la cité pour vivre seuls. L'homme projette ses propres fantasmes sur les sociétés animales, surtout sur celles qui réussissent. Mais le seul animal totalitaire, c'est l'animal humain.
Propos recueillis par ANNE CRIGNON
*Auteur de la trilogie des " Fourmis " (dont le tome 3, " la
Révolution des fourmis ", vient de paraître au Livre de Poche),
Bernard Werber s'apprête à publier un " polar " sur les origines
de l'homme, " le Père de nos pères " (Albin Michel). |
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