Archives des articles de presse sur Bernard Werber
 

14.02.2024 - 11h25

Bernard Werber: «Je me suis mis dans la peau du chat»

source: ladepeche.fr

Quand le Toulousain Bernard Werber a l'idée folle de se glisser dans la peau d'un félin, il en sort «Demain les chats» (ed. Albin Michel). Après le succès mondial des «fourmis», il se sert de cet animal pour poser un regard distancié et humoristique sur nous, les humains...

Toujours très actif et demandé dans le monde entier, quand il n'écrit pas dans son café parisien préféré, Bernard Werber va à la rencontre de ses lecteurs ou donne des conférences. Interview.

Après «Les fourmis», pourquoi les chats ?

Que ce soit les fourmis ou les chats, mon idée est de comprendre qui est l'humain. Le mieux pour cela, c'est de sortir de son humanité. Pour comprendre ce qu'est l'homme, il faut utiliser un regard extérieur et pourquoi pas un regard de chat ? La fourmi a l'avantage de permettre de comprendre la vie collective en cité mais par contre elle ne peut pas comprendre la vie individuelle à l'intérieur d'un appartement. Le chat connaît l'homme dans son appartement.

Le chat vous fascine-t-il ?

J'ai trois chats. Ce qui est intéressant, c'est que le chat s'intéresse à l'homme. Par exemple, quand je tapais sur l'ordinateur, il me regardait, j'en déduisais qu'il s'intéressait à moi et à la manière dont j'interagissais avec lui. Partant de là, le travail du romancier consiste à se mettre dans la peau de l'homme en général. Moi, ce qui m'amuse, c'est de me mettre dans la peau des autres. Donc se mettre dans la peau d'un chat, c'était un regard extérieur exotique.

Cela aurait pu marcher avec un chien ?

Justement, mon étude du chat m'a amené à me comparer à lui. Pour moi, le chien est un pur animal d'amour et d'abnégation pour l'homme, donc il est plus prévisible et moins romanesque. Le chat est mystérieux, il peut avoir des moments de pure folie, du coup il nous oblige à imaginer ce que peut être sa pensée complexe. Le chien est un compagnon pour ceux qui sont seuls ou qui ont besoin d'être aimés. Le chat est compagnon pour ceux qui se posent des questions.

En tout cas, on sent que vous vous êtes bien amusé à entrer dans la peau de ce chat.

Oui. Pour que le lecteur ait du plaisir, il faut que l'écrivain en ait déjà. Je me suis énormément amusé dans ce personnage qui n'est pas que positif. C'est un personnage manichéen, il est complexe et peut faire du mal.

Le plus frustrant dans la vie d'un chat ?

La présence de portes qui ne leur permet pas d'aller d'un point A à un point B parce que quelqu'un l'a fermée par inadvertance ou volontairement. Ce doit être très désagréable. C'est pareil pour les enfants sauf que pour eux ça va s'arranger. Mais il existe des chats qui savent ouvrir les poignées !

Vous allez jusqu'à leur attribuer des sentiments humains ?

Parce qu'ils en ont. J'ai essayé d'être le plus honnête possible par rapport à ce que je voyais, c'est-à-dire que je ne lui faisais pas dire : «Bonjour Monsieur, comment ça va ?», «où est ma nourriture ? »... J'ai juste dit la pensée de mon chat.

A des moments, ils ont envie de câlins, à d'autres ils deviennent agressifs quand la tête de certaines personnes ne leur revient pas. A des moments, une chatte peut être amoureuse... Si c'est ça les sentiments humains, on voit bien que ça existe chez les animaux.

A la fin de votre livre, vous rendez hommage à un vétérinaire toulousain, Jean-Yves Gaychet, l'inventeur de la ronronthérapie. L'avez-vous rencontré ?

Oui, c'est un ami. Il m'a vraiment apporté une information précieuse.

Vous avez fait des études de droit, puis êtes devenu journaliste, puis vous avez écrit par hasard «Les fourmis»...

Non, ce n'était pas un hasard. J'ai mis douze ans à l'écrire. Je voulais faire un livre sur une civilisation parallèle.

Ce livre a complètement changé votre vie…

Il m'a permis de faire ce métier. En tant que journaliste, je me sentais limité dans le choix des reportages et la place pour les rédiger. Avec le roman, j'ai autant de pages que je veux. Je n'ai plus cette frustration.

Le succès vous a-t-il mis la pression ?

A chaque fois, ma problématique est de savoir si je vais encore y arriver, est-ce que je vais trouver le sujet qui va intéresser ? En ce moment, j'écris deux romans en même temps, je ne sais pas lequel des deux va rester. J'écris tous les matins de 8 heures à 12 h 30.

Vous êtes très actif sur facebook...

J'ai 150 000 personnes qui me suivent sur facebook, c'est la possibilité de communiquer avec beaucoup de gens très vite, ça fait partie des outils de mon époque. Quand j'étais jeune, tous mes sous passaient dans des achats d'ordinateurs. Je voulais toujours avoir la machine la plus performante. Je n'aime pas être dépassé par la technologie. C'est le seul domaine où ça bouge.

Sur facebook, les gens adorent poster des photos de leur chat, pourquoi ?

Parce qu'ils en sont fiers. On a l'impression qu'un chat choisit son maître alors que ce n'est pas le cas du chien.

Quelle place occupe Toulouse dans votre cœur ?

Mes parents vivent toujours à Toulouse, j'y reviens souvent. C'est une ville qui s'est bien modernisée, surtout le centre-ville piétonnier. J'ai eu mon premier salaire à La Dépêche du Midi, en travaillant aux archives, en 1983.

Publié le 27/11/2016 à 07:44
Recueilli par Sophie Vigroux

14.02.2024 - 11h28

Bernard Werber: «Mon show est un objet scénique non identifié»


source: ladepeche.fr

Quelles seront ces «histoires extraordinaires», ces «expériences amusantes» que vous annoncez pour votre spectacle?

Ce sont des expériences réellement vécues dans plusieurs pays comme la Chine, le Japon, la France. l'une se passe même à Saint-Gaudens! Tout est parti d'une expérience vécue avec des fourmis magnantes, en Afrique...

Sont-elles de l'ordre du surnaturel?

Non, il n'y a rien de surnaturel. Simplement il s'agit souvent de concours de circonstances étranges. parfois très étonnants.

Comment se déroule votre spectacle?

C'est une expérience interactive. j'invite le public à un voyage guidé. On explore de nouvelles contrées avec toujours une surprise à l'arrivée. Mais je ne peux en dire plus! Juste que l'expérience se fait en direct ,dans la salle. On visite plein de choses...

Vous vous présentez aussi comme hypnotiseur. Allez-vous endormir tout le monde?

Pas du tout. Je demande juste à ce que l'on ferme les yeux. Je prends ensuite le contrôle pour conduire le public vers quelque chose. Tout cela est très doux.

Est-ce de la sophrologie?

ça peut y ressembler. J'essaie d'amener à une relaxation. On vit un moment auquel on n'est pas habitué. Du coup, le spectacle est un peu hors du commun. Il a été classé «objet scénique non identifié». Il mêle conférence, expérience, narration...

Voilà donc votre nouvelle vie, en quelque sorte?

Oui, on peut le dire. Je suis naturellement timide. Ces shows m'obligent à me surpasser. Je dois me faire violence, c'est un challenge...

La scène est donc un défi pour l'écrivain, non?

C'est vrai. On est en prise directe avec le public dont on voit les réactions. Si je me sens bien, je rajoute des scènes. L'écrivain est souvent un solitaire vivant sur île déserte. Là, c'est totalement le contraire.

Votre carrière d'écrivain va-t-elle s'arrêter?

Non! C'est vraiment complémentaire. Je continue d'écrire mais j'accorde plus de temps à raconter des histoires. Cela me fait penser aux griots d'Afrique, à ces conteurs qui existent depuis si longtemps...

Les Fourmis ont-elles toujours un impact sur votre vie?

C'est sûr. Je leur dois tout. J'ai compris beaucoup de choses du futur en les observant. On leur ressemble déjà énormément, on est tous connecté!

Votre dernier livre «Demain les chats» rappelle celui de Simak «Demain les chiens». Pourquoi, cette analogie?

C'est un hommage à cet auteur de science-fiction que j'adore. Tout comme Pierre Boule et sa «Planète des singes» . Je trouve intéressant de réfléchir à travers un regard animal ce que peut devenir l'humanité. Prenez le sujet du terrorisme. Tout le monde dit qu'il faut arrêter cela... et ça continue. Faites parler un chat et vous verrez que le message sera différemment perçu!

Combien de chats avez-vous?

J'en ai eu trois mais je n'en ai plus. J'ai compris pour le dernier qu'il serait plus heureux à pister les oiseaux et courir dans l'herbe. Je l'ai confié à un ami. Il coule des jours heureux.

Bernard Werber le Toulousain a-t-il abandonné la Ville Rose?

Jamais! Mes parents et ma sœur vivent à Toulouse et je viens régulièrement les voir. Comme je passe du temps avec des amis écrivains tels que Jean-Claude Dunyach, auteur de romans de science-fiction. Et le reste du temps, je voyage. Cette année ce sera la Russie. Chaque fois, c'est 5000 à 6000 spectateurs dans la salle.

Publié le 26/02/2017 à 10:26
Recueilli par Emmanuel Haillot

14.02.2024 - 11h30

Confidence d’artiste L’écritothérapie Bernard Werber

source: revue-reflets.org

Bernard Werber est vraiment un écrivain étonnant. Il écrit des livres géniaux qui sont le fruit de son intuition. Chose surprenante, il ne croit pas à ce qu'il transcrit. Ainsi, il parle avec brio des anges, des morts, de l'au-delà sans se sentir impliqué. Il souhaite garder son libre-arbitre. Auteur à succès de 23 romans traduits dans plus d'une trentaine de langues, Bernard Werber fait de l'écriture un mode de vie, et même une psychothérapie. Heureux par l'écriture quotidienne. Ainsi depuis peu, il propose des ateliers d'« écritothérapie ». « Plutôt que de faire une psychanalyse, si quelqu'un ne va pas bien, s'il raconte sa vie par écrit, même si ce n'est pas publié, ça lui fera du bien. » Fort de son expérience, il dévoile ses secrets d'écriture, l'art de la construction romanesque et explique comment passer du libre cours à la créativité. www.bernardwerber.com

A quoi attribuez-vous votre imagination débordante ?

Quand je suis arrivé sur cette planète, j'avais déjà un premier souci : le système scolaire ne me convenait pas. Tout ce que l'on propose à un enfant comme mécanisme d'*ion m'égratignait. Je n'étais pas bon, comme élève et comme camarade. À partir de là, pour m'enfuir avec mon esprit, j'ai développé un imaginaire à travers le dessin et la musique.
À 5-6 ans, mon professeur de dessin disait que, comme j'allais être peintre ou dessinateur, ce n'était pas la peine de m'apprendre d'autres matières. J'avais trouvé une échappatoire par le dessin. Vers l'âge de 8 ans, j'ai fait une rédaction qui s'appelait « Souvenir d'une puce ». Le professeur m'avait mis une mauvaise note, car il y avait cinq fautes d'orthographe, mais il a reconnu qu'il s'était régalé en la lisant. Dès lors, j'ai pris cela pour un signe : quand je raconte des histoires, on m'apprécie. C'est comme si la société me disait : « Là, enfin, tu nous intéresses. » Je me suis aperçu ensuite que, quand je n'allais pas bien, il suffisait que j'invente une histoire comme un rêve éveillé pour aller mieux. À partir de là, j'ai renforcé mes points forts plutôt que combler mes points faibles. Vers l'âge de 9 ans, on a détecté chez moi une maladie, la spondylarthrite ankylosante. Déjà j'avais des lunettes, je n'étais pas bon en sport, et avec cette maladie, je commençais à arriver en cours avec une canne. Et à 9 ans, un type qui arrive comme un petit vieux, cela ne participait pas vraiment à mon *ion. Du coup j'écrivais et je lisais de plus en plus pour fuir dans des mondes imaginaires.

Quand cela ne va pas, j'écris une histoire

À 13 ans, alors que j'étais passionné de sciences, j'ai échoué au passage en section scientifique (parce que j'avais oublié de tourner la page de l'énoncé). Je suis rentré en section économique et, comme je m'ennuyais beaucoup, j'ai créé un journal dans lequel je racontais des histoires. Les fourmis a été l'un des premiers scénarios que j'ai écrits pour ce journal. Je devais avoir 14 ans. J'ai passé un cap, c'est-à-dire qu'avant on me tolérait comme raconteur d'histoires, mais là je commençais à intéresser en tant que créateur de journal. Depuis, quand cela ne va pas, j'écris une histoire. L'autre apport de l'écriture, c'est que j'ai l'estime de l'entourage. Plus tard, je suis allé à la fac de droit et j'ai raté mon examen. À partir de là, je n'avais pas le choix. Il fallait continuer dans ce système de compensation de mes échecs de la vie courante, par une fuite par l'art et notamment par l'écriture imaginaire. Parallèlement, pour m'améliorer je lisais de plus en plus. Certains auteurs sont entrés en résonance avec moi et m'ont enseigné l'art de bâtir des univers complexes qui peuvent tenir sur plusieurs centaines de pages. Notamment Isaac Asimov avec fondation, Frank Herbert avec Dune, J.R.R Tolkien avec Le Seigneur des anneaux, et évidemment Jules Verne avec la série sur l'Île Mystérieuse. Je comprenais que plus le récit est long, plus il faut une structure cachée solide, une armature, un squelette, pour que cela tienne jusqu'au bout. Si on n'est pas assez rigoureux dans son plan et sa structure, les fondations s'enfoncent et le récit s'effondre. J'utilisais aussi le jeu d'échec comme moyen de déplacer et faire combattre mes personnages. Ensuite, il fallait mettre le maximum d'énergie pour réussir la fin. Pour moi, l'histoire, c'est un jeu dans lequel il y a une solution inattendue à laquelle on ne pense pas tout de suite.

Je fais ma psychanalyse en écrivant

Quand vous écrivez, cela vous fait-il du bien encore maintenant ?

En fait, je suis étonné que tout le monde ne fasse pas cela. Quand les gens me racontent leurs problèmes, se sentent coincés, j'ai envie de leur dire : « Libérez-vous en racontant une histoire dans laquelle vous transférez votre problème dans l'intrigue, pour faire chercher une solution par votre personnage ». Je fais ma psychanalyse en écrivant. Dans les master class que je donne actuellement, je demande aux participants d'oublier leur prof de français, de ne pas faire une jolie rédaction, mais une jolie histoire dont ils sont le héros et d'utiliser leur personnage pour résoudre leur problème personnel principal.

D'où vient votre attirance pour les expériences extraordinaires, inhabituelles ?

Ce que je ne comprends pas, c'est le manque de curiosité de certains de mes contemporains. S'il y a un truc nouveau, je veux voir. À l'âge de 13 ans, il m'est arrivé une chose assez extraordinaire alors que j'étais en colonie de vacances. Je rencontre un autre enfant de 13 ans, Jacques Padovani, qui était tout le temps souriant, détendu, de bonne humeur. Je lui ai demandé d'où venait son calme. Il m'a répondu qu'il pratiquait du r?ja yoga. Je lui ai demandé de m'apprendre. Il m'enseigna à me lever tôt le matin pour voir le lever du soleil. Il m'a aussi montré comment respirer en conscience, fixer mon regard, manger en sentant les aliments entrer dans mon corps. En fait, il m'a appris à vivre. Par la suite, j'ai essayé de trouver dans des clubs de yoga, y compris de r?ja yoga ce qu'il m'a appris, mais il n'y avait que la partie « gymnastique » et pas la partie « prise de conscience » et je n'ai plus jamais retrouvé un enseignement aussi fort. Mais je suis content du fait que depuis peu les magazines féminins, les revues commencent à parler de la méditation, du yoga, autrement qu'en le laissant sous l'image ancienne de la religion ou de la gymnastique pour retraités. Jacques allait très loin, il me disait qu'il arrivait avec son esprit à sortir de son corps pour pratiquer quelque chose comme le voyage astral. J'ai utilisé ce thème pour certains de mes romans plus tournés vers la spiritualité, comme le prochain : Depuis l'au-delà.

Chaque journée où je suis vivant est un cadeau

Est-ce que vous avez une pratique spirituelle ?
Il y a 7 ans, on a découvert que j'avais un bouchon dans le cœur et que je n'en avais que pour quelques mois à vivre. Depuis, je fais 50 minutes de vélo d'appartement tous les jours. Tous les matins en me levant, je me dis : « Chouette une journée de plus ! » J'ai vraiment conscience que chaque journée où je suis vivant est un cadeau. Progressivement, je deviens aussi végétarien, simplement parce que je n'aime pas manger de la souffrance animale. Enfin au niveau du mental, l'écriture est mon mode de vie, mon mode de soins. J'écris tous les matins de 8 h à 12h30. Et quand je regarde derrière moi, il me semble qu'il y a un chemin d'accompli : 23 romans, 2 pièces de théâtre, 1 long-métrage cinéma. Cela me donne l'impression de ne pas être né pour rien.

Quand vous êtes contrarié, avez-vous une méthode pour transformer cette contrariété ?
Je ne me mets jamais en colère. Pour moi, ce serait m'abaisser au niveau de ceux qui m'agressent. Mon unique solution, c'est la fuite, la fuite par l'écriture, sinon la fuite géographique. Quand quelqu'un me contredit ou m'énerve, je n'ai pas à lui expliquer qu'il a tort, je me dis qu'il vit avec son système, que je vis avec le mien. Je préfère la place de romancier à celle de philosophe parce que, comme romancier, je raconte des histoires qui n'ont pas besoin d'être vraies. Je ne demande pas aux gens d'avoir la foi, je leur propose juste de se poser de nouvelles questions, de ne pas juger, d'être curieux de tout ce qui est nouveau. Beaucoup de gens m'ont dit que Les Thanatonautes et L'Empire des anges leur avaient ouvert de nouvelles perspectives. J'écris pour ça.

14.02.2024 - 11h33

Bernard Werber: "Ma place, je l'ai trouvée en racontant des histoires"

source: notretemps.com


Bernard Werber: "Ma place, je l'ai trouvée en racontant des histoires"

Notre Temps: Nous sommes dans un bistrot très important pour vous, pourquoi? Bernard Werber: Je m'assieds à cette même table tous les matins de 8h30 à 12h30. Je mets d'abord 5 à 10 minutes à lire le journal pour voir comment va le monde, puis, je sors mon ordinateur portable et je mets de la musique pour m'isoler. J'écris en moyenne 10 pages par jour. Ensuite, le midi, je déjeune avec quelqu'un qui a un domaine de connaissance très différent du mien - historien, philosophe, scientifique mais aussi humoriste ou magicien - parce que de la conversation vont naître des informations, des idées. Un écrivain doit vivre dans le monde pour se renouveler. L'après-midi, je vais voir mon éditeur ou je pars marcher en forêt. En fin de journée, je fais du sport car j'ai eu, il y a quelques années, une très lourde alerte cardiaque.

NT: Que vous est-il arrivé?

B.W.: C'était il y a cinq ans. J'ai eu une coronaire bouchée. Soit j'étais opéré, soit je devais m'astreindre à une heure de cardio-training quotidienne. Depuis, je considère que je suis en sursis. Chaque jour est une journée de gagnée. NT: Cet accident a-t-il changé votre vision de la vie? B.W.: Bien sûr, car je sais que tout peut s'arrêter d'un coup. Depuis, je suis plus pressé. J'écris plus de livres. J'aimerais pouvoir tous les publier mais le système littéraire ne l'autorise pas. Si vous faites plus d'un livre par an, vous avez l'air de bâcler. NT: Êtes-vous sujet aux regrets?

B.W.: Non, parce que je ne suis pas un fou de la prise de risque! Ce qui m'intéresse, c'est de construire une œuvre de qualité. Mais ne pas aller en Antarctique ou me rendre dans des endroits dangereux ne me dérange pas. D'autant que mon métier me permet de côtoyer beaucoup de gens différents. À chaque rencontre, je découvre une nouvelle planète.

NT: Dans votre dernier ouvrage, "Depuis l'au-delà" , le personnage principal, Gabriel Wells, enquête sur son propre assassinat... La vie après la mort, est-ce un sujet qui vous travaille?B.W.: Sans doute. Mais ce n'est pas une réflexion angoissante, juste un questionnement philosophique sur le sens de la vie. Il y a une phrase de Woody Allen qui dit: "Tant que l'homme sera mortel, il ne sera pas vraiment décontracté." En tout cas, tant que l'homme sera mortel, il se demandera: comment tout cela va-t-il finir? Et tout ça pour quoi? NT: Croyez-vous à la possibilité d'une vie après la mort? B.W.: Ma formation de journaliste scientifique m'incite à être sceptique, mais ce qui m'intéresse dans ce concept de réincarnation, c'est l'idée que, vie après vie, nous ne faisons qu'apprendre à nous améliorer. Je ne saurais jamais si c'est vrai ou pas, mais je trouve cette idée rassurante. La naissance n'est pas le début, et la mort n'est pas la fin. C'est juste un passage, une étape, un bout du voyage.NT: En quoi aimeriez-vous être réincarné? B.W.: En écrivain! J'aime beaucoup cette vie-là. Je souhaite à tout le monde une existence dans laquelle on ne dépend pas d'une hiérarchie mais du public. Je trouve cela honnête. C'est aussi une vie où je n'arrête pas d'apprendre, de lire, de m'instruire pour transmettre à mes lecteurs. Une vie dans laquelle j'ai beaucoup voyagé aussi. Assurément, si la réincarnation existe, cette vie est celle dans laquelle j'aurais accompli le plus de choses intéressantes.NT: En tant qu'écrivain de science-fiction, êtes-vous plutôt optimiste ou pessimiste pour l'avenir de notre planète?B.W.: Je suis pessimiste sur le court terme et optimiste sur le long terme. Je pense que toutes les erreurs politiques, scientifique, économiques et financières possibles vont être commises. Mais les débats qu'elles susciteront vont nous amener à rectifier le tir. Pour commencer, il faudrait penser à une régulation démographique et envisager une meilleure répartition des richesses.

NT: Votre personnage, Gabriel Wells, est écrivain comme vous. En quoi d'autre vous ressemble-t-il?B.W.: Comme moi, c'est un auteur qui privilégie la qualité de l'histoire et du suspense au culte de la jolie phrase. Il se pose tout le temps la question de savoir comment intéresser les gens à son récit. Le but d'un livre est de provoquer des émotions au lecteur, de les faire rire ou de les faire réfléchir. C'est ça le livre idéal pour moi. Sinon, la grande différence avec Gabriel Wells, c'est que je n'ai pas de frère jumeau et que je ne suis pas mort! NT: Quelle est votre méthode pour élaborer une intrigue qui donne envie de tourner les pages? B.W.: Je parlerais plutôt de recette de cuisine. Quand vous voulez préparer un plat, il faut choisir les ingrédients, déterminer un temps de cuisson et réfléchir à une manière de le présenter. Il faut ensuite faire des tests pour trouver le bon dosage. Pour faire un bon roman, il faut aussi du savoir-faire. Avec le temps, je repère mieux ce qui fonctionne ou non, comment aller plus vite à l'essentiel et comment augmenter les effets d'émotions. L'une de mes recettes consiste à entrer dans l'intrigue dès la première ligne. Je suis toujours surpris de voir des romans qui commencent à la page 120. Quand il ne se passe rien au bout des 100 premières pages, je considère que l'écrivain n'a pas fait son travail.NT: Y a-t-il un livre qui a changé votre vie?B.W.: Oui, j'ai été chamboulé par "Des fleurs pour Algernon", le roman de Dany Keyes. Ce qu'il explique dans le livre, c'est que si tu es bête, tu es rejeté et si tu es intelligent, tu es rejeté aussi! Notre système tend vers l'uniformisation et nous incite à être tous pareils. Ceux qui cherchent à se démarquer se lancent dans un parcours semé d'embûches. C'est ce qui arrive au héros du roman. Je me suis beaucoup retrouvé dans ce personnage qui, tant qu'il n'est pas comme les autres, ne peut avoir une vie facile.

NT: En quoi son parcours fait-il écho au vôtre?

B.W.: Petit, j'étais solitaire, introverti, rêveur, pas adapté au système. Je portais des lunettes et je boitais à cause d'une maladie. À l'école, l'intégration pour un garçon se fait par le football, mais moi je n'étais pas bon en sport. Je n'étais pas non plus un très bon élève. Mais à l'école, si tu n'es ni intello ni sportif, tu es quoi? Vu que le monde des hommes ne m'intégrait pas, j'observais dans les jardins les animaux et les insectes comme les fourmis qui me fascinaient... NT: D'où l'idée de votre premier roman, "Les Fourmis"? B.W.: Oui, au fond, mon aspiration vient de cette revanche sur un système qui me rejetait. Ma place, je l'ai trouvée en racontant des histoires. Je lisais Jules Verne et Edgar Poe et je relatais aux autres les romans que j'avais lus. Vers 8 ans, j'ai commencé à inventer mes propres histoires. À 14 ans, j'ai créé un journal, "Euphorie" , dans lequel j'écrivais des scénarios qu'un ami illustrait. À 16 ans, j'ai rédigé "Les Fourmis". J'en ai fait une centaine de versions jusqu'à ce que je rencontre un éditeur motivé. Finalement, grâce à l'écriture, j'ai imaginé ma propre tribu. Ce sont mes lecteurs!

14.02.2024 - 11h37

Interview de Bernard Werber par Yoga journal


source: web.archive.org

Par Lionel Piovesan



« Quand on rentre dans la spiritualité, ça agace les imbéciles »


L'auteur des livres à succès Les Fourmis, Les Thanatonautes ou L'Empire des Anges, a été initié au yoga à l'âge de 13 ans. Lors d'une colonie de vacances, il rencontre Jacques qui lui ouvre les portes de la spiritualité orientale. Cet éveil précoce continue à l'influencer dans sa vie et dans son écriture.



Yoga Journal : Comment s'est faite votre rencontre avec le yoga ?

Bernard Werber : J'avais 13 ans, j'étais en colonie de vacances à Hyères. Mon attention a été attirée par ce garçon qui était extrêmement calme, détendu et souriant. Il avait un truc que les autres n'avaient pas. Il m'a expliqué qu'il faisait du yoga deux fois par jour avec André Van Lysebeth (professeur de hatha-yoga, ndlr). J'ai tout de suite était happé par ce qu'il me racontait et quand il m'a proposé de m'initier, j'ai aussitôt accepté.



Racontez-nous comment s'est déroulée cette initiation.

Réveillés tôt le matin avant le lever du soleil, nous nous retrouvions en haut d'un bunker.

Il se mettait en position du lotus et moi en tailleur. Et il m'expliquait qu'il arrivait à sortir de son corps. ça me paraissait extraordinaire. Pour l'anecdote, j'ai vu un moustique se poser sur sa paupière et y planter son dard. Et il n'a même pas bougé… Pour lui, la partie « asanas » était vraiment secondaire par rapport à la partie « vivre le yoga ». Il faisait des choses impressionnantes. Par exemple, vider ses poumons et s'asseoir en lotus au fond de la piscine. Progressivement, il m'a délivré son savoir comme un maître à son disciple, me donnant tous les jours des exercices. Il m'a appris à respirer, rentrer le ventre, ralentir mon cœur, manger, être vraiment là, regarder et fixer un point… le tout en conscience. Au fur et à mesure on a formé un binôme surprenant dans la colonie de vacances. Il me parlait de voyage astral, de réincarnation, de relaxation… Un ensemble de choses que j'ignorais. Il avait aussi des rituels au quotidien que je trouvais spectaculaires comme se laver le nez avec de l'eau salée et faire passer un fil dedans. J'étais surpris que ça puisse aller aussi loin. Il incarnait la voie de la sagesse. Tout à coup, j'ai eu l'impression qu'il détenait les réponses à toutes les questions que je pourrais me poser le restant de ma vie. Il s'appelait Jacques Padovani et j'aimerais beaucoup le retrouver.
Comment cette amitié avec ce jeune maître était perçue par les autres ?

Notre binôme a commencé à déranger car les autres ne comprenaient pas ce que nous faisions. Un jour, un garçon qui faisait du karaté est venu me demander ce que je faisais avec Jacques. Je lui ai répondu que ça ne le regardait pas. Il m'a expliqué que ça ne lui plaisait pas et que nous devions arrêter. Et comme je refusais, il m'a jeté par terre et il m'a mis un coup de poing. Je suis allé voir Jacques et je lui ai demandé : « Qu'aurais-tu fait à ma place ? » Il m'a répondu : « Je ne peux pas être à ta place. Et s'il s'en est pris à toi, c'est peut-être parce que tu es à la moitié du chemin. » Et là, j'ai compris que quand on rentre dans la spiritualité, ça agace les imbéciles. ça peut rendre agressif et générer de la brutalité.

Et que s'est-il passé ensuite ?

De retour à Toulouse, j'ai cherché un studio de yoga pour poursuivre mon initiation. J'ai trouvé des groupes qui pratiquaient les asanas, mais malheureusement pas du tout ce que m'avait enseigné Jacques. J'ai fait plusieurs ateliers et écoles différents. ça ressemblait à de la gymnastique, mais pas à de la spiritualité ou à de l'éveil. Et là, j'ai compris que l'enseignement du yoga de mon ami était un trésor. Du coup, je suis allé chercher dans la méditation transcendantale, dans le zen, dans d'autres formes de spiritualité orientale telles que le taoïsme, le bouddhisme… En vain car je ne retrouvais ni la qualité ni la force de l'enseignement de Jacques. J'ai pu vérifier à quel point je pouvais aller loin avec un capteur, que j'arrivais à ralentir les battements de mon cœur. J'avais donc la possibilité, si je souffrais trop, de décider quand il devait s'arrêter de battre et ainsi de pouvoir même mettre fin à mes jours. Il faut dire que j'avais très mal vécu, peu de temps avant, l'acharnement thérapeutique qu'a subi mon grand-père qui était alors en fin de vie.
Est-ce de là que vient la genèse de votre livre Les Thanatonautes sur l'expérience de mort imminente (EMI) ?
Justement, j'y arrive. Quand j'étais en colonie, Jacques m'a appris à faire sortir mon esprit de mon corps, à faire ce qu'on appelle un voyage astral. Y suis-je vraiment arrivé ? Je ne sais pas. En tout cas, il me disait de ralentir ma respiration, les battements de mon cœur, et de visualiser mon esprit qui quittait mon crâne et qui commençait à voyager au-dessus de nous. étonnamment, avec cette expérience, c'est comme si on m'avait montré le point d'arrivée alors que la route ne fait que démarrer… et que normalement tout ce travail est long et progressif. Quoi qu'il en soit, quand j'étais là-haut, durant cette colonie de vacances, j'ai réussi à sortir de mon corps.



Cette expérience vous a beaucoup influencé dans votre écriture ?
Oui, ça m'a inspiré Les Thanatonautes et toute la partie spirituelle de mes romans. Ce garçon était un éveilleur pour moi. Ce qui est amusant, c'est que quelques années après la sortie du livre [il a été publié en 1994 aux éditions Albin Michel, ndlr], j'étais à une conférence sur la spiritualité à Versailles. Au moment de la séance de dédicaces, une personne se présente devant moi : « Je suis André Van Lysebeth, j'ai adoré Les Thanatonautes. C'est un livre important pour moi. » Je lui réponds que je lui dois indirectement l'écriture de ce livre : « C'est grâce à vous car c'est un de vos élèves qui m'a éveillé à la spiritualité : Jacques Padovani. » Et je le regarde l'air de dire : « Vous connaissez Jacques Padovani ? » Et il me répond : « Vous savez, j'ai tellement d'élèves que je ne me les rappelle pas tous. » Il ne cessait de me dire à quel point il avait adoré mon livre et moi de lui répéter que c'était grâce à lui que je l'avais écrit.

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14.02.2024 - 11h39

Comment l'écriture de livres m'a aidé à surmonter la maladie


source: huffingtonpost.fr

Un arbre dans le dos, des rêves au bout des doigts.

1. Je me souviens.

Je suis né avec une maladie bizarre qui se nomme SPA. Non pas pour Société Protectrice des Animaux mais pour Spondili Arthrite Ankylosante. Spondili ce sont les vertèbres. Arthrite c'est le rhumatisme. Ankylosante cela signifie que progressivement cela bloque tout. En fait mon dos se transforme en petit arbre bien rigide.

C'est ce qu'on appelle une maladie moderne car elle n'a été bien diagnostiquée qu'à partir des années 1980, grâce aux travaux d'un monsieur toulousain comme moi qui s'appelle Jean Dausset et qui reçut précisément en 1980 le prix Nobel de médecine pour ses recherches sur ce problème. Mais avant de vous en dire plus sur cette charmante maladie qui m'accompagne depuis ma jeunesse, je vais vous parler de mon enfance.

2. Je suis né à Toulouse et j'étais un enfant, comment dire? Solitaire introverti, les professeurs mettaient souvent "rêveur" ou "dans la lune" a côté de la phrase "résultats scolaires pour l'instant plutôt moyens mais on sent qu'il y a du potentiel il devrait se reprendre avant la fin de l'année".

3. Mais je ne me reprenais pas et passais parfois les classes suivantes de justesse.

4. Par contre je lisais très jeune des livres, notamment des nouvelles d'Edgar Poe et de Jules Verne. Et grâce à cela je tenais le coup.

5. J'étais moi-même un peu bizarre, nul en sport, nul au foot, je n'arrivais pas à retenir par coeur les récitations ni les noms des fleuves russes et encore moins les dates des grandes batailles-boucheries qui ont rythmé l'histoire de nos ancêtres. Durant les vacances, je restais des heures à observer les fourmis dans le jardin de la villa de mes grands-parents à la campagne.

6. Je les mettais ensuite dans des pots et je croyais en faire l'élevage, mais vu que souvent il n'y avait pas de reine, elles dépérissaient et je les remettais là où je les avais trouvées.

7. Problème familial: un certain dégoût de près ou de loin pour tout ce qui ressemblait à de la viande surtout saignante. Je dis ça car j'ai toujours eu l'impression que c'était manger du cadavre.

9. Donc nul au foot, un peu trop sensible dans le quotidien, en conflit alimentaire avec mes parents, pourvu de peu de mémoire pour les cours, j'étais ce qu'on pourrait nommer un enfant plutôt inadapté au système social courant.

Le seul domaine où j'excellais dès l'âge de 5 ans était le dessin. Je dessinais partout toujours la même chose: un vaisseau spatial grâce auquel je voulais quitter la Terre avec quelques copains triés sur le volet. On arriverait sur une autre planète et là-bas on recommencerait tout "autrement".

10. À 8 ans, composition libre, je rédige une rédaction sur un sujet qui me passe par la tête "SOUVENIR D'UNE PUCE".

11. Le point de vue d'une jeune puce qui escalade un humain des pieds aux cheveux comme s'il s'agissait d'une montagne et qu'elle pratiquait l'alpinisme pour rejoindre la jungle des poils qui couronne son sommet.

12. Le professeur de l'époque s'est avéré encourageant: "C'est avec vous que je prends le plus de plaisir à lire les copies, qu'est-ce que j'ai ri avec votre rédaction! C'était vraiment un pur régal de lecture. Je l'ai relue plusieurs fois et l'ai fait lire autour de moi. Par contre 5 fautes d'orthographe m'obligent à vous mettre zéro. Dommage Werber, dommage, il suffirait que vous soyez un peu plus attentif à l'orthographe et vous auriez eu une bien meilleure note". Cela dit la première phrase est comment dire... à revoir ( "Je suis né d'un père puceau et d'une mère pucelle"). Vous comprendrez un jour pourquoi."

13. Deuxième rédaction en sujet libre qui me valut les encouragements du même professeur: "Un safari vu du point de vue du lion". L'idée était de sortir de ma peau de petit garçon, d'offrir un point de vue extérieur original. Celui du chassé plutôt que celui du chasseur. Pareil, le professeur me dit qu'il avait bien ri et qu'il avait adoré mais que, zut une fois de plus les 5 fautes l'obligeaient à contre-coeur à me mettre un zéro.

14. Déjà à 8 ans je maîtrisais le fond mais pas la forme. En fait déjà à 8 ans je crois que je me passionnais pour le fond et me désintéressais de la forme. Mauvais élève un jour, mauvais élève toujours.

15. À 13 ans, mort de mon grand-père, Isidore, à l'âge de 82 ans.

16. On pratiqua sur lui de l'acharnement thérapeutique. Il réclamait qu'on le laisse mourir tranquille (il avait les poumons remplis d'eau et des escarres dans le dos qui le faisaient beaucoup souffrir). Il fut sanglé pour l'empêcher d'enlever ses tuyaux de perfusion. Mais de rage il y parvint quand même pour se donner la mort.

17. Je fus bouleversé par cette disparition et les circonstances dans lesquelles elle s'était produite. Cela me posait des questions. Ainsi on ne peut même pas mourir sereinement quand on en a envie, on peut vous forcer à vivre malgré vous!

18. Du coup, énorme crise de mal au dos, énorme difficulté à sortir du lit. Je devais aller à l'école avec une canne. Comme un petit vieux.

19. Mes parents m'amenèrent chez le médecin pour tenter d'expliquer ce blocage. Celui-ci diagnostiqua que c'était psychologique. Je voulais faire mon intéressant. Ou que je ne voulais plus aller à l'école.

20. Il faudra attendre encore un an avant qu'un spécialiste des rhumatismes ait l'idée de me faire un test qui se nomme HLA B27. Il s'avéra positif. Du coup on put déduire ce qui me provoquait ce blocage du dos.

La Spondili Arthrite Ankylosante.

21. Mauvaise nouvelle, cette maladie est génétique (donc il n'y a aucune cause sur laquelle on peut agir) et elle est irrémédiablement évolutive. Je dois donc terminer ma vie handicapé pour me transformer en statue.

22. Vers la fin on me proposera un choix: "Assis ou couché". C'est-à-dire rester définitivement bloqué en position assise ou en position couchée. Assise permet de mieux travailler. Couché permet de mieux dormir.

Je découvrais aussi que ceux qui choisissaient: "assis" devaient dormir en position verticale dans des hamacs suspendus au plafond avec les deux jambes qui sortent sur les côtés...

23. On a testé sur moi le traitement des piqûres aux sels d'or.

24. J'ai ingurgité toutes sortes de médicaments, pour finalement me cantonner aux anti-inflammatoires qui me soulageaient un peu... et me trouaient l'estomac...

25. Déjà mon truc pour tenir était d'écrire des nouvelles.

26. A 16 ans j'ai créé un journal de lycée à Toulouse, EUPHORIE. À l'intérieur je publiais mes nouvelles transformées en scénarios de bandes dessinées, illustrées par des amis dessinateurs, Fabrice Coget, Michel Dezerald...

27. Une de mes nouvelles m'a semblé amusante à developper: Les fourmis.

28. A l'époque j'avais lu dans un article-interview d'un de mes auteurs préférés Frédéric Dard (connu pour être l'auteur des "San Antonio") que pour bien écrire un projet de livre il faut une discipline de 8h à 12h30 tous les matins.

29. Je pris ce conseil à la lettre.

30. Par chance pour les études de droit que j'entamais à partir de l'âge de 17 ans, les cours se déroulaient essentiellement l'après-midi. Du coup j'avais mes matinées disponibles pour écrire Les fourmis.

31. A 20 ans je passais mes 3 jours d'examens pour le service militaire, qui à l'époque était obligatoire pour tous. Je montrais mon dossier médical où était inscrit mon petit souci de santé. Le médecin militaire qui m'examina se mit à avoir la larme à l'oeil en me racontant la tragédie d'un de ses meilleurs amis qui était atteint de la même maladie à un stade plus avancé. Du coup j'ai été exempté. Ce fut le premier apport positif de ma SPA.

32. À 16 ans j'ai commencé la rédaction du projet "fourmis". À l'époque je m'étais amusé à créer des acrostiches, c'est-à-dire que les premières lettres de chaque phrase formaient un récit complet caché.

33. La première version faisait déjà plus de 1000 pages (je voulais faire une grande saga dans l'esprit de mes deux livres cultes de l'époque: Fondation d'Asimov, et Dune de Franck Herbert).

34. Ensuite après avoir échoué à mes examens de droit, j'ai fait criminologie, puis école de journalisme.

35. À 20 ans je gagne un prix de meilleure idée de reportage avec les fourmis carnivores magnans d'Afrique. Je vais sur place au centre écotrope de Lamto en Côte d'Ivoire et je me retrouve plongé au milieu d'un fleuve de millions de fourmis susceptibles, peu timides et très affamées.

Je m'en tire de justesse grâce à la présence d'esprit de Kouassi Kouassi mon assistant qui me sort d'un fossé recouvert de ces charmants insectes.

36. Rentré à Paris je réécris tout le roman.

37. En tout, je vais en 12 ans (de 16 à 28 ans) écrire 111 versions de ce projet. La dernière version Z85 comprenait 1500 pages.

38. À partir de la 6ème année d'écriture, donc à partir de 22 ans, j'ai commencé à chercher un éditeur et j'ai envoyé la dernière version du manuscrit, modifié tous les ans, à une dizaine d'éditeurs. Dont Albin Michel mon éditeur actuel. Mais je tombais sur le comité de lecture conventionnel qui ne comprenait même pas l'intérêt de publier un roman sur un sujet aussi "décalé".

39. 6 ans de lettres de refus et puis... il y a eu un concours de circonstances étranges (que je vous raconterai dans une autre nouvelle) qui a fait que soudain cela s'est débloqué.

40. Enfin Albin Michel acceptait de me publier en me demandant juste de réduire de 1500 pages à 350. Il me fallut enlever les grandes scènes flamboyantes que j'avais rédigées dans l'esprit du Salambo de Flaubert (autre référence qui me semblait parfaite pour rédiger un récit sur les fourmis).

45. Donc de 1500 à 350 pages, je publiais la version "clip" du long métrage.

46. À 30 ans j'ai donc enfin été publié et mes crises se sont définitivement arrêtées.

47. Pourquoi lier les deux? Parce que cela me semble évident, en fait, le seul remède contre la maladie est de s'épanouir dans son activité quotidienne.

L'écriture de romans a arrêté la progression de ma maladie.

50. J'ai trouvé récement une étude néo-zélandaise de 2009 montrant que les accidentés de la route qui rédigent tous les jours des récits imaginaires guérissent deux fois plus vite que ceux qui ne le font pas... donc il n'y a pas que pour moi que cela fonctionne. L'esprit influe sur la matière.

51. Voilà, maintenant, j'ai plus de 50 ans. J'ai écrit plus de 20 romans. Le principe est toujours le même: sortir de ma peau d'humain pour m'imaginer non plus comme une puce, ou comme un lion, non plus comme une fourmi mais comme un "thanatonaute", un ange, un dieu dans un premier temps, puis un arbre dans "le témoin silencieux" (une nouvelle de l'Arbre des possibles), un chat dans "demain les chats" ou un mort dans mon dernier ouvrage "Depuis là-haut".

52. J'ai baptisé mon art "philosophie fiction" car ce n'est pas de la science-fiction proprement dite, c'est-à-dire que je n'utilise pas seulement une découverte scientifique mais un questionnement purement philosophique pour avancer. Sommes-nous des dieux? Peut-on contrôler ses rêves? Que nous arrive-t-il après la mort? Quelle est la motivation de nos actes dans L'Ultime secret?

53. Voilà, j'ai été sauvé d'une vie normale (où j'aurais très probablement été inadapté) et d'une maladie invalidante par... l'écriture. On pourrait donc nommer mon traitement très personnel "écrito-thérapie". Je crois que nous avons tous un mode d'expression artistique par lequel on peut faire sortir sa pression intérieure. Je vous souhaite à tous de le trouver non seulement pour réduire vos agacements ou vos souffrances mais pour connaître des joies incomparables que vous ne pourrez trouver nulle par ailleurs.

PS: Mais si les crises revenaient et que l'arbre dans mon dos se remettait à se rigidifier je sais maintenant que ce je choisirai: la position assise.

PS 2: Cela dit je vous parle de ce sujet, parce que lors du dernier Master Class de Genève samedi 16 septembre, 4 personnes sont venues me voir pour me dire qu'elles avaient des SPA ou qu'elles connaissaient des personnes en souffrant. J'écris ce texte pour montrer qu'il y a des solutions même si elles ne sont pas forcément médicamenteuses. Il faut se forcer à être heureux rien que pour guérir. Je pense réellement qu'en trouvant un sens à sa vie on arrange ses problèmes de santé, même s'ils semblent a priori insurmontables.

24.02.2024 - 16h10

Bernard Werber: un homme de renaissances - par l'intermédiaire de Henry Oudin


source: buddhistnews.net

Entretien avec un écrivain qui partage, au cours de ses romans et de sa vie, la grande aventure de la conscience humaine.
Pourquoi le bouddhisme vous a-t-il fait appel ?

J'ai commencé avec le yoga. Quand j'avais treize ans, j'ai rencontré un garçon dans un camp d'été qui m'a présenté au raja yoga et m'a appris à tout faire consciemment, à respirer, à fixer mon regard, à réaliser que j'avais un cœur battant. J'ai trouvé ça extraordinaire, alors j'ai essayé de chercher d'autres endroits où je pouvais faire des pratiques similaires. Je n'en ai pas pu trouver. Alors j'ai commencé à regarder tout ce qui pourrait se rapprocher de cet enseignement, du zen, de la méditation, etc. Dans cette vaste exploration, j'ai découvert « The Third Eye » de Lobsang Rampa. Donc, à partir de là et du bouddhisme tibétain, je me suis intéressé au bouddhisme en tant que tel.
Comment le bouddhisme vous aide-t-il à vivre ?

Le bouddhisme m'a appris à accepter le monde tel qu'il est et à vivre dans le moment présent. Lorsque nous vivons dans le moment présent, nous en venons à être clairement conscients de ce que nous faisons. Un autre aspect m'apporte aussi beaucoup, lâcher prise. Tout ce qui ne va pas vient de moi-même, je suis seul responsable de ce qui m'arrive, la seule personne sur qui j'ai une marge d'action est moi-même, donc je ne veux pas qu'elle ne le soit à personne. Cela me donne la volonté de me perfectionner, d'être plus conscient. Je sais que la plus grande partie de ma douleur vient quand je m'accroche à quelque chose, à une croyance. Il suffit de remettre en question, par exemple, une croyance pour laisser la vie être comme une rivière qui coule. Tout passe, rien n'est fixé. Je n'ai donc pas besoin d'essayer de bloquer les choses en voulant qu'elles soient différentes de ce qu'elles sont. Quand nous réalisons que la vie passe à travers nous, nous sommes dans une forme d'acceptation, et non de tension ou de fatalisme. Le fatalisme se dit : « Quelque chose de mal, c'est affreux, mais je grince les dents ». Acceptation : « Quelque chose de mauvais arrive, cela contribue à mon développement. »
Alors que le bouddhisme encourage à vivre pleinement dans le présent, penser à des vies passées et futures jette un autre éclairage sur votre présent ?

Oui, beaucoup. Mon dernier livre, la boîte de Pandore, parle de vies passées. Je pratique moi-même une hypnose régressante : fermer les yeux, puis ouvrir les portes des vies passées et leur rendre visite. Je fais en sorte que les autres le fassent s'ils me le demandent. Je ne peux pas garantir que c'est vrai, mais il y a une histoire, et elle est remplie de détails. Au cours de l'une des vies récentes que j'ai explorées en hypnose régressive, je me suis retrouvé en Amérique latine avant l'arrivée des conquistadors dans un petit village de quatre cents personnes. J'ai été formé par un maître dans l'herboristerie, guérissant les gens avec des potions et des herbes. Il y avait toute une spiritualité autour de l'énergie des arbres. Mon maître m'avait dit qu'avant de mourir, je devais trouver un disciple pour que l'enseignement ne soit pas perdu. Mais je n'en ai pas trouvé. Je n'ai donc pas terminé ma mission. J'ai appris que je n'étais pas capable de me transmettre. J'ai donc eu un sentiment de frustration et je pense que je l'ai encore. C'est pourquoi j'écris des livres. Tout ce que j'apprends, je dois me propager. Je crois en la réincarnation, parce qu'elle ouvre une perspective. Grâce à la réincarnation, chaque vie est un épisode d'un feuilleton à suivre.
À votre avis, comment le bouddhisme pourrait-il être une philosophie pragmatique pour notre temps ?

Je ne prétends pas au bouddhisme, mais à la vie. Il y a un message de paix, de vie, d'harmonie, de respect de la nature, de conscience que je perçois dans cette tradition qui m'intéresse. Le bouddhisme n'est pas la solution, c'est l'une des façons d'aller vers la lumière. En effet, de toutes les philosophies, c'est celle dans laquelle il y a le plus de gens qui sont non violents et en harmonie avec la nature.

« Dans l'une de mes vies récentes, je me suis retrouvée en Amérique latine avant l'arrivée des conquistadors. J'ai été formé par un maître dans l'herboristerie, guérissant les gens avec des potions et des herbes. »

Le bouddhisme me semble être un outil qui doit être modernisé. Il serait donc nécessaire de penser différemment à cette philosophie ancienne. Je pense que notre temps a absolument besoin de spiritualité. La spiritualité devrait échapper à la volonté de l'ego des êtres humains. Je crois que nous avons besoin d'une spiritualité qui nous apprend à révéler notre vraie nature. Le bouddhisme est la spiritualité qui semble aller le plus dans cette direction.
Qu'est-ce que la spiritualité, la religion ou la philosophie qui vous ressemble le plus ?

Il y a un endroit, un endroit où je me sens bien : c'est une philosophie qui me semble idéale, l'école pythagoricienne. Pythagore qui a inventé le mot "philosophie", le mot "mathématiques", l'échelle de la musique et de l'héliocentrisme. Tout cela cinq cents ans av. J.-C. Il a créé des écoles dans lesquelles il acceptait les étrangers, les femmes et les esclaves. C'était un esprit ouvert et moderne, qui comprenait tout dans tous les domaines de la science et de la spiritualité. Il était également végétarien, musicien et sportif. L'école Pythagore me semble un très bon compromis entre les philosophies orientales et occidentales. Socrates et Platon étaient des élèves de Pythagore. Il en est donc la source.
Qu'est-ce que vous cherchez en fin de compte ?

Mon but est de diffuser la lumière, mais aussi de remettre la lumière là où il y a de l'ombre. Les forces obscures peuvent être diverses : le matérialisme, le fanatisme, le terrorisme, la violence, le machisme... et tous ceux qui se tendent, qui croient qu'ils ont raison et pensent qu'ils peuvent imposer leur point de vue par la violence. Aller vers la lumière, c'est se tourner vers une énergie de la vie, qui doit être nourrie. Nous ne devons pas, pour notre confort humain, détruire les forêts et les océans. J'essaie de développer tout cela à travers mes romans pour que les gens en prennent conscience. Nous sommes traversés par une énergie de vie et reliés à tous les autres. Il y a une sève de lumière qui traverse nous tous. Je suis convaincu qu'il y a une énergie invisible de la vie, qu'il faut en prendre conscience, pour la maintenir et la diffuser.
Quelles sont vos pratiques ?

Quand je me réveille, j'écris mes rêves. Puis je fais des mouvements « débriophiles ». Parfois, je fais des salutations au soleil. Étendre, s'étendre, réaliser que j'ai un corps et que j'ai la chance d'en avoir un. Je suis aussi de plus en plus végétarien, parce que manger un animal qui souffre est insupportable pour moi. Je fais aussi de la méditation guidée avec la méthode de Christophe André, trois minutes. Je le pratique en faisant le lotus complet. C'est la chose qui n'est que légèrement "yogi" que je sais faire.

«Je suis convaincu que notre esprit est comme un conducteur qui conduit une voiture et qu'après sa mort, le conducteur change de véhicule. »

Je suis heureux d'être en vie, d'être un écrivain, d'être dans ce monde, cette vie. Je ne suis pas optimiste, je fais attention à ce qui se passe autour de moi, à quel point j'ai de la chance d'être dans ce monde, et à ce qui ne va pas. Je pense que ce qui ne va pas mal aller de mal en pis. Peut-être est-il nécessaire d'aller jusqu'à la fin des erreurs pour commencer à comprendre? Néanmoins, j'espère que les générations futures seront éduquées dans le respect de la nature, de la vie et d'autres.
Qu'est-ce qui vit pour vous : une illusion comme certains bouddhistes pensent ou une grande opportunité d'évoluer et d'apprendre ?

Pourquoi vivons-nous ? Pour faire l'expérience de la matière. Vivre dans la matière est une expérience des cinq sens. La survie de notre pensée ne peut avoir lieu que dans la matière. Dans mon livre From beyond, j'écris : « Vous devez prendre soin de votre corps pour que votre esprit y reste ». Je suis convaincu que notre esprit est comme un conducteur qui conduit une voiture et après sa mort, le conducteur change de véhicule. À mon avis, on peut expérimenter le mysticisme tout en étant dans le monde. L'expérience de la question est également l'expérience de la collectivité.
Quel est le message principal de votre dernier roman ?

Connais-tu vraiment l'un l'autre ? Si vous voulez vraiment vous connaître vous-même, peut-être pourriez-vous vous demander si vous aviez des vies passées. Et comment expliquent-ils que vous êtes vous maintenant ? Pour moi, il est évident qu'il y a quelque chose avant qui explique pourquoi nous sommes comme ça maintenant. Ce livre cherche à montrer que chaque individu fait partie de l'humanité, mais toute l'humanité tâtonne la meilleure formule. Nous sommes à la croisée des chemins où des choix sont faits pour la survie de la planète et peut-être même la colonisation d'une autre planète.
Du livre au livre, nous suivons votre quête personnelle. As-tu trouvé les réponses que tu cherchais ?

Dans chaque livre, j'apprends quelque chose. Et, en même temps, je cherche à le partager avec mes lecteurs. C'est mon évolution de l'âme que nous voyons à travers mes livres. Par exemple, grâce à mon dernier livre, la boîte de Pandora, j'ai appris à pratiquer encore plus l'hypnose régressive. Chaque livre me permet de mieux utiliser les intuitions que j'avais auparavant. J'essaie de m'assurer que mes œuvres ne laissent pas les lecteurs intacts: ce ne sont pas de simples divertissements, mais une expérience qui doit changer le lecteur. Au-delà, l'un des points saillants est : "Je ne parle pas de convaincre des gens qui ne sont pas d'accord avec moi, mais pour ceux qui sont déjà d'accord avec moi afin qu'ils sachent qu'ils ne sont pas seuls". Il y avait l'aventure de la vie, puis l'aventure de l'intelligence, maintenant il y a l'aventure de la conscience. Je suis sur cette voie. Je ne sais pas où cela finira. Seules les quelques secondes avant la mort me diront si j'ai pris la bonne direction, au cœur de cette aventure de la conscience.

Cette volonté de promouvoir plus de sensibilisation est également le souhait de bouddhist News. Que peuvent apporter les médias comme le nôtre au grand public?

Le message du Bouddha, articulé autour de ces trois concepts - être dans le moment, pour accepter le monde et lâcher prise - est si difficile à intégrer que plus on le dira et de transmis, plus il sera intéressant.